Taxe d'habitation, emplois aidés, logement social... Ce que les maires reprochent à Emmanuel Macron
Alors que s'ouvre le 100e Congrès des maires, à Paris, les sujets de friction ne manquent pas entre le président de la République et les élus locaux, inquiets de ne plus pouvoir répondre aux besoins de leurs administrés.
Il aura l'occasion d'apaiser les tensions, ou de s'aliéner un peu plus les élus. Le 100e Congrès des maires s'ouvre, mardi 21 novembre, à Paris et Emmanuel Macron doit intervenir jeudi après-midi, en clôture du rendez-vous. Mais il risque d'être fraîchement accueilli, car les sujets de désaccords ne manquent pas, entre collectivités et gouvernement.
L'exécutif, conscient des reproches qui lui sont faits, a déjà commencé à déminer le terrain, bien avant le Congrès qui doit réunir quelque 15 000 maires. Voici les principaux sujets de tension entre Emmanuel Macron et les édiles.
Une baisse des dotations surprise
La mesure. "Nous ne procéderons pas par baisse brutale de dotation", avait promis en juillet Emmanuel Macron, s'engageant à ne pas couper les dotations aux collectivités en 2018. Mais au cœur de l'été 2017, peu après la Conférence des territoires, relève Libération, un décret supprime plus de 300 millions d'euros destinés aux collectivités locales.
Ce que disent les maires. L’Association des maires ruraux de France (AMRF) s'alarme, auprès de Libé, de la baisse à venir des dotations d'équipements des territoires ruraux ou de celle du fonds de soutien à l’investissement local qui "se voient aujourd’hui remises en cause et amputées et les élus empêchés d’agir pour leur territoire". Les élus aussi se sentent trahis. "Ils nous avaient promis le dialogue, la transparence… A aucun moment on ne nous a avertis de ce mauvais coup financier", dénonce de son côté le président du comité des finances locales et maire d’Issoudun (Indre), André Laignel, toujours dans Libération.
Ce que répond le gouvernement. Face à la colère des élus locaux, le ministère de la Cohésion des territoires assure au Figaro que "les annulations porteront sur des projets non engagés et ce sont les préfets qui procéderont opération par opération, pour éviter de pénaliser les dossiers les plus porteurs d'enjeux". "Il s'agit pour l'essentiel de crédits non engagés, non mobilisés, donc c'est un exercice plus comptable que politique", a par ailleurs assuré le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.
Des économies drastiques demandées
L'objectif. Emmanuel Macron demande en outre aux collectivités locales de se serrer la ceinture. Communes, départements et régions françaises, en métropole et en outre-mer, doivent économiser un total de 13 milliards d'euros sur la durée du quinquennat. Pour y parvenir, le gouvernement demande aux 319 plus grosses collectivités, dont les grandes villes et intercommunalités, de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% par an, sans quoi elles s'exposeraient à des sanctions financières.
Ce que disent les maires. L'objectif est jugé "injuste et inatteignable" par les maires, qui estiment que les communes ont déjà pris leur part dans la baisse des dépenses publiques. "Le 1,2%, qui n'intègre pas l'inflation, est une base de départ beaucoup trop faible", fait valoir l'Association des maires de France (AMF). "On ne peut plus [faire des économies], a renchéri François Baroin, son président, lundi sur France 2. Ce sont les services publics qui sont menacés. (...) Ceux qui ont fait des efforts ces sept dernières années, ce n'est pas l'Etat, ce n'est pas la Sécurité sociale, c'est nous. (...) Notre part dans la dette, elle est minime."
Ce que répond le gouvernement. Vendredi, le Premier ministre, Edouard Philippe, a dit comprendre la "méfiance" des élus quant à l’objectif de 13 milliards d’économies, tout en essayant de le tempérer. "Nous demandons une maîtrise de la progression de la dépense publique locale, pas une baisse", a-t-il fait valoir à la Gazette des communes. Il assure par ailleurs que les collectivités auront accès à "plus de liberté et plus de concertation".
La réforme de la taxe d'habitation
La mesure. C'était une promesse emblématique d'Emmanuel Macron en matière de fiscalité. D'ici 2020, 80% des ménages n'auront plus à s'acquitter de la taxe d'habitation, qui constitue l'une des ressources des communes et des intercommunalités. La mesure sera mise en œuvre progressivement à partir de 2018.
Ce que disent les maires. Alors que la mesure n'était encore qu'une promesse de campagne, l'AMF dénonçait déjà une "mesure démagogique, non financée et attentatoire aux libertés locales", dans un communiqué. Ils déploraient une disposition qui "priverait les communes et leurs intercommunalités de 10 milliards de recettes, soit une perte de 36% de l’ensemble de leurs ressources propres".
Pour les maires, cette mesure entraîne en outre une nouvelle perte d'autonomie. "A terme, c'est une mise sous tutelle des communes, qui n'auront plus pour fonctionner que ce que leur verse l’Etat", déplore Patrice Leclerc, maire PCF de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), interrogé par Le Parisien. A L'Express, François Baroin exprime aussi ses doutes sur la promesse du gouvernement qui s'engage à compenser "à l'euro près" la perte pour les villes. Il redoute qu'elle "ne soit pas totale", et même qu'elle "baisse au fil des années".
Ce que répond le gouvernement. "Nous allons compenser l'intégralité de cet impôt", a de nouveau promis, lundi, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. "Non seulement par rapport à l'année 2017, mais par rapport à la dynamique, la dynamique des habitants, et la dynamique des bases, c'est-à-dire des nouveaux locaux par exemple, qu'un maire construirait dans sa commune", a-t-il précisé, lors d'un point presse. "Nous devons préparer, réfléchir collectivement – en ne nous pressant pas –, nous devons imaginer ce que doit être une fiscalité locale moderne", a expliqué Edouard Philippe devant les maires mardi.
La réduction du nombre de contrats aidés
La mesure. L'Assemblée a voté un budget en baisse pour la mission Travail et emploi. Parmi les mesures actées, la plus emblématique reste la réduction du nombre de contrats aidés. Le gouvernement, qui s'est engagé à faire 20 milliards d'euros d'économies sur le budget, a signifié sa volonté de réduire drastiquement le nombre de ces contrats pour 2018. Alors qu'en 2016, 459 000 contrats aidés ont été signés, seuls 293 000 doivent l'être sur l'année 2017.
Ce que disent les maires. Les contrats aidés sont souvent utilisés, dans les écoles par exemple, pour embaucher des accompagnateurs, des auxiliaires de vie ou des employés de restauration. Or, les communes n'ont été informées que peu avant la rentrée que "ce type de contrats ne serait plus accordé et que les renouvellements de ces contrats seraient à prioriser selon des critères qui doivent être précisés", affirmait André Laignel, fin août, à l'AFP. Pour faire pression sur le gouvernement, des maires confrontés à la baisse du nombre de contrats aidés, ont d'ailleurs annoncé qu'ils reporteraient la rentrée scolaire.
Ce que répond le gouvernement. "Les contrats aidés s'appellent contrats aidés, mais on pourrait les appeler contrats précaires subventionnés", a taclé Edouard Philippe devant les maires mardi. Emmanuel Macron a tout de même chargé les préfets de veiller aux "situations délicates", afin de contenir la grogne et l'inquiétude qu'a suscitées l'annonce de cette baisse. "Je vous invite à bâtir, dans chacun de vos départements, un plan de mise en œuvre de cette réforme des contrats aidés, en veillant d'abord à ce que toutes les situations délicates soient traitées rapidement et efficacement, afin de favoriser la continuité des actions engagées", a déclaré le chef de l'Etat.
De son côté, le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, a demandé "aux inspecteurs d'académie, localement, d'être très attentifs au cas par cas dans la discussion avec les collectivités locales, parfois parce qu'il peut y avoir d'autres formules que les contrats aidés".
La baisse des APL dans les logements sociaux
La mesure. Le gouvernement souhaite baisser le montant des APL pour les locataires de logements sociaux, afin de réaliser des économies pour l'Etat, selon les déclarations du Premier ministre sur France 2. Pour que les bénéficiaires ne ressentent "aucun impact", le gouvernement demande aux bailleurs sociaux de diminuer aussi les loyers.
Ce que disent les maires. La grogne est d'abord venue des bailleurs sociaux. Mais ils ont rapidement été rejoints par plusieurs associations de communes. Leurs craintes : faillites d'organismes HLM sur leurs territoires, arrêt des constructions et réhabilitations dans le parc social… François Baroin a mis en garde, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, contre les "conséquences en chaîne" de la baisse des APL. La baisse des aides personnelles au logement, jusqu'à 60 euros, dont bénéficient les locataires du parc HLM et "l'effondrement de l'autofinancement" des bailleurs sociaux "met, dans l'année qui vient, en danger 120 bailleurs sociaux", a affirmé le maire LR de Troyes.
L'Association des petites villes de France, présidée par le député de l'Ardèche Olivier Dussopt, rappelle en outre dans un communiqué, que "les maires de petites villes sont souvent administrateurs d’offices HLM (et donc) en première ligne sur ces questions".
Ce que répond le gouvernement. "Pas question", pour l'exécutif, de "revenir sur la baisse des APL", a affirmé Matignon, lundi, démentant les rumeurs d'un rétropédalage. Mais, selon Les Echos, l'exécutif va limiter nettement la portée de cette mesure. "Les HLM ne devraient pas diminuer leurs loyers de 50 à 60 euros pour compenser, comme prévu, la suppression d'une partie des aides, mais seulement de 8 à 10 euros", précise le quotidien.
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