Pourquoi le "plan de paix" au Proche-Orient préparé par Donald Trump a-t-il peu de chances d'aboutir ?
Ce plan est annoncé comme historique par Donald Trump, mais il n'a aucune chance de résoudre la crise israélo-palestinienne, voire risque de l'empirer.
Un projet mort-né. L'"accord du siècle", maintes fois reporté pour des raisons politiques, est dévoilé en grande pompe à la Maison Banche par Donald Trump, mardi 28 janvier. Le président accueille pour l'occasion son "grand ami", le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Cette présence tend à exacerber l'absence, lourde de sens, de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne. Ce dernier a en effet refusé de discuter avec ses homologues israélien et américain. La ratification du plan par les deux parties en conflit s'annonce donc compliquée, voire impossible.
Parce que la démarche est biaisée
Ce plan est une solution voulue pour plaire aux deux camps, mais a été "conçu seulement avec les autorités israéliennes", déplore Agnès Levallois, consultante spécialiste du Moyen-Orient. "Pour moi, on ne peut pas attendre grand-chose de ce plan car il a été élaboré par les Américains, et il répond à toutes les exigences israéliennes", détaille-t-elle.
Si Donald Trump annonçait en novembre 2016 vouloir "être celui qui fera la paix entre Israël et les Palestiniens", les mesures décidées par le gouvernement américain par la suite n'ont pas laissé de doute sur la partie favorisée. En décembre 2017, les Etats-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, y ont transféré leur ambassade en mai 2018, ont reconnu un an plus tard la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan puis ont cessé de considérer les colonies israéliennes comme illégales en novembre 2019.
On est dans une logique unilatérale.
Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orientà franceinfo
Le plan, comme les précédentes décisions relatives à la situation israélo-palestinienne, a été pensé par Jared Kushner, le gendre et conseiller de Donald Trump. Le trentenaire avait annoncé, dès mai 2019, que cette proposition ne devrait pas faire référence à deux Etats. Ainsi, le plan "enterre complètement l'idée d'un Etat palestinien", observe la spécialiste, qui constate : "Les Etats-Unis ne sont plus les honnêtes courtiers qu'ils avaient été lors des accords d'Oslo" en 1993. En 1995, un accord intérimaire dit d'Oslo II avait été conclu entre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël, et avait été facilité par la médiation du président américain Bill Clinton.
Parce que c'est avant tout une opération de communication
Le projet est annoncé alors que se déroule le procès en destitution de Donald Trump et que le Premier ministre israélien est inculpé pour corruption. Célébré comme "historique" du côté israélien, le plan devrait permettre à Benyamin Nétanyahou de redorer son image dans son pays avant les élections législatives de mars 2020, les troisièmes en moins d'un an. Côté américain, l'annonce cherche à éclipser les reproches intentés à Donald Trump. Le président américain souhaite en effet réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué, en délivrant "l'accord ultime" entre Israéliens et Palestiniens.
Mais la réussite du projet est plus que compromise. Les Palestiniens étant absents, les discussions sont menées par les seuls protagonistes américain et israélien, tous deux fragilisés par des affaires judiciaires. Le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a appelé lundi 27 janvier la communauté internationale à boycotter le projet d'accord : "Ce n'est pas un plan de paix pour le Moyen-Orient, a-t-il martelé, jugeant que l'initiative visait avant tout à protéger "Trump de la destitution" et "Nétanyahou de la prison".
Parce que les soutiens risquent de faire défaut
Si l'opposition des Palestiniens ne fait nul doute, Donald Trump compte sur un soutien des pays arabes pour faire accepter son plan. Pour cela, les Etats-Unis ont présenté en juin le volet économique du projet, qui prévoyait 50 milliards de dollars d'investissements dans les Territoires palestiniens et les pays arabes voisins sur dix ans. Un financement qui reste à éclaircir et qui pourrait s'avérer problématique, selon Agnès Levallois. "Trump considère que ce sont aux pays du Golfe de payer", précise-t-elle.
Difficile toutefois d'imaginer que les pays arabes puissent accepter de "brader la revendication palestinienne", analyse la chercheuse, qui prévient : "Ce qu'il va falloir observer, c'est la réaction des pays arabes et des Européens."
En effet, les premiers éléments du plan américain comprennent, selon les Palestiniens, l'annexion par Israël de la vallée fertile du Jourdain, ainsi que la reconnaissance officielle de Jérusalem comme seule capitale d'Israël. "Est-ce que les Européens peuvent accepter qu'on nie de la sorte le droit international, est-ce que l'ONU peut accepter qu'on balaie ainsi son action ?" s'interroge Agnès Levallois. De son côté, l'OLP a prévenu dimanche qu'elle pourrait se retirer des accords d'Oslo, et le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a mis en garde contre une "nouvelle phase" de la lutte palestinienne contre l'occupation israélienne.
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