Russie : cinq choses à savoir sur l'élection présidentielle, que Vladimir Poutine est assuré de remporter
Un scrutin particulièrement attendu, dont l'issue semble pourtant déjà connue. L'électorat russe est appelé aux urnes du vendredi 15 et dimanche 17 mars, pour une élection présidentielle qui doit, sans surprise, aboutir à la réélection de Vladimir Poutine pour un cinquième mandat, le troisième consécutif. L'autoritaire dirigeant russe, président ou chef du gouvernement depuis un quart de siècle, est candidat pour se maintenir à la tête du pays au moins jusqu'en 2030.
Ce vote est un "simulacre" d'élection présidentielle, décrit France Culture, tant le Kremlin étouffe toute alternative au président sortant. Il a lieu un mois après la mort en détention de la principale figure de l'opposition, Alexeï Navalny, dans des circonstances troubles. Pourtant, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, assure que le scrutin organisé est "le type d'élections que notre peuple souhaite".
Selon la commission électorale centrale, citée par l'agence de presse russe Tass, 112,3 millions de personnes sont appelées à voter en Russie et dans les territoires ukrainiens occupés par Moscou. S'y ajoutent près d'1,9 million d'électeurs qui vivent à l'étranger. En Ukraine, le vote a débuté fin février dans la région occupée de Zaporijjia, rapporte Tass. En attendant un résultat qui fait peu de doutes, franceinfo résume ce qu'il faut savoir au sujet de l'élection présidentielle dans le plus vaste Etat du monde, en guerre contre l'Ukraine depuis plus de deux ans.
Vladimir Poutine se maintiendra jusqu'en 2030, et peut viser 2036
Le dirigeant russe a révélé qu'il était candidat à sa réélection le 8 décembre, lors d'une cérémonie de décoration au Kremlin. Une annonce faite au détour d'une discussion présentée comme "spontanée", raconte Le Monde . "Au nom de tout le peuple, au nom du Donbass, je voudrais vous demander de participer à ces élections, parce qu’il y a encore beaucoup de travail", lui a déclaré un militaire de la République populaire autoproclamée de Donetsk, un des territoires occupés dans l'est de l'Ukraine. "J’ai eu des idées différentes à différentes époques. Mais vous avez raison, le temps est venu de prendre cette décision. Je serai candidat à la fonction de président de la Fédération de Russie", lui a répondu Vladimir Poutine.
Ce nouveau scrutin doit lui permettre de demeurer au pouvoir jusqu'en 2030. Il pourra alors concourir à nouveau pour se maintenir au pouvoir jusqu'en 2036. Il y a quatre ans, une révision constitutionnelle lui a en effet offert le droit d'effectuer jusqu'à quatre mandats présidentiels consécutifs, alors que la Constitution russe n'en permet théoriquement que deux.
Ses promesses ne se limitent pas à la guerre en Ukraine
Lors de son discours annuel à la nation, fin février, Vladimir Poutine a esquissé son programme pour les six prochaines années. Au-delà de sa justification de la guerre en Ukraine, il a défendu une Russie des "valeurs traditionnelles", en opposition à un Occident décrit comme décadent. "Une famille avec de nombreux enfants doit devenir la norme", a-t-il insisté, en réponse à la crise démographique du pays.
Le président a en outre fait miroiter des investissements pour moderniser la Russie, dans des domaines aussi variés que les nouvelles technologies, la culture ou la protection de l'environnement. Il a également insisté sur l'éducation et les infrastructures dans une longue liste de promesses chiffrées, s'engageant à rénover de nombreux aéroports, faire construire des dizaines de campus, des centaines de gymnases ou encore cinquante routes, énumère Le Monde . Cet inventaire s'est accompagné d'annonces sur les aides sociales, notamment à destination des anciens combattants et de leurs proches.
Les trois autres candidats ne sont pas des concurrents
Aux côtés de l'occupant actuel du Kremlin, trois candidats sont en lice pour l'élection présidentielle : Nikolaï Kharitonov, Leonid Sloutsky et Vladislav Davankov. Membres de partis représentés au Parlement russe, ils n'ont pas eu besoin de passer le filtre du recueil de parrainages. Mais leur présence donne une fausse impression de pluralisme politique, alors que ces trois hommes sont loin d'être des adversaires de Vladimir Poutine. Aucun d'entre eux ne s'oppose à la poursuite de l'invasion russe de l'Ukraine.
Nikolaï Kharitonov est le représentant du Parti communiste russe dans ce scrutin. "Notre tâche est de consolider le peuple pendant la campagne électorale pour qu'il y ait une victoire sur tous les fronts", a-t-il déclaré fin décembre, lors de l'annonce de sa nomination. Autre candidat déclaré, Leonid Sloutsky dirige le Parti libéral-démocrate de Russie, un mouvement conservateur et nationaliste. Il a lui-même prédit une victoire "énorme" pour Vladimir Poutine, affirmant qu'il ne lui ôterait "pas de voix".
Vladislav Davankov, enfin, est député et ancien candidat à la mairie de Moscou. "Voudrais-je la paix à tout prix ? Non", avait-il déclaré au sujet de l'Ukraine, selon le site d'actualité russe Fontanka. Il a tout de même estimé que l'"opération militaire spéciale" ne devait pas être une question laissée "à nos enfants".
La véritable opposition est exclue du scrutin
Au fil de la campagne, deux réelles candidatures d'opposition à Vladimir Poutine ont été écartées. Début février, le candidat libéral et pacifiste Boris Nadejdine a vu sa candidature rejetée par la commission électorale russe. Celle-ci a invalidé 9 147 signatures de soutien au candidat. "Le nombre de parrainages d'électeurs vérifiés et valables s'élève à 95 587 (...) alors qu'il en fallait 100 000", a tranché Andreï Choutov, membre de la commission.
Peu connu du grand public jusqu'à cette campagne, le candidat, opposé à l'offensive russe en Ukraine, est un élu municipal d'une petite ville en banlieue de Moscou. "Le gouvernement ne devrait pas essayer de créer plus de territoires pour la Russie, c'est une mauvaise idée", affirmait-il en début d'année dans un entretien à franceinfo.
Fin décembre, la commission électorale russe avait également invalidé la candidature d'Ekaterina Dountsova, journaliste et ancienne élue municipale. L'institution l'avait justifié par des "erreurs dans des documents" présentés par la candidate prodémocratie, elle aussi opposée à la guerre en Ukraine.
La Russie réprime durement toute critique du Kremlin, encore plus depuis le début de l'invasion russe. Des figures de l'opposition sont en exil, quand d'autres ont été condamnées et incarcérées. A distance, des anti-Poutine tentent malgré tout de mobiliser les électeurs, notamment en appelant à participer à l'opération "Midi contre Poutine", proposée par Alexeï Navalny peu avant sa mort : "J'aime l'idée que ceux qui votent contre Poutine se rendent aux urnes à la même heure, à midi", avait-il écrit sur X.
Les Russes sont encouragés à voter, et des fraudes sont possibles
A l'approche du scrutin, des affiches sont apparues en Russie pour inciter les électeurs à aller voter entre vendredi et dimanche. Tombolas, animations... Les autorités se mobilisent pour inviter un maximum de citoyens à se rendre aux urnes. Selon Le Monde, le Kremlin souhaite une campagne "calme, sans show superflu" qui se termine, pour Vladimir Poutine, par un score au moins égal à celui de la dernière élection présidentielle, en 2018. Le président avait recueilli plus de 75% des voix.
"La campagne de réélection de Poutine en 2018 a bénéficié d’avantages, notamment un traitement médiatique préférentiel, de nombreux abus et des irrégularités de procédure lors du décompte des voix", rappelle l'ONG de défense des libertés Freedom House. A l'époque, des électeurs avaient affirmé avoir été forcés d'aller voter par leurs employeurs ou leurs enseignants. D'autres déclaraient avoir reçu des billets pour des concerts ou des coupons pour des produits alimentaires en échange de leur participation.
"Le système électoral russe est conçu pour maintenir la domination de Russie unie", le mouvement de Vladimir Poutine, pointe Freedom House, qui évoque aussi des bourrages d'urnes lors des législatives de 2021. Cette année, le vote électronique et l'étalement du scrutin sur trois jours pourraient entraîner davantage de fraudes, pointe par avance Le Monde.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.