Témoignages "A quoi bon voter ?" : après la nomination de Michel Barnier à Matignon, les électeurs du NFP expriment leur "déception" et leur "colère"

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
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Temps de lecture : 5 min
Gabriel Attal et Michel Barnier, lors de la cérémonie de passation de pouvoir au nouveau Premier ministre dans la cour de l'hôtel de Matignon, le 5 septembre 2024 à Paris. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)
De nombreux sympathisants de gauche ont répondu à un appel à témoignages de franceinfo pour faire part de leur incompréhension après l'arrivée, jeudi, d'une figure historique des républicains au poste de Premier ministre. Ils sont plusieurs à avoir l'impression de "s'être fait voler" le résultat des élections législatives.

"Je trouve qu'on nous a volé une victoire", peste Christophe, un Normand de 66 ans, militant socialiste. Comme lui, de nombreux internautes ont répondu à l'appel à témoignages lancé par franceinfo, après la nomination de Michel Barnier à Matignon, jeudi 5 septembre. Si certains lecteurs expriment de la satisfaction aprè avoir appris le choix de cette personnalité "consensuelle", selon Vincent, et de "grande expérience", ajoute Michel, de nombreux témoignages de sympathisants du Nouveau Front populaire (NFP) expriment une colère. Un sentiment traduit dans un sondage Elabe pour BFMTV publié vendredi, selon lequel trois Français sur quatre estiment qu'Emmanuel Macron n'a pas tenu compte des résultats des élections législatives.

"Personne n'a gagné, mais certains ont moins perdu que d'autres et puisque le NFP a le nombre le plus important de députés, la tradition républicaine voulait qu'on choisisse dans le groupe vainqueur", poursuit Christophe, retraité de l'Education nationale, qui ne cache pas sa "déception". De très nombreux témoignages estiment qu'Emmanuel Macron n'a pas respecté le front républicain en optant pour l'ancien ministre RPR (l'ancêtre de LR) et en sollicitant l'avis de Marine Le Pen pour le choix de son Premier ministre. "Aujourd'hui, c'est clairement la fin du barrage républicain", estime Emmanuel, 38 ans, sympathisant LFI de Rennes. "On a pour une fois une jeunesse qui s'est mobilisée dans les urnes. Finalement, on passe d'un Premier ministre très jeune à un monsieur qui ne parle à personne. Le symbole est désastreux", ajoute-t-il.

"Si on voulait dégoûter les gens du vote, on ne ferait pas mieux."

Emmanuel, sympathisant LFI

à franceinfo

"Je suis assez déçu par cette décision. Michel Barnier vient de LR, groupe assez minoritaire à l'Assemblée [il compte 47 députés sur 577]. On convoque des élections, le NFP est en tête et on ne fait pas l'effort de nommer une personne issue de la gauche", confirme Alexandre, étudiant en droit de Besançon. L'alliance de gauche avait proposé le nom de Lucie Castets pour endosser le rôle. "On a voté et le parti perdant est nommé ?", s'étonne aussi Valérie, soutien de Jean-Luc Mélenchon. "Les gens vont dire encore que ça ne sert à rien de voter. Après sept ans de Macron, on continue la même politique dont on ne voulait plus, c'est extrêmement choquant", détaille cette Varoise de 53 ans. 

"Surprise, affligée, enragée"

"Tout ça pour ça, je suis un peu étonné et déçu", enchaîne Barnabé, un Breton de 19 ans, qui a voté pour la première fois cette année et qui a choisi un bulletin du NFP. Cet étudiant est surtout étonné par le profil de l'ancien député savoyard, 73 ans, qui a été élu pour la première fois à l'Assemblée en 1978. "Il ne représente pas la population active ou la jeunesse", juge-t-il. 

"Je suis très étonnée, surprise, affligée, enragée..." Léa, sympathisante écologiste, ne manque pas de mots pour réagir au choix d'Emmanuel Macron. "On écarte une candidate lesbienne pour choisir un Premier ministre qui a voté contre la dépénalisation de l'homosexualité... Quel est le message ? Maintenant, je me dis : à quoi bon voter ?", s'interroge cette Parisienne de 31 ans.

"J'ai peur que pour les prochaines élections, les Français désertent les urnes, ce qui sera favorable au RN."

Léa, 31 ans, sympathisante écologiste

à franceinfo

"Michel Barnier, c'est la droite réac', RN compatible", juge aussi Aurélie, 38 ans. "Je ne vois pas comment un homme de l'ancienne politique comme Barnier pourra gouverner sereinement", considère Yoann, Grenoblois de 29 ans. "Il a comme priorité absolue la lutte contre l'immigration", s'inquiète Timothée, un Parisien de 35 ans. "Michel Barnier fait partie du groupe qui n'a pas fait le front républicain", note de son côté Abdel, 62 ans, en critiquant le fait que Michel Barnier ait renvoyé dos à dos LFI et l'extrême droite dans l'entre-deux-tours des dernières élections législatives.

"Un candidat que le RN accepte"

Les électeurs de gauche sont aussi révoltés d'observer qu'Emmanuel Macron a choisi un chef du gouvernement qui n'était pas rejeté par le Rassemblement national. "C'est un coup politique, loin des attentes des Français", confie Kilian, sympathisant écologiste. Après le Front républicain, Emmanuel Macron se retrouve à choisir un candidat que le RN accepte", regrette ce Nantais de 40 ans.

"Le président de la République continue d'entretenir une ligne floue avec le RN, son meilleur ennemi."

Kilian, 40 ans, sympathisant écologiste

à franceinfo

"Je ne comprends pas le jeu actuel. Quel intérêt a-t-il à nommer quelqu'un qui ne fait pas partie de l'Assemblée nationale, sauf à séduire l'extrême droite pour lui tendre le pouvoir à la prochaine élection ?", s'interroge aussi Léa. En 2017, Emmanuel Macron s'était d'ailleurs engagé à ce qu'il n'y ait "plus aucune raison de voter pour les extrêmes" après son quinquennat. "J'ai mis six fois un bulletin Macron dans l'urne depuis que je suis majeur pour empêcher le RN de gagner. Et de voir une sorte d'alliance entre Macron et Le Pen pour empêcher la proposition du NFP, cela me fait très peur sur l'état de notre démocratie", témoigne Quentin, habitant de Saint-Denis de La Réunion.

"On a fait barrage au RN en votant et on a l'impression qu'il y a désormais un barrage anti-gauche à l'Assemblée, alors que la gauche est quand même républicaine", se désespère Grégoire. Une partie du camp présidentiel a répété ces derniers mois que LFI ne s'intégrait pas dans "l'arc républicain". Ce Clermontois de 29 ans a prévu d'aller manifester samedi mais regrette que le mouvement de protestations ne soit pas davantage suivi, notamment par les syndicats. "Je suis extrêmement en colère, mais je reste mobilisé pour participer à d'éventuelles manifestations, je pense que le feuilleton n'est pas terminé", renchérit Augustin, Grenoblois de 27 ans. 

Barnabé, lui, ne croit plus vraiment aux manifestations. "On a l'impression que ça ne sert plus à grand-chose, on a vu que ça n'avait rien donné lors du mouvement contre les retraites", souffle l'étudiant. "Je compte plutôt sur une motion de censure ou sur les prochaines élections", ajoute-t-il. Vincent, Parisien de 30 ans, espère également une réaction des parlementaires dans les semaines à venir : "Certains députés Renaissance ont affiché leurs distances avec le président Macron, on peut souhaiter qu'ils prennent leurs responsabilités et se joignent au NFP pour censurer un gouvernement Barnier."

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