Guerre entre Israël et le Hamas : qu'est-ce que la "hasbara", la doctrine de communication de l'État hébreu ?
Deux semaines après l'attaque du Hamas, l'armée israélienne a projeté, lundi 23 octobre, les images de ce qui s'est passé le 7 octobre devant des journalistes du monde entier réunis dans une base militaire près de Tel-Aviv. Il s'agissait d'une compilation de vidéos diffusées par les membres de l'organisation islamiste palestinienne. C'est le dernier exemple en date de la guerre médiatique qui se joue, aussi, dans le conflit actuel entre Israéliens et Palestiniens. Du côté de l'État hébreu, cela prend le nom de la "hasbara".
Donner une image positive d'Israël
"Hasbara" signifie "explication" en hébreu. C'est ainsi qu'est appelée la communication d'Israël en direction de l'étranger. La "hasbara" a été imaginée par l'un des penseurs du sionisme, Nahum Sokolow, au début du XXe siècle. Selon lui, une implantation juive en Palestine souffrirait d'une mauvaise perception et d'une image négative, un malentendu qui pourrait être expliqué à l'aide de la "hasbara". L'enjeu devient crucial après la création de l'Etat d'Israël en 1948. Cette doctrine a connu un nouvel élan en 2012 lors de l'opération "Pilier de défense", avec la diffusion en direct de la mort d'Ahmed Jabari, le chef de la branche armée du Hamas. À travers la "hasbara", Israël souhaite justifier ses actions, et convaincre l'opinion internationale de le soutenir.
Cette communication peut s'apparenter à de la propagande institutionnalisée, selon ses détracteurs. Elle est orchestrée par le gouvernement et l'armée israélienne à travers les ministères des Affaires étrangères et des Affaires stratégiques. Et aujourd'hui, la "hasbara" peut prendre différentes formes : diffusion d'images par l'armée, diffusion de vidéos en pre-roll sur YouTube ou dans les jeux vidéo, mise à disposition d'experts pour les médias étrangers, campagne de communication relayée par des influenceurs…
La bataille de l'émotion, élément central de la guerre informationnelle
La bataille à laquelle se livrent Israël et le Hamas sur le plan de l'émotion "est un élément central de cette guerre de l'information", rappelle sur franceinfo David Colon, auteur de La Guerre de l'information. Les États à la conquête de nos esprits, aux éditions Tallandier. "Pour Israël, il s'agit de légitimer les faits, de sensibiliser l'opinion mondiale à la gravité des crimes commis le 7 octobre, en même temps qu'à la situation des otages", analyse le chercheur au centre d'histoire de Sciences Po. "Pour le Hamas, il s'agit de mettre en avant les victimes civiles palestiniennes dans le cadre de ce que l'on appelle communément une 'doctrine victimaire' que le Hamas a mise en avant à plusieurs reprises en 2008, en 2012 ou en 2014", poursuit-il.
Lorsque l'armée israélienne décide de montrer un montage de plus de 40 minutes d'images de l’attaque du 7 octobre à des journalistes internationaux, "elle veut susciter la compassion mondiale", estime aussi Frédéric Métézeau, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem. Car "elle sait que des images de Gaza vont à leur tour inonder les réseaux sociaux", ajoute le journaliste. Selon lui, en montrant l'horreur via une compilation d'images tournées par le Hamas et par des civils israéliens, "elle veut légitimer son offensive sur Gaza".
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