"Pour que la France reste la France" : ces mots d'Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse qui confirment son "virage à droite"

Certains termes choisis par le président de la République, mardi soir, et une partie des mesures promises ont pu rappeler les discours de la droite et de l'extrême droite. Une stratégie en vue des élections européennes.
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Le président de la République, Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse à l'Elysée, à Paris, le 16 janvier 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Quelques mots chargés d'une lourde symbolique. Emmanuel Macron a fait tiquer plusieurs de ses opposants, mardi 16 janvier, lors de sa conférence de presse organisée à l'Elysée. Dans son propos liminaire, le chef de l'Etat a expliqué que son gouvernement était réuni "autour d'une ligne simple" pour "que la France reste la France, pour que la France demeure cette nation de bon sens, de résistance et des Lumières".

Ces mots sont marqués politiquement. Le slogan "Pour que la France reste la France" fut ainsi utilisée par Les Républicains sur un tract publié en 2018, puis comme slogan de campagne par Eric Zemmour, candidat d'extrême droite, pendant la campagne présidentielle de 2022.

La gauche a immédiatement dénoncé un virage à droite du président, une semaine après la nomination du nouveau gouvernement. Sur X, la patronne d'Europe écologie-Les Verts, Marine Tondelier, n'a pas hésité à dénoncer "un discours de technocrate réactionnaire".

Un "virage" sémantique "à droite toute"

Pendant sa prise de parole, Emmanuel Macron a déroulé un argumentaire axé sur le "réarmement" de la France et des Français, sur de nombreux plans : "civique", "démographique" ou "agricole". La notion d'"ordre" a aussi été omniprésente. Répondant à une journaliste l'interrogeant sur l'image "vieux jeu" que risquait de renvoyer ce discours, le président a estimé "qu'il n'y a pas de progrès sans ordre" et que "là où on est vieux jeu, c'est quand il n'y a que l'ordre et pas le progrès." Le chef de l'Etat a affirmé sa volonté de "redonner des repères, par les savoirs qu'on transmet, par l'histoire qu'on transmet, par les valeurs qu'on transmet."

Sur le plan sémantique, "il y a un virage à droite toute, avec un discours dominant qui est l'encadrement de la jeunesse", analyse le spécialiste en communication politique Philippe Moreau Chevrolet, interrogé par franceinfo. Le chef de l'Etat a ainsi promis "une instruction civique refondée", le retour d'une "cérémonie de remise de diplôme" dans les collèges et les lycées, ou encore un encadrement de l'utilisation des écrans pour "nos enfants". Des positions atypiques, selon le professeur à Sciences Po Paris :

"On a l'impression qu'il porte la vision d'une jeunesse dangereuse, que l'on n'a pas entendue depuis 1968."

Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste en communication politique

à franceinfo

Les annonces du chef de l'Etat, mardi, confirment le durcissement de son discours. Emmanuel Macron a ainsi évoqué la possible généralisation de la "tenue unique" dans l'Education nationale à l'horizon 2026, si l'expérimentation qui va débuter s'avère concluante. Un sujet cher à la droite et à l'extrême droite. Il s'est également déclaré "favorable" à l'apprentissage systématique de La Marseillaise en primaire. Sur l'ordre", le chef de l'Etat a, entre autres, promis l'accélération du rythme des opérations "place nette" dans les quartiers en proie aux trafics de drogue.

Une stratégie politique assumée contre Marine Le Pen

Cette droitisation du discours et des actes s'inscrit dans une stratégie politique, cohérente avec la nomination de poids lourds de la droite dans le gouvernement de Gabriel Attal. "Une bataille est en cours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour absorber la droite", observe Philippe Moreau Chevrolet. Largement devancé par le Rassemblement national dans les sondages en amont des élections européennes du 9 juin prochain, Emmanuel Macron a assumé mardi une réponse frontale à l'extrême droite, notamment sur le thème de l'immigration : "Oui, je revendique de lutter contre l'immigration clandestine sur notre territoire, (...) de pouvoir démanteler les réseaux de passeurs."

"Si vous laissez ça au Rassemblement national, je peux vous dire, là, vous lui paverez la route."

Emmanuel Macron

lors de sa conférence de presse

"Le président Macron donne le point à l'extrême droite, dont il valide le programme", a réagi le député écologiste Benjamin Lucas sur X. On est loin du "en même temps" promu par Emmanuel Macron lors de son élection en 2017. "C'est la normalisation du macronisme, qui s'aligne sur le clivage gauche-droite", estime Philippe Moreau Chevrolet. Au risque de dérouter une partie de son électorat et de ses soutiens ?

Lors du vote de la loi immigration, durcie après des négociations avec la droite, 20 députés de la majorité avaient voté contre et 19 s'étaient abstenus. "C'est un nouveau désaveu pour son aile gauche, il prend le risque de solidifier l'opposition en interne", souligne le spécialiste de la communication politique. Ces élus de l'aile gauche du camp présidentiel pourraient d'ailleurs être tentées de former un groupe dissident et compliquer un peu plus l'adoption des lois à l'Assemblée nationale, où Emmanuel Macron et le gouvernement ne disposent pas d'une majorité absolue.

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