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Reportage "Peut-être qu'on a sauvé Kiev grâce à ça !" : le village ukrainien de Demydiv sous les eaux pour freiner l'avancée des Russes

Article rédigé par franceinfo - Eric Audra et Mathilde Dehimi
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
A 40 kilomètres de Kiev, le village de Demydiv s'est retrouvé inonder après le sabotage volontaire d'un pont et une digue qui protégeait le petit village d'un grand lac réservoir. (ÉRIC AUDRA / RADIOFRANCE)

Pour repousser l'avancée russe, la stratégie des Ukrainiens a parfois des conséquences inattendues. A 40 kilomètres de Kiev, le village de Demydiv s'est retrouvé inondé dès le début de la guerre pour freiner l'accès à Kiev.

A Demydiv, Lydia a vécu trois semaines dans sa cave seule avec ses chiens, avant de fuir quand les soldats russes sont arrivés dans sa rue. En rentrant, elle ne peut que constater les dégâts : l’eau stagne dans sa cave. "Il y avait de l’eau, jusqu’au plafond de la cave, trois mètres de haut ! décrit-elle. Et là, regardez, c’est à peine descendu... Dedans, j’avais stocké des pommes de terre, mes conserves et bocaux en verre. J’en avais un tracteur plein de mes patates, je voulais les planter mais tout est perdu," regrette-t-elle. 

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A Demydiv, Lydia a vu sa maison inonder, mais elle se rassure : si son jardin est toujours sous les eaux, les jonquilles en lisière ont profité du soleil pour sortir. (ÉRIC AUDRA / RADIOFRANCE)

Cette situation est pourtant loin d'être une catastrophe naturelle : pour freiner l'avancée des Russes vers Kiev, les Ukrainiens ont détruit un pont et une digue qui protégeait le petit village de Demydiv d'un grand lac réservoir. Résultat : le village a été inondé. Lydia essaye de se consoler avec ce qu'elle peut : si son jardin est toujours sous les eaux, les jonquilles en lisière ont profité du soleil pour sortir. Quant à l’armée russe, elle a installé son centre de commandement dans la maison de ses voisins. "Dans mon potager, je devais planter des tomates et pommes de terre, mais c’est sous l’eau. Et puis j’avais acheté et planté des petits arbres pour 100 Hryvnia pièce (l'équivalent de trois euros), les soldats russes les ont brisés", se désole-t-elle.

En quittant le village, les soldats russes ont détruit, à leur tour, le barrage en amont, aggravant les inondations provoquées volontairement par la défense ukrainienne. Depuis, Lydia attend de l’aide : "Partout ici, les soldats russes ont posé des mines. On nous a dit de marcher avec beaucoup de précaution".

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"Si on n’avait pas été protégé par les eaux..."

Dans la dernière maison au pied de la grande digue, Natalia et Yvan sont restés pendant l’occupation russe, "leurs blindés sont passés juste ici, ils allaient très vite". La pompe est cassée et le niveau de l’eau baisse doucement.

Vue en hauteur du village de Demydiv. L'inondation a été provoquée par les forces ukrainiennes puis par l'armée russe, qui a bombardé le barrage. (NICOLAS GARCIA / AFP)

Yvan salue la stratégie des Ukrainiens de faire céder des digues et un pont du village.

"Ce n’est pas l’armée ukrainienne qui a fait ça mais nos combattants volontaires de la défense territoriale. En reculant face aux Russes, ils ont détruit volontairement les digues et ponts."

Yvan, habitant de Demidyv

à franceinfo

Le village de Demidyv s’est retrouvé isolé mais Natalia n’y voit pas un sacrifice. "Maintenant et Dieu merci, peut-être qu’on a sauvé Kiev par ça ! Si on n’avait pas été protégé par les eaux, qui sait ce qu'il se serait passé ?" La route directe de Kiev a ainsi été coupée, mais en se détournant, les Russes sont entrés dans Boutcha.

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