"On a une petite année devant nous" : comment le Rassemblement national se met déjà en ordre de bataille pour les prochaines élections
Pour le Rassemblement national (RN), la reprise politique est un peu particulière cette année. Si le parti à la flamme, qui fait sa rentrée parlementaire samedi 14 et dimanche 15 septembre à l'Assemblée nationale, a nettement remporté les élections européennes du 9 juin et fait progresser de 88 à 126 le nombre de députés à l'occasion des législatives anticipées, il n'a cependant pas réussi à s'emparer de la majorité absolue qu'il visait après la dissolution de l'Assemblée nationale. Dès le lendemain du second tour, Jordan Bardella a d'ailleurs reconnu un résultat inférieur aux attentes. "On commet toujours des erreurs, j'en ai commis, nous en avons commis et je prends aussi ma part de responsabilité dans ce résultat", a concédé le président de la formation d'extrême droite. Comme un aveu, le directeur général du RN, Gilles Pennelle, a démissionné le 9 juillet.
Il était le principal artisan du "Plan Matignon", qui devait permettre à Jordan Bardella de devenir Premier ministre de cohabitation d'Emmanuel Macron, grâce à une liste de candidats à présenter en cas de dissolution dans les 577 circonscriptions du pays. Mais au cours de la campagne des législatives anticipées de juin et juillet, de nombreux prétendants RN ont été épinglés pour leur impréparation et surtout pour leurs propos antisémites ou racistes. Des "brebis galeuses", selon Jordan Bardella.
Un nouveau "dir cab" pour Marine Le Pen
L'été a donc poussé les cadres RN à tirer les leçons de cet échec et envisager une rentrée studieuse à Paris, loin du soleil des années précédentes : le Gard en 2023, l'Hérault en 2022, le Var en 2021. Plusieurs changements interviennent lors de cette reprise, à commencer par un nouveau visage dans l'entourage de Marine Le Pen. Un directeur de cabinet à temps plein va prendre ses fonctions début novembre, une information révélée par Le Figaro, que France Télévisions a pu confirmer.
Le nouveau bras droit de la triple candidate à l'élection présidentielle s'appelle Ambroise de Rancourt. Le Versaillais est un énarque, fonctionnaire de 37 ans, passé par Sciences Po, le Conservatoire de Paris et le ministère des Armées, où il travaille à la direction générale de l'armement, dans le service en lien avec les entreprises françaises. Ce pianiste est aussi un déçu de Jean-Luc Mélenchon, qu'il a soutenu jusqu'en 2017 avant de lui reprocher de "caresser les intégristes et agitateurs communautaires dans le sens du poil" dès l'automne 2017 dans un post de blog. A ce poste, il va remplacer Renaud Labaye, déjà occupé par le poste stratégique de secrétaire général du groupe RN à l'Assemblée nationale.
Le maillage local renforcé
Au RN, les chantiers entamés en cette rentrée vont cependant plus loin que le remaniement de l'entourage des dirigeants. Le maillage territorial du parti va aussi être revu. Selon Philippe Olivier, proche conseiller de Marine Le Pen, "une quinzaine" de délégués départementaux ont déjà été remplacés mardi, lors d'une réunion du parti. Le début d'une purge, après des résultats jugés insuffisants dans de nombreux territoires ? Le parti dément et préfère parler d'ajustements locaux : "Ce n'est pas contre les fédérations, nous voulons simplement les améliorer", a balayé l'eurodéputé RN Aleksandar Nikolic auprès de L'Opinion. Le parlementaire a été chargé de mener une revue d'effectifs cet été, en vue de la réorganisation menée en cette rentrée.
"Les fédérations concernées avaient besoin d'être boostées ou réorganisées. Il y a des délégués fédéraux qui étaient là depuis longtemps."
Philippe Olivier, eurodéputé et conseiller de Marine Le Penà franceinfo
En plus de ces remplacements après l'échec des législatives, le RN a décidé de mettre en place un échelon régional pour mieux assurer le lien entre les fédérations départementales et le siège du RN. Il sera présenté lors de la rentrée parlementaire. En creux, les chantiers évoqués en cette rentrée dessinent les lacunes dans l'organisation du parti jusqu'en juillet dernier. Une école de formation des cadres a été lancée en 2022 avec le concours du sondeur Jérôme Sainte-Marie, mais peine à convaincre l'ensemble de l'appareil RN. "Il faut de véritables formations en physique, avec la mise en place d'un contrôle des connaissances acquises, c'est ce qu'on faisait il y a trente ans quand je suis arrivé au FN", a par exemple appuyé dans L'Express Louis Aliot, le maire RN de Perpignan (Pyrénées-Orientales).
Les prochaines législatives et municipales en ligne de mire
Jordan Bardella doit annoncer d'autres changements au sein du parti qu'il préside, lors de la rentrée parlementaire du RN. "C'est une phase de réorganisation interne en vue de futures élections législatives et municipales" en 2026, résume l'eurodéputé RN Philippe Olivier. "On a une petite année devant nous." Au vu de l'Assemblée nationale sans majorité claire sortie des urnes en juillet, le parti anticipe une nouvelle dissolution, et par conséquent, de nouvelles législatives dès 2025.
Cette fois-ci, pas question de reproduire les erreurs passées. La reprise en main de fédérations départementales, notamment par des parlementaires, a aussi pour objectif de mieux identifier les "bonnes" candidatures et d'écarter les profils en décalage avec la stratégie de dédiabolisation poursuivie par Marine Le Pen et ses soutiens. "On a eu quelques accidents, mais il ne faut pas renoncer à faire monter des gens du peuple", défend Philippe Olivier. Un nouveau résultat en demi-teinte aux prochaines élections freinerait la dynamique du parti d'extrême droite vers la prochaine présidentielle, qu'elle ait lieu en 2027 ou avant.
De nouveaux visages mis en avant
Du côté du groupe parlementaire, enfin, les cadres du RN veulent faire émerger d'autres personnalités dans les médias, après avoir été accusés de cacher certains profils peu aguerris. C'est le cas de Flavien Termet, député des Ardennes et benjamin de l'Assemblée nationale à 22 ans. Pour poursuivre sa "respectabilisation", contestée notamment par la gauche, le RN souhaite également mettre en avant certains élus sur des sujets particuliers, comme Maxime Amblard, élu de la Meuse, sur le nucléaire ou Frédéric-Pierre Vos, parlementaire de l'Oise, sur l'aménagement du territoire.
En revanche, Roger Chudeau reste dans le groupe mais ne sera plus une tête d'affiche, assure un membre du parti. Le député RN du Loir-et-Cher avait déclenché un tollé, fin juin, après avoir estimé que la binationalité de l'ex-ministre Najat Vallaud-Belkacem posait un "problème de double loyauté". Déjà tourné vers les prochaines échéances électorales, le parti d'extrême droite ne veut plus revivre de telles polémiques, qui ont compliqué sa tâche face à un front républicain toujours présent.
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