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Guerre en Ukraine : "Les sanctions sportives contre la Russie ne sont pas terminées", prévient Lukas Aubin, docteur en géopolitique du sport

Le docteur en géopolitique du sport et spécialiste de la Russie, Lukas Aubin, éclaircit les points clés des décisions des instances internationales du sport contre la Russie.

Article rédigé par franceinfo: sport - Louis Delvinquière
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La Russie, qui devait accueillir à Saint-Pétersburg la finale de Ligue des champions, se l'est vue retirée par l'UEFA le 25 février 2022. (JAKUB PORZYCKI / NURPHOTO)

La guerre en Ukraine impacte aussi le monde du sport. Depuis le début des combats et la déclaration d'annexion des territoires du Donbass et de Lougansk par la Russie, des certitudes et des événements sportifs sont remis en cause. La finale de Ligue des champions, déplacée de Saint-Pétersbourg au Stade de France, l'annulation des matchs européens de basket ou encore celle des épreuves de ski sur le territoire russe : toutes les grandes instances sportives internationales se sont emparées du sujet.

Pour répondre aux interrogations que soulèvent autant de décisions, avec en figure de proue l'UEFA et le Comité international olympique (CIO), franceinfo: sport a interrogé Lukas Aubin, docteur en géopolitique, spécialiste du sport et de la Russie.

Franceinfo: sport : Certaines des plus grandes instances internationales ont mis au ban la Russie après son invasion de l'Ukraine. Peut-on parler de sanctions inédites dans l'histoire du sport ?

Lukas Aubin : Il y a bien eu l'exclusion de l'Afrique du Sud (des Jeux olympiques de 1970) à cause de l'apartheid, mais ce n'était pas aussi conséquent. Ici, une bonne partie des fédérations internationales ont pris fait et cause contre la Russie et la sanctionne de façon méthodique. D'abord en lui enlevant les compétitions sportives, puis en s'attaquant au porte-monnaie avec la rupture de partenariats, comme Manchester United avec Aeroflot. Puis quid de Gazprom et la Ligue des champions ? On a du mal à imaginer que la finale, délocalisée au Stade de France, soit sponsorisée par l'entreprise russe...

Quelle est l'instance qui a le plus de poids pour faire bouger les choses ?

Tout dépend des contextes et des échéances sportives. Pour celles qui se sont déjà prononcées, je dirai l'UEFA puis le CIO, qui est le responsable du mouvement sportif mondial, et qui a fait un gros coup en invitant toutes les fédérations à se retirer. Mais il a moins d'impact que par le passé.

La Fifa pourrait aussi avoir un gros impact mais fait de la résistance. Elle louvoie, hésite à annuler ou à délocaliser les matchs éliminatoires à la Coupe du monde qui doivent se jouer en Russie. Il faut dire que son président, Gianni Infantino, n'est pas dans une situation favorable : il est dans les petits papiers de Vladimir Poutine et ils se croisent souvent.

Le président russe, Vladimir Poutine, et le président de la Fifa, Gianni Infantino, lors d'une rencontre à Moscou, le 25 novembre 2016. (SPUTNIK PHOTO AGENCY / REUTERS)

Pourquoi ces fédérations ne réagissent-elles que maintenant alors qu'elles auraient déjà pu avoir leur mot à dire dès 2014, lors de l'épisode en Crimée ?

Le narratif de guerre russe de 2014 était plus structuré et moins grossier qu'aujourd'hui. A l'époque, il y avait quand même des gens qui pouvaient comprendre la situaton russe. A ce moment, Moscou défendait coûte que coûte que "le sport est apolitique". Aujourd'hui, face à une situation extraordinaire, de guerre, les instances agissent vite.

Est-ce que le sport et les sportifs peuvent avoir leur influence dans une telle situation ?

Oui, je pense. Ils ont, pour certains, une aura positive auprès des populations. S'il y a une prise de position en défaveur des actions russes de la part d'un athlète de renom, cela pourra ensuite faire effet boule de neige et se répandre. Le sport reste l'un des fers de lance du patriotisme russe. Comme cette guerre semble sans raison et que la population russe est désormais moins derrière son président, il faudrait peu de choses pour que les sportifs prennent la parole.

Mais que risquent, justement, ces athlètes à se prononcer contre les vélléités de leur président Vladimir Poutine ?

Le peuple russe doit, selon le régime, soutenir la guerre car elle est "positive" dans ce que Vladimir Poutine qualifie de "démilitarisation et dénazification" de l'Ukraine. En refusant cette guerre, ils s'engagent contre Poutine, contre le régime russe et doivent donc en payer le prix.

Il y a par exemple le cas Artemi Panarine, quelques mois en arrière. Le hockeyeur a appelé à la libération de l'opposant Alexeï Navalny lorsque celui-ci avait été enfermé. Il s'était alors directement adressé au président Poutine. Quelques temps après, un dirigeant russe a sorti une affaire sur le sportif annonçant que, dix ans en arrière, Panarine avait frappé une femme dans un bar de Riga (Lettonie). Le tout, en n'apportant aucun fait et aucune preuve.

Le hockeyeur russe Artemi Panarine lors de la rencontre de la Russie face à la République Tchèque le 8 septembre 2016. (IGOR RUSSAK / NURPHOTO)

Le sujet est arrivé jusqu'aux oreilles de son club américain (New York Rangers), qui l'avait instantanément mis à pied avant d'être réintégré quelques semaines plus tard. C'est ce que l'on peut appeler un "kompromat (scandale) russe" pour nuire à la carrière d'un sportif. D'ailleurs, Artemi Panarine n'a jamais été rappelé en sélection nationale.

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