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Second tour de la primaire écologiste : sur quelles thématiques Yannick Jadot et Sandrine Rousseau se démarquent-ils ?

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Alors candidats à la primaire écologiste, Yannick Jadot et Sandrine Rousseau participent à l'université d'été d'Europe Ecologie-Les Verts à Poitiers (Vienne), le 19 août 2021. (MEHDI FEDOUACH / AFP)

L'un et l'autre sont qualifiés pour le deuxième tour de la primaire écologiste, qui se déroule de samedi à mardi.

L'un passe pour plus consensuel, l'autre pour plus radicale. Mais tous deux se sont qualifiés pour le second tour de la primaire écologiste, qui se tient du samedi 25 au mardi 28 septembre. Au premier tour, le 19 septembre, l'eurodéputé Yannick Jadot est arrivé en tête avec 27,7% des 106 000 suffrages exprimés, devant Sandrine Rousseau (25,14%), maîtresse de conférences en sciences économiques à l'université de Lille.

Comment se répartiront les voix restantes, qui se sont portées respectivement sur la députée Delphine Batho (22,32%), le maire de Grenoble Eric Piolle (22,29%) et l'entrepreneur Jean-Marc Governatori (2,35%) ? Mystère. D'autant plus que Yannick Jadot et Sandrine Rousseau appartiennent tous deux à Europe Ecologie-Les Verts, et se reconnaissent dans le programme présidentiel d'EELV pour 2022. Il y a une "grosse base programmatique commune", souligne la conseillère EELV de Paris Alice Coffin, qui soutient l'enseignante en économie. "Oui, 90 à 95% du corpus est commun", confirme le député Matthieu Orphelin, qui, lui, soutient Yannick Jadot. Franceinfo passe à la loupe les marqueurs qui les opposent et leurs propositions.

Sur l'agriculture 

Yannick Jadot. Sur son site de candidat à la primaire, il se fixe l'horizon 2030 pour donner un coup de fouet à l'agriculture biologique et locale à l'aide de contrats de transition. Celle-ci serait notamment dopée par la suppression de la TVA sur les produits bio et locaux. Yannick Jadot "portera ce combat dès le premier semestre 2022", au moment où la France exercera la présidence tournante de l'Union européenne, affirme à franceinfo Matthieu Orphelin.

"La TVA sera supprimée sur les produits bio et de proximité, pour rendre l'alimentation saine accessible à tous."

Yannick Jadot

sur son site de candidat à la présidentielle

Dans la même logique, "les importations de soja doivent cesser dans dix ans, pour mettre un terme à la déforestation importée et garantir notre souveraineté alimentaire". "Nous stopperons les importations de soja et de bœuf provenant d'Amérique latine, ou encore d'huile de palme venant d'Asie du Sud-Est et d'Afrique centrale. Cela passe notamment par la fin des accords de libre-échange", a-t-il précisé au quotidien écologiste en ligne Reporterre.

Sandrine Rousseau. "Nous interdirons l'usage des OGM, des pesticides de synthèses et limiterons l'utilisation des engrais. Par ailleurs, nous durcirons la réglementation pour réduire les émissions de polluants dans les sols, l'air et l'eau", écrit-elle sur son site sandrinerousseau.fr. De façon bien plus globale, elle compte "modifier l'article 1er de la Constitution afin de renforcer la responsabilité de la France en matière environnementale et inscrire dans le droit le crime d'écocide". Sandrine Rousseau reprend ainsi à son compte les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. "La loi 'Climat et résilience' a prévu la création d'un 'délit d'écocide' permettant d'alourdir les sanctions déjà existantes, mais elle ne va pas suffisamment loin", estime-t-elle.

Sur la condition animale

Yannick Jadot. S'il est élu président de la République, sa première mesure consistera à "sortir de l'élevage industriel",  a-t-il expliqué lundi sur France Inter.

"Il faut immédiatement un moratoire sur tous ces élevages qu'on ne voit qu'à travers les vidéos de L214 (...) Les animaux sont dans des conditions abominables, ils ne voient jamais le plein air."

Yannick Jadot

sur France Inter, le 20 septembre

"Donc", conclut-il, il faut mettre en place un "moratoire sur les élevages où les animaux ne voient pas le plein air, et interdi[re] les élevages en cages, notamment pour ces poules pondeuses ou ces truies qui mettent bas." La mesure est ainsi résumée sur son site : "Nous organisons la sortie de l'élevage intensif, de l'élevage en cage et des élevages d'animaux à fourrure".

Sandrine Rousseau. Elle aussi entend renforcer le bien-être animal, en "construisant un statut juridique des animaux, avec une possibilité de se constituer en justice en défense des animaux"

Sur la transition énergétique

Yannick Jadot. Il confie à Reporterre vouloir "sortir du nucléaire d'ici vingt ans" et pointe parallèlement la nécessité de développer la sobriété énergétique. D'où sa volonté de faire de la rénovation thermique des logements une priorité.

"Pour mettre fin aux passoires énergétiques, il faut rendre la rénovation thermique possible sans qu'un euro ne soit déboursé par les deux millions de ménages qui en ont le plus besoin."

Yannick Jadot

à Reporterre

Pour favoriser cette transition énergétique qui passe par la rénovation de l'habitat, le développement des transports en commun et les énergies renouvelables, le candidat à la primaire veut mobiliser au total "20 milliards par an sur cinq ans". Ce qui permettrait, selon lui, de créer "plus d'un million d'emplois".

Sandrine Rousseau. Elle veut passer au "100% énergies renouvelable d'ici 2050", et insiste sur le rôle de la fiscalité et de l'épargne pour se diriger vers une société décarbonée. "Le carbone est aujourd'hui gratuit (...) Il faut absolument rendre payant ce qui nous met en danger, entre 200 et 250 euros la tonne sur les cinq ans", avait-elle déclaré le 5 septembre, lors du premier débat de la primaire écologisteJe sais, ça ne va pas être agréable."

D'où la nécessité, selon elle, de rendre la "comptabilité carbone couvrant les émissions directes et indirectes obligatoire pour les entreprises à partir d'un certain seuil" (100 salariés ou 15 millions d'euros de chiffre d’affaires). Et de mettre en place "une taxation carbone" de ces entreprises. Cette taxation remplacerait une partie des taxes sur la production.  

Sur les minima sociaux et la justice sociale

Yannick Jadot. Il compte, dans l'immédiat, revaloriser de 100 euros l'actuel revenu de solidarité active (RSA) pour le porter à 650 euros. Les plus de 18 ans sans revenus et "fiscalement autonomes" pourraient en bénéficier à condition qu'ils réalisent un "projet" ou "une formation" dans les métiers émergents, ou encore une démarche d'insertion. En outre, l'eurodéputé entend verser "une aide immédiate de 2 000 euros pour les personnes vivant sous le seuil de pauvreté", dans le cadre d'un plan exceptionnel de soutien à la demande d'un montant de 30 milliards d'euros.

Ce plan, précise-t-il, sera financé "par une contribution exceptionnelle Covid sur les très hauts patrimoines et les dividendes des sociétés dont les bénéfices ont fortement crû pendant la pandémie". De façon plus générale, il s'est dit favorable, mardi sur franceinfo, au rétablissement d'un impôt sur la fortune "climatique" pour taxer les riches les plus pollueurs. Une idée défendue par Eric Piolle, l'un des trois candidats éliminés au premier tour de la primaire. 

Sandrine Rousseau. Sa première mesure, si elle était élue présidente de la République, consisterait à instaurer un "revenu d'existence" pour fonder "un pacte de dignité écologique et sociale", a-t-elle expliqué à France InterComme elle le détaille sur son site, il s'agirait d'un revenu de 850 euros, sous conditions de ressources, dont on pourrait bénéficier à partir de 18 ans.

"Il est temps de garantir un Revenu d'existence (...). Cette aide de 850 euros pour une personne sans revenu fusionnera 15 prestations (RSA, Prime d'activité, prestations familiales …)."

Sandrine Rousseau

sur son site

Dans la même veine, elle propose aussi de garantir à chacun "les biens de première nécessité", notamment l'eau et l'électricité, avec "la gratuité des premiers mètres cubes d'eau et mégawatts-heure d'électricité". La gratuité, précise-t-elle, "pourrait être étendue à d'autres biens essentiels (internet, téléphonie, mobilité), selon des modalités à définir". Mais comme "les ressources ne sont pas illimitées, cela doit se traduire dans les prix par la suppression des forfaits, notamment des contrats d'eau et d'électricité et la mise en place d'une tarification progressive".

Sur l'égalité hommes-femmes 

Yannick Jadot. Il met l'accent sur la lutte contre les violences faites aux femmes et estime qu'il faut s'en donner les moyens, avec "une police et une justice spécialisées", à l'image de ce qui a été mis en place en Espagne. Il faut, selon lui, "un milliard d'euros pour prévenir, détecter et sanctionner les violences sexuelles et sexistes et pour protéger les femmes".

Sandrine Rousseau. Dans le cadre d'une analyse plus large, elle reprend à son compte l"écoféminisme" qui dénonce une "société de prédation" s'en prenant aussi bien au corps des femmes qu'à la nature, "sans limites, sans régulation ". "On est dans une économie de prédation : c'est exactement ce dont il nous faut sortir", a-t-elle expliqué à France Inter lundi.

"C'est la première fois en France que l'écoféminisme rentre dans le champ électoral", se réjouit Alice Coffin, interrogée par franceinfo. "Cette notion, développe la conseillère EELV de Paris, recouvre une logique d'ensemble bien comprise par les jeunes générations, parce qu'il n'y aura pas de changement écologique sans changement des structures de pouvoir, qui sont masculines".

Concrètement, Sandrine Rousseau veut, entre autres, "instaurer une parité réelle dans tous les domaines de la vie publique : dans les entreprises (au sein des conseils d'administration ou de surveillance, par exemple), dans la sphère politique en garantissant des mandats paritaires" mais aussi dans les médias, le sport ou la culture. La lutte contre toutes les discriminations est mise en avant dans son programme, ainsi que celle contre les violences sexuelles. Sandrine Rousseau souhaite l'"imprescriptibilité des violences sexuelles envers des mineurs" et un "seuil d'âge de consentement à 15 ans".

Sur le travail

Yannick Jadot. Sur le modèle de l'Allemagne, il propose que, dans les entreprises de plus de 500 salariés, "un tiers des membres du Conseil de surveillance soient des représentants des salariés. Cette proportion est portée à la moitié dans les entreprises de plus de 2 000 salariés". Il suggère aussi l'instauration d'"un droit au télétravail (par exemple un jour par semaine), à décliner par la négociation collective".

Sandrine Rousseau. L'objectif est d'aller vers la semaine de quatre jours. "Pour une société plus juste et écologique, il est indispensable de mieux répartir le travail", écrit la candidate à la primaire. "Le temps de travail" de chacun "doit donc être réduit sur la semaine (semaine de quatre jours) et sur la vie (temps de congés, âge de départ à la retraite)". Cette réduction serait obtenue "après négociation avec les partenaires sociaux, soit par accord de branche, soit par accord d'entreprise", spécifie-t-elle. Suivant la même logique, elle s'est prononcée pour la retraite à 60 ans, mardi, sur franceinfo.

Sur les institutions

Yannick Jadot. Il se prononce pour des législatives à la proportionnelle, avec parité. Il se dit également favorable à un mandat présidentiel unique de sept ans.

Sandrine Rousseau. Elle veut "une profonde refonte des institutions", qui s'appuierait sur "une convention citoyenne pour la démocratie". Elle souhaite parallèlement créer "une Chambre citoyenne au Parlement, composée de personnes tirées au sort". Enfin, la candidate veut modifier les "règles du référendum d'initiative partagée pour qu'il soit plus accessible et qu'il ait un vrai pouvoir". Pourtant inscrit dans la Constitution depuis 2008, comme le note le site Vie publique, le référendum d'initiative partagée (RIP) n'a jamais débouché sur un référendum effectif. Le Conseil constitutionnel lui-même juge la procédure "dissuasive et peu lisible pour les citoyens".

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