Ukraine : à Odessa, des cours de langue ukrainienne pour résister aux Russes
Dans des villes traditionnellement russophones d'Ukraine, certains habitants décident de changer de langue et apprennent à parler ukrainien : une manière différente de s'exprimer, mais aussi de penser et de concevoir le monde selon eux.
Depuis le début de l'invasion russe, de nombreux Ukrainiens décident d'arrêter de parler le russe, perçue parfois comme "la langue de l'envahisseur". À Odessa, ville russophone du sud du pays, il y a désormais des clubs de langue remplis d'élèves qui veulent se "convertir" totalement à l'ukrainien et résister grâce au langage.
Ces cours sont donnés par exemple dans un sous-sol de la ville. La participation se fait au chapeau : les sommes versées par les élèves sont reversées aux volontaires et à l'armée. Car le but, ici, c'est bien de résister aux Russes.
"Je suis là depuis la création du club, raconte Oléna, une jeune fille de 13 ans. Au début, je suis venue spontanément, juste pour mieux connaître la langue et la culture ukrainiennes. Et puis, petit à petit, j'ai pris conscience que ça pouvait devenir un moyen de résistance culturelle face à l'agression russe." L'adolescente, que l'on pourrait presque présenter comme la Greta Thunberg de la langue ukrainienne, l'assure aujourd'hui : "Parler correctement ukrainien, c'est une bonne manière d'être une citoyen digne, et c'est la raison pour laquelle j'essaie de basculer entièrement en ukrainien. Et ce même si quelqu'un me répond en russe."
"L'impression d'être seul dans un pays étranger"
Derrière ce choix, qu'elle n'a pas encore annoncée à ses parents, il y a une vraie tendance. Selon une récente enquête publiée par Rating, un groupe d'études sociologiques indépendant, le nombre d'Ukrainiens russophones a diminué de 22% au cours des dix dernières années.
Mais à Odessa, les habitants parlent encore majoritairement russe, déplore Ivan, 29 ans : "Ça me pose problème, mais il faut dire que ça ne vient pas du jour au lendemain. Pour moi, ça été une conversion assez profonde et je dois dire qu'après avoir basculé en ukrainien, le russe a commencé à sonner pour moi comme une langue étrangère."
"C'est en étudiant l'Histoire, après avoir vu comment les Russes ont toujours opprimé l'Ukraine et la culture ukrainienne, que j'ai décidé de rompre avec la culture russe."
Ivan, 29 ansà franceinfo
Lui ne veut parler plus qu'en ukrainien désormais : "À un moment donné, j'avais l'impressoin d'être seul dans un pays étranger... alors que je suis chez moi ! Je comprends que c'est impossible pour les Odéssites de se convertir d'un coup, ça doit être un choix réfléchi. Moi j'ai beaucoup étudié la culture et l'histoire ukrainienne et c'est notamment en étudiant l'histoire, après avoir vu comment les Russes ont toujours opprimé l'Ukraine et la culture ukrainienne, que j'ai décidé de rompre avec la culture russe".
Substituer les mots ukrainiens aux russes
Ces élèves apprennent donc à modifier leurs habitudes avec Tatiana Khamraï, la fondatrice de ce club de langue ukrainienne qui nous présente le contenu de ses cours. "Ce sont des exercices de lutte contre le mélange entre ukrainien et russe, explique l'enseignante. Il y a une liste des mots qu'on répète facilement, des mots d'origine russe qu'il faut apprendre à remplacer par les mots littéraires de la langue ukrainienne."
Et cela a des répercussions très concrètes, précise-t-elle. "Quand on commence à parler ukrainien, on peut changer l'attitude envers les choses simples de la vie quotidienne. Par exemple, et si on prend le mot "hôpital", "bolnitsa" en russe, c'est "être malade, douleur", donc c'est le lieu où l'on ressent la douleur en Russie. En ukrainien, l'hôpital, "likarnya", c'est le lieu où guérir, soigner. Donc pour nous, les Ukrainiens, l'hôpital c'est le lieu où l'on reçoit le traitement médical."
Parler cette langue ukrainienne, pour cette enseignante et ses élèves, c'est donc un moyen de résister mais aussi c'est une façon d'être, de penser, de se comporter, réllement différente de celle des Russes. Ces Ukrainiens veulent ainsi prouver que ces deux pays ont deux identités souvent radicalement opposées.
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