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Moldavie, Géorgie, pays Baltes, Finlande... Pourquoi ces pays s'inquiètent-ils des ambitions russes en Europe ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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De gauche à droite : la présidente de la Géorgie, Salome Zurabishvili, celle de la Moldavie, Maia Sandu, le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, et le président du Conseil européen, Charles Michel, le 19 juillet 2021 à Batoumi (Géorgie). (- / GEORGIA'S PRESIDENTIAL PRESS SER)

Frontaliers de la Russie ou de l'Ukraine, plusieurs pays craignent que Moscou les attaque, dans la continuité de l'invasion de l'Ukraine. Dans ce contexte de guerre, tous se positionnent comme alliés de l'Union européenne ou de l'Otan. 

Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, la question a été reprise par les Etats-Unis. "Qui sera le prochain ?" s'est interrogé l'ambassadeur albanais à l'ONU, Ferit Hoxha, après l'entrée en guerre de Moscou. Moldavie, Géorgie, Finlande... Plusieurs pays s'inquiètent particulièrement des ambitions russes en Europe, de peur que leur propre intégrité territoriale ne soit bafouée.

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Ces risques sont connus par la France. Mais Emmanuel Macron est déterminé "à soutenir nos partenaires du voisinage oriental" de l'Union européenne "contre toute tentative de tensions et de déstabilisation", selon des propos tenus devant les dirigeantes de la Géorgie et de la Moldavie, samedi, deux jours après le début de la guerre en Ukraine. Franceinfo vous explique pour quelles raisons ces pays se sentent menacés.

La Moldavie

La Russie est déjà "présente militairement dans une région moldave qui s'appelle la Transnistrie", a rappelé à franceinfo Julien Théron, enseignant en conflits et sécurité internationale à Science Po Paris. La Transnistrie est un micro-Etat prorusse autoproclamé, situé dans l'est de la Moldavie. Au moment de la dislocation de l'URSS, en 1990, cette région majoritairement russophone proclame son indépendance, reconnue quasi exclusivement par Moscou, retrace Le Monde diplomatique (article payant).

Le pays partageant plus de 900 km de frontière avec l'Ukraine, la localisation de la Moldavie est stratégique. Aujourd'hui, une base militaire russe est implantée près de la ville ukrainienne d'Odessa. Dès l'assaut russe du 24 février, le pays a fermé son espace aérien. 

L'offensive russe en cours en Ukraine pourrait ainsi s'étendre à la Moldavie, a estimé vendredi sur France Inter Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères français, "inquiet" de la "dérive russe en matière d'ingérence".

L'expansion agressive de la Russie pourrait également réveiller d'anciennes envies de sécession. Dans le sud de la Moldavie, la région autonome de la Gagaouzie souhaitait déjà en 2014 intégrer l'union douanière russe plutôt que d'intégrer l'Union européenne. 

La Géorgie

Le risque plane aussi de l'autre côté de la mer Noire, en Géorgie, autre ex-pays de l'URSS, selon l'Elysée. De même qu'en Moldavie, deux micro-Etats prorusses, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, se sont autoproclamés indépendants entre 1991 et 1993. Lors de la deuxième guerre d'Ossétie du Sud, en 2008, l'armée russe repousse l'armée géorgienne et reconnaît officiellement leur indépendance. L'armée russe les protège, ce qui permet aux secessionnistes de former un gouvernement, d'imprimer leur propre monnaie, de lever des impôts et d'entretenir des forces armées, sans reconnaissance de la quasi-totalité de la communauté internationale. En 2015, l'Ossétie du Sud demandait même son rattachement à la Russie.

Selon la présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, interrogée sur France Inter, "l'Ukraine ne disparaîtra pas comme Etat, et c'est ce que la Russie a dû apprendre aussi dans la guerre avec la Géorgie". La Géorgie "a perdu 20% de son territoire, c'est une tragédie quotidienne". La pression prorusse est "quotidienne sur la ligne d'occupation" et à la frontière, avec des otages "tous les deux jours".

Ces pressions n'ont pas dissuadé la Géorgie "de poursuivre une voie européenne, euro-atlantique, de croissance économique, de démocratisation". Au risque de tendre la Russie, qui y voit une perte de son influence dans la région. Mais la présidente est claire : "Il faut que l'Europe ouvre la porteà la Géorgie, à la Moldavie, à l'Ukraine, sans compter les Balkans occidentaux, a-t-elle réaffirmé sur France 2 mardi. Dans la foulée, mercredi, le président du parti Rêve géorgien, Irakli Kobakhidze, a annoncé lors d'une conférence de presse la "décision de faire acte de candidature immédiatement pour l'entrée dans l'UE".

Les pays baltes et la Pologne

La Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ont été longtemps sous domination soviétique, après une courte période d'indépendance entre les deux Guerres mondiales, et jusqu'à la chute de l'URSS en 1991. La Pologne a tenu ses premières élections libres en 1989, précipitant la chute du régime communiste. Les relations sont depuis délicates avec Moscou. Après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l'Otan avait décidé de déployer en Pologne et dans les pays baltes des bataillons multinationaux, qui ont été récemment renforcés au sein de la Force de réaction.

Selon la Pologne, les ambitions de Vladimir Poutine de 2022 pourraient largement dépasser l'invasion de l'Ukraine. "Il a commencé en Géorgie, maintenant l'Ukraine, le prochain objectif pourrait être les pays baltes, la Pologne, la Finlande ou d'autres pays du flanc est", a alerté le Premier ministre polonais à Ouest Francesamedi. Dès le début de l'attaque, la Lituanie avait déclaré l'état d'urgence et demandé l'activation de l'article 4 de l'Otan, qui prévoit des consultations d'urgence si un membre de l'alliance est menacé. Le Parlement letton, par ailleurs, a pris des dispositions législatives pour permettre aux volontaires de se battre aux côtés des Ukrainiens, rapporte Courrier international, sans risquer de poursuites à leur retour.

La Première ministre de la Lituanie, Ingrida Simonyte, ainsi que les Premiers ministres letton et estonien ont envoyé une lettre ouverte aux responsables des plus grands groupes de médias sociaux du monde, leur demandant d'empêcher la désinformation russe sur la guerre en Ukraine de se répandre via ces plateformes. La semaine dernière, les trois Etats baltes, anciennement sous domination soviétique, ont interdit certaines chaînes russes et biélorusses, les accusant de diffuser de la propagande pour justifier la guerre contre l'Ukraine.

La Finlande

La Finlande est partenaire de l'Otan depuis le milieu des années 1990 – elle participe aux sommets et aux manœuvres conjointes –, mais elle n'est officiellement pas alignée, en grande partie pour ne pas irriter le Kremlin. Ce pays, qui partage une frontière de 1 340 km avec la Russie, a également rejoint l'Union européenne en 1995. "La situation géopolitique de la Finlande ne laisse pas de place à l'insouciance, spécialement maintenant”, résumait sur franceinfo Helena Petaisto, journaliste pour MTV à Helsinki. "Tout est calme ici, mais on ne sait pas si c'est le calme avant la tempête."

Pour la première fois, une majorité absolue (53%) de Finlandais s'est déclarée favorable à l'alliance militaire, selon un sondage publié lundi par la télévision publique Yle. Une pétition a également recueilli 50 000 signatures en moins d'une semaine, ce qui entraîne la saisine automatique du Parlement. Ce n'est pas tant la menace de Moscou qui a motivé les Finlandais que "les actions de l'armée russe contre l'Ukraine”, analyse Charly Salonius-Pasternak, chercheur à l'Institut des affaires internationales, interrogé par Le Monde (article payant)

L'adhésion de la Finlande (mais aussi de la Suède), serait un sujet de vive irritation pour Moscou. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a d'ailleurs affirmé que leur entrée dans l'Otan "aurait des répercussions militaires et politiques graves"Le pays, en tout cas, a décidé lundi d'envoyer des armes létales à l'Ukraine, dont 2 500 fusils d'assaut, 1 500 lance-roquettes et des munitions.

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