: Reportage Israël : le traumatisme du 7-Octobre, palpable aussi chez les Bédouins qui vivent près de la frontière avec Gaza
Vivre dans le village bédouin de Zyadne, tout proche de la ville israélienne de Rahat, c’est vivre à 25 kilomètres de la bande de Gaza avec le bruit des bombardements israéliens en fond sonore. "Le soir, on entend les explosions. Hier, dans la nuit c’était vraiment fort", confie Salem, l’un des hommes du clan des Zyadne. "Quand on entend les bombardements de notre armée sur Gaza, ça nous inquiète parce que notre famille est retenue en otage dans Gaza. Et on ne sait pas où ces bombes tombent."
Les Bédouins d'Israël sont depuis longtemps une communauté prise entre deux feux dans le conflit israélo-palestinien. Ils sont une des branches de la communauté des Arabes israéliens, descendants des Palestiniens et restés sur leurs terres après la création d’Israël en 1948. La grande majorité vit dans le désert du Neguev, dans le sud d’Israël, où de nombreux villages ont été rattrapés le 7 octobre par le conflit.
Youssef, l’un des patriarches du clan, et son fils Hamza, ont été enlevés par le Hamas pendant l’attaque du kibboutz de Holim, où ils travaillaient, et personne ne sait où ils sont. Deux autres enfants de Youssef, Aicha et Bilal, ont été libérés fin novembre. Revenus au village, ils ne peuvent voir personne, insiste leur cousin Tamer. "Nos otages qui sont revenus savent exactement ce qui se passe là-bas. C'est très dur pour eux car, quand ils entendent les bombardements, ça les inquiète encore plus. Leur vie est suspendue jusqu’à ce que ceux qui sont encore là-bas reviennent."
"Les enfants juifs et les nôtres jouent ensemble, presque tous les samedis"
Pour cela, il faudrait arrêter la guerre, tout de suite, disent les hommes de la famille. Mais les Bédouins sont une communauté à part, en Israël. Ils se tiennent donc loin des grandes mobilisations pour exiger la libération des otages. Pour ces Arabes d’Israël, explique Salem, les relations avec l’Etat sont empreintes de défiance.
"On espère que cette fois le gouvernement ne va pas faire de différence entre nous et les Juifs, comme il l’a déjà trop fait."
Salem, membre du clan des Zyadneà franceinfo
Les Bédouins de Zyadne travaillent pour la plupart dans l’agriculture, employés par les kibboutz aux portes de Gaza, ceux qui ont été attaqués le 7 octobre. "On a de très bonnes relations avec les gens là-bas. Les enfants juifs et les nôtres jouent ensemble, presque tous les samedis", se souvient Salem.
Depuis le début de la guerre, les habitants du kibboutz ne sont pas revenus, et les Bédouins se retrouvent sans travail. Les attaques du 7-Octobre ont changé beaucoup de choses ici. "Je pense qu’il est encore tôt pour parler de la suite. Si tu poses la question à quelqu’un qui était là-bas le 7 octobre là-bas, il te dira qu’il n’y retournera pas. Et je sais de quoi je parle…", souffle Salem. Il raconte qu’il était là-bas, lui aussi, avec deux de ses enfants, quand les hommes du Hamas ont attaqué le kibboutz. Il refusera d'en dire plus. Rester discret, toujours. Chez les Bédouins d'Israël, c’est une question de survie.
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