"J'ai fait une faute politique, d'image" : comment Alexandre Benalla se défend
L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron se défend notamment d'avoir commis le moindre délit, estimant qu'il était de son devoir "d'appréhender l'auteur d'un délit".
Une semaine après le début de l'affaire, il sort du silence. Alexandre Benalla, ancien chargé de mission auprès du chef de cabinet d'Emmanuel Macron, a livré au Monde, jeudi 26 juillet, ses premières explications concernant les faits de violence qui lui ont été reprochés après les manifestations du 1er-Mai.
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Evénements place de la Contrescarpe, port d'équipements réservés aux policiers, rôle autour d'Emmanuel Macron... Le jeune homme de 26 ans évoque l'ensemble des sujets qui ont plongé la présidence de la République dans une crise inédite depuis le début du mandat. Voici les principaux éléments de sa défense.
Sur son comportement le 1er mai : "On ne va pas laisser faire des délinquants"
Dans cet entretien, Alexandre Benalla revient sur ses agissements place de la Contrescarpe, dans le Quartier latin de Paris, où s'étaient réunis en fin de journée plusieurs dizaines de personnes pour un "apéro" initié par plusieurs organisatoins de gauche. L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron raconte y voir "une cinquantaine de jeunes" portant des équipements pour "échapper aux lacrymos" et se protéger d'éventuels projectiles.
"A un moment, je vois ces deux personnes, ce couple qui s’enlaçait tendrement au milieu de la place cinq minutes avant", indique alors Alexandre Benalla au sujet des deux victimes présumées qui ont indiqué vouloir être entendues par les enquêteurs. "(...) C’était les plus agités de la bande, la fille essaie de saisir une table, elle n’y arrive pas, elle jette une chaise, son copain, se met au milieu de la place, il jette une bouteille qui arrive sur la tête d’un CRS, elle reprend des bouteilles, ça arrive sur l’épaule d’un CRS, elle fait des bras d’honneur… On les voit sur la vidéo, elle est hystérique et lui aussi", décrit le jeune chargé de mission.
Ce qui se passe dans ma tête, c'est 'si on reste là à rien faire, on va être isolés, et en plus, il faut donner un coup de main, on ne va pas laisser faire des délinquants'.
Alexandre Benallaau Monde
Alexandre Benalla intervient donc, mais sans violence selon lui. "Il n’y a aucun coup. C’est vigoureux. Je conçois que c’est une scène qui peut paraître violente, mais les policiers y sont confrontés des dizaines de fois par jour", estime-t-il, justifiant ses gestes brusques par la "force décuplée [par] (...) l'adrénaline" du jeune homme qu'il interpelle alors. "C’est exactement le même geste que j’ai fait à Emmanuel Macron quand il a pris un œuf au Salon de l’agriculture : il n’a pas déposé plainte pour violence et il n’a eu mal au cou plus que ça le lendemain !", assure-t-il encore.
Sur les conséquences de son geste : "J'ai fait une faute politique, d'image"
Alexandre Benalla déclare "comprendre" le sentiment de "trahison" évoqué à son sujet par Emmanuel Macron devant les parlementaires de la majorité. "Parce que s’il y a un problème autour du président de la République, il ne doit pas être provoqué par un collaborateur", estime-t-il. Mais son sentiment personnel est différent :
Moi, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi le président de la République, j’ai le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise. Et d’avoir commis une faute.
Alexandre Benallaau "Monde"
Le responsable de la sécurité du président estime, en effet, n'avoir jamais enfreint la loi, et invoque "l'article 73 du Code de procédure pénale", selon lequel "tout citoyen a qualité pour appréhender l’auteur d’un délit". "Je ne considère pas avoir fait une arrestation, j’ai appréhendé quelqu’un et l’ai remis aux policiers. Les gens ont des agissements délictueux, ils cassaient en toute impunité."
Si je n’étais pas collaborateur de l’Elysée, je referais la même chose. Collaborateur de la présidence, je ne le referais pas.
Alexandre Benallaau "Monde"
Pour lui, si le directeur du cabinet d'Emmanuel Macron l'a sanctionné par une rétrogradation et une suspension de quinze jours, ce n'est ainsi pas à cause d'un éventuel manquement à la législation, mais parce qu'il a fait "une faute politique, d’image, on peut qualifier cela comme on veut".
Sur l'équipement qu'il portait : "Je ne nie pas que l’on a l’apparence de policiers"
Mis en examen pour "port public et sans droit d'insignes réglementés", Alexandre Benalla a-t-il usurpé une identité de policier ? L'intéressé estime que si c'est le cas, cela n'est pas de son fait. "Le casque m’est donné, rien ne m’interdit de le porter. Je ne nie pas que l’on a l’apparence de policiers, mais le casque, on me dit de le porter, c’est pour ma sécurité personnelle", se défend-il.
Il explique avoir été "surpris" par l'équipement qu'on lui a attribué à l'occasion des rassemblements du 1er-Mai. "L’officier de liaison de l’Elysee vient deux jours avant la manifestation avec un sac qu’il me remet, avec un casque, un ceinturon en cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cote bleue marquée police et un grade de capitaine dessus", raconte-t-il.
Alexandre Benalla indique ensuite que "des rangers et une radio" lui ont été données, sans préciser par qui. Au moment de quitter la préfecture de police pour se rendre sur les lieux des manifestations, il raconte avoir demandé quoi faire de cet équipement au major Philippe Mizerski qui était chargé de l'encadrer. "Le major me dit 't’as pas besoin de ça, prends juste ton brassard et la radio'", rapporte-t-il.
Il ajoute avoir enfilé son brassard siglé "police", dans la "confusion", sur les conseils d'un policier au moment où le black bloc commençait à commettre des violences. Alexandre Benalla précise enfin avoir gardé la radio "pour savoir ce qui se passe" au moment de l'intervention des autorités.
Sur les images de vidéosurveillance : "Je ne les ai pas demandées"
Sanctionné après avoir reconnu être l'auteur des coups place de la Contrescarpe, Alexandre Benalla a finalement été licencié après s'être procuré des images de vidéosurveillance de la scène, à la suite des révélations du Monde. Dans son entretien, l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron reconnaît les faits, mais promet qu'il n'a pas "demandé" à obtenir ces images.
Le chargé de mission raconte avoir reçu un appel le soir de la parution du premier article révélant l'affaire. Selon son récit, au bout du fil se trouve un employé de la préfecture dont il préfère taire le nom. Et de citer un extrait de ce coup de téléphone : '''Alexandre, on a la vidéo du gars et de la fille en train de jeter des projectiles sur les CRS, est-ce que tu la veux pour te défendre ?' Bien sûr que ça m’intéresse, si on peut prouver que les gens en face ne sont pas de simples passants mais des casseurs".
Il déclare ne pas connaître la provenance de ces images qui lui ont été remises sur un CD par un individu dont il ne dit rien alors qu'il dînait près du palais de l'Elysée. Il raconte alors avoir transmis les images à la présidence, ce qu'avait confirmé l'Elysée à franceinfo jeudi.
Ce CD, je ne le regarde pas et je le remets à l’Elysée à un conseiller communication. Ces images n’ont pas été diffusées.
Alexandre Benallaau Monde
Sur l'ampleur de l'affaire : "Il y avait une volonté d’atteindre le président de la République"
A qui profite l'affaire ? Alexandre Benalla semble avoir son idée sur la question. Derrière le scandale, le jeune homme voit la main de hauts fonctionnaires "politiques et policiers" jaloux de son parcours inhabituel, et qui auraient souhaité l'évincer de l'entourage d'Emmanuel Macron.
Au bout d’un an, il y a des inimitiés qui se créent, il y a des gens qui ne supportent pas que vous ne fassiez pas partie du club, que vous ne soyez pas énarque, sous-préfet…
Alexandre Benallaau Monde
Pour Alexandre Benalla, l'affaire était aussi un moyen "d'atteindre le président de la République", et de "[l]’attraper (...) par le colback", alors qu'Emmanuel Macron traversait selon lui "une bonne séquence". Sans plus de précisions sur le profil des individus qui auraient souhaité nuire au chef de l'Etat.
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