Gabriel Attal, un ancien ministre hyperactif qui "laisse un goût amer" au sein de l'Éducation nationale
Gabriel Attal a été nommé Premier ministre après une période à la fois courte mais marquante au ministère de l'Éducation nationale. Cinq mois et demi, un passage express pendant lequel Gabriel Attal a été hyperactif comme rarement un ministre à ce poste. Quand on regarde dans le rétroviseur, après sa nomination en juillet dernier, il annonce quelques jours avant la rentrée scolaire l'interdiction de l'abaya, un sujet polémique, mais aussi le décalage des épreuves de spécialité du bac de mars à juin. Fin septembre il dévoile, aux côtés d'Elisabeth Borne, le plan harcèlement, un plan interministériel d'ampleur.
Début octobre, il prononce un discours qu'il veut fondateur sur le métier d'enseignant : il développe à ce moment sa vision sur l'autorité à l'école et plaide pour plus d'exigence vis-à-vis des élèves. Le 13 octobre, le jour de l'attentat d'Arras, où un professeur de français est assassiné par un ancien élève, il se rend sur place deux fois. Il évoque ensuite les jeunes radicalisés, qu'il souhaite voir sortis des établissements scolaires.
Début décembre, Gabriel Attal présente son "choc des savoirs" dans la foulée des résultats Pisa, où la France est loin de briller : redoublement facilité, groupes de niveau au collège en maths et en français. Dernier élément fin décembre, juste avant les vacances : il annonce que les suppressions de postes d'enseignants prévues en 2024 sont annulées, notamment pour assurer la mise en œuvre de ces fameux groupes de niveau.
Des syndicats déplorent son "passage éclair"
Gabriel Attal a voulu montrer qu'il était ministre de l'Education jusqu'au dernier moment. Un moment un peu lunaire mardi à la mi-journée, alors que son nom circule avec insistance depuis lundi, il maintient sa visioconférence en fin de matinée, avec les chefs d'établissements de collège et de lycée, prévue de longue date. Et quand sa nomination est annoncée vers midi, il est toujours en train de répondre aux proviseurs et principaux sur les dossiers de la rentrée.
"Vous me trouverez toujours, toujours à vos côtés", a affirmé Gabriel Attal à ces personnels. Un son de cloche bien différent chez les syndicats d'enseignants, qui déplorent "un passage éclair". "Quand il est arrivé rue de Grenelle, il nous avait aussi dit que ce ministère, on n'y entrait pas par ambition ou par stratégie, c'était ses mots", rappelle Sophie Venetitay, la responsable du Snes-FSU, le premier syndicat des professeurs de collèges et lycées.
"Aujourd'hui on a plutôt l'impression que c'était finalement un homme très pressé, qui s'est servi de l'éducation comme tremplin politique."
Sophie Venetitay, responsable du Snesà franceinfo
"Ça laisse forcément un goût amer sur le manque de considération porté à ce ministère et l'image d'un passage express, avec un ministre qui a entraîné l'Éducation nationale dans une forme de tourbillon médiatique", ajoute-t-elle. "Ce n'est pas le passage express de Gabriel Attal qui aura changé quelque chose." Il faut du concret pour le quotidien des élèves et des professeurs, affirme cette représentante, moins d'élèves par classe, et une revalorisation plus importante des salaires, entre autres.
De nombreux dossiers à la charge de son successeur
Gabriel Attal avait lancé de nombreux dossiers, il en laisse donc plusieurs en chantier, notamment celui sur le "choc des savoirs". En plus des groupes de niveau, il y a aussi le brevet, qui va devenir un passage obligé pour aller au lycée, alors qu'une épreuve de maths au bac est envisagée en première et de nouveaux programmes en primaire.
Le ou la nouvelle ministre de l'Éducation va devoir aussi reprendre l'expérimentation sur l'uniforme, où plusieurs collectivités sont partantes, ou encore la refonte de la formation initiale des professeurs.
Olivier Beaufrère, représentant du syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN), réclame du temps pour désormais mettre en œuvre ces nombreux chantiers.
"On peut diffcilement, aujourd'hui, aller plus loin sur tout ce qui a déjà été annoncé. Là il faut qu'on ait du temps pour poser, digérer, prendre du recul, analyser."
Olivier Beaufrère, du syndicat des chefs d'établissementà franceinfo
"On a toujours dit que le temps de l'école n'est pas forcément le temps du politique. Ce dernier a été posé, maintenant il faut que nous ayons le temps de poser le temps de l'école, poursuit-il. Quand on regarde bien, que ce soit sur les réformes du lycée professionnel ou le 'choc des savoirs', on a des montées en puissance aux rentrées 2024, 2025 et 2026."
Mais quelle marge de manœuvre aura le prochain ou la prochaine ministre de l'Éducation nationale ? La question mérite d'être posée, entre un Gabriel Attal qui a déjà affirmé qu'il "emmen[ait] la cause de l'école à Matignon" et un Emmanuel Macron qui a fait de l'éducation son domaine réservé.
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