Guerre au Proche-Orient : quelles peuvent être les conséquences d'une interdiction des activités de l'UNRWA par Israël ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des habitants de la bande de Gaza reçoivent de l'aide alimentaire, le 27 août 2024, à Gaza. (OMAR AL-QATTAA / AFP)
Le Parlement israélien a voté en faveur d'un projet de loi pour mettre fin au travail de l'agence onusienne sur son territoire. Il se donne trois mois pour mettre en application le texte.

Le Parlement israélien a voté à une écrasante majorité en faveur d'un projet de loi interdisant les activités de l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) en Israël, lundi 28 octobre. Malgré les objections des Etats-Unis et de l'ONU, ce texte prévoit que "l'UNRWA n'opérera aucune mission, ne fournira aucun service et n'exercera aucune activité – directement ou indirectement – ​​sur le territoire souverain de l'Etat d'Israël". Il a été approuvé à la Knesset par 92 voix contre 10.

Israël a accusé certains employés de l'UNRWA d'avoir participé à l'attaque terroriste du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023 et d'être des combattants du mouvement islamiste palestinien. "Ce n'est pas une agence d'aide pour les réfugiés, c'est une agence d'aide pour le Hamas", a lancé le député Boaz Bismuth, l'un des coauteurs du texte. Le Parlement a annoncé qu'il appliquerait cette décision dans les trois mois.

"L'UNRWA est la plus grande organisation humanitaire à Gaza et la principale responsable de la réponse humanitaire, notamment en matière d'abris, de nourriture et de soins de santé de base", a déclaré sa directrice de la communication, Juliette Touma. Avec environ 18 000 employés, dont 13 000 enseignants et 1 500 membres du personnel de santé, l'agence a fourni de l'aide aux réfugiés palestiniens depuis sa création en 1949.

Les déplacements de l'agence entravés

L'approbation du projet de loi interdirait à l'UNRWA d'opérer à Jérusalem-Est, avec une probable fermeture de son centre installé dans la partie de la ville occupée par Israël depuis 1967. L'agence opère actuellement dans le camp de réfugiés de Shuafat, un quartier palestinien de Jérusalem-Est, où elle fournit aux résidents (environ 60 000 en 2022) de nombreux services. "Si elles sont réellement mises en place, d'ici trois mois, ces lois mèneront à l'effondrement de nos opérations humanitaires en Cisjordanie et Gaza, et possiblement au Liban", affirme également sur franceinfo Tamara Alrifai, porte-parole de l'UNRWA. L'organisation va "faire de son mieux" pour que "ses activités continuent", assure-t-elle.

Les membres de l'agence doivent notamment "passer par des check-points israéliens", pour se rendre à Gaza. "Nous devons coordonner nos actions, notre passage, notre sécurité avec les autorités israéliennes pour pouvoir acheminer l'aide humanitaire et le personnel de l'agence jusqu'à la bande de Gaza", explique Tamara Alrifai. La question logistique a été abordée mardi à Genève par James Elder, porte-parole de l'Unicef, qui travaille avec l'agence onusienne. "Si l'UNRWA n'est pas en mesure d'opérer, le système humanitaire à Gaza s'effondrera probablement. L'Unicef sera incapable de distribuer des fournitures vitales", a-t-il souligné.

Un second texte voté lundi interdit aux responsables israéliens de travailler avec l'UNRWA et ses employés, ce qui devrait considérablement perturber les activités de l'agence, alors qu'Israël contrôle strictement toutes les entrées des cargaisons humanitaires à destination de Gaza. "Du point de vue de la coordination, il s'agit d'un problème très, très grave", confirme Jonathan Fowler, porte-parole de l'organisation à Jérusalem.

L'UNRWA dépend des contacts avec l'armée israélienne ou avec l'organisme du ministère de la Défense qui gère les affaires civiles dans les territoires palestiniens, le Cogat, pour coordonner l'entrée des marchandises à Gaza, la sécurité des mouvements de son personnel. "La capacité de se déplacer et de faire notre travail dans une relative sécurité risque d'être gravement entravée par l'impossibilité de désamorcer les conflits" explique Jonathan Fowler.

Des effets sur l'éducation et la santé

Par ailleurs, le commissaire général de l'agence, Philippe Lazzarini, assure dans une lettre ouverte adressée au président de l'Assemblée générale de l'ONU qu'en l'absence "d'une administration publique ou d'un Etat à part entière, aucune autre entité que l'UNRWA ne peut assurer l'éducation de 660 000 garçons et filles". "Une génération entière d'enfants serait sacrifiée, avec des risques à long terme de marginalisation et d'extrémisme." Contrairement à d'autres agences onusiennes, qui travaillent avec des partenaires externes comme des écoles pour fournir des services, l'UNRWA emploie ses propres enseignants et membres du personnel de santé.

Tarik Jasarevic, porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a affirmé mardi que l'UNRWA bénéficiait de moyens exceptionnels : "Aucune agence ne peut tenir la comparaison, y compris l'OMS." Les lois adoptées ne "mettront pas fin au statut de réfugié des Palestiniens, qui existe indépendamment des services fournis par l'UNRWA", signale Philippe Lazzarini, mais "elles porteront gravement atteinte à leur vie et à leur avenir".

Enfin, l'organisme risque de connaître des difficultés avec les banques israéliennes, nécessaires pour le transfert de fonds vers Gaza et la Cisjordanie occupée. L'agence risque de se retrouver dans l'impossibilité de régler ses salaires et de financer des projets.

"La mise en œuvre de ces lois aurait des conséquences très graves sur la situation humanitaire à Gaza, déjà catastrophique, mais également dans l'ensemble des territoires palestiniens occupés", a commenté mardi la France. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a mis en garde contre des "conséquences dévastatrices pour les réfugiés palestiniens", ajoutant qu'il n'existait "pas d'alternative" à l'UNRWA. Il entend porter la question à l'attention des 193 membres de l'Assemblée générale des Nations unies.

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