Jean-Michel Blanquer à Ibiza : Matignon était informé mais n'a rien "validé", les langues se délient dans les ministères
Après la révélation de vacances dans les Baléares au moment d'annoncer un nouveau protocole sanitaire dans les écoles, début janvier, le ministre de l'Education nationale est fragilisé. Certains, au gouvernement, n'hésitent plus à dire ce qu'ils pensent.
Nouvelle opération déminage pour Jean-Michel Blanquer. Après la mobilisation historique dans l'Education nationale contre les changements de protocole sanitaire anti-Covid à l'école, jeudi 13 janvier, cette fois, le ministre est au cœur d'une nouvelle polémique. Il était en vacances à Ibiza, aux Baléares (Espagne), au moment où il annonçait le protocole sanitaire pour la rentrée, a appris franceinfo auprès du ministère, lundi 18 janvier, confirmant une information de Mediapart. Ce nouveau protocole sanitaire avait été dévoilé quelques heures avant la rentrée scolaire, le 2 janvier dernier, dans une interview au Parisien-Aujourd'hui en France. Une méthode de communication déjà jugée inacceptable par les syndicats.
Face à ces nouveaux remous autour de Jean-Michel Blanquer, le gouvernement tente de calmer les choses. Par exemple avec Clément Beaune, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, invité de franceinfo, qui rappelle les consignes données aux membres du gouvernement pour mieux prendre la défense de son collègue : "Jean-Michel Blanquer n'a pas commis de faute. Il faut rester dans l'espace européen, il faut être absolument tout le temps joignable et au travail : je crois que c'était le cas de Jean-Michel Blanquer, qui a travaillé pendant ses vacances, qui d'ailleurs, je peux en témoigner, n'est pas coupable de prendre sa tâche à la légère et de ne pas être au travail à 100% du temps."
️ Jean-Michel Blanquer à Ibiza ➡️ Reste-t-il crédible ? “Parfaitement”, mais “je ne crois pas qu’il doive s’excuser” déclare Clément Beaune, secrétaire d’Etat chargé des Affaires Européennes
— franceinfo (@franceinfo) January 18, 2022
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Des éléments de langage, comme disent les communicants, déjà avancés par les conseillers de l’exécutif dès la révélation de l'information, lundi soir. "Le ministre travaillait à distance, il a effectivement réalisé l’interview en visio, rien d’extraordinaire", minimise son entourage à franceinfo. Conclusion d’une source gouvernementale : "Tempête dans un verre d’eau, attention à l’hyper-populisme".
"On n'a pas attendu pour penser que ce n'était pas une bonne idée"
Reste que le ministre est malgré tout fragilisé, après une semaine dernière déjà rude. Lundi : Jean Castex est au 20h pour annoncer un énième changement de protocole annoncé par Jean-Michel Blanquer. Jeudi : réunion avec les syndicats également présidée par le Premier ministre, au ministère de l’Education. Vendredi : exercice de contrition du ministre de l'Education nationale sur franceinfo : "Je ne suis pas parfait, j’ai fait des erreurs, je suis désolé".
Au-delà des éléments de langage, en "off", les langues commencent à se délier.
D'ailleurs, Matignon savait qu'il était à Ibiza. Jean-Michel Blanquer est parti le 28 décembre, après le Conseil de défense sanitaire et le Conseil des ministres exceptionnel de la veille auquel Emmanuel Macron lui-même était connecté à distance, depuis le fort de Brégançon, et après être passé dans la matinale de franceinfo le matin même.
Ainsi, Matignon était informé mais n'a rien "validé" : "On n'a pas découvert hier la destination" confirme-t-on en coulisse chez le Premier ministre, et "on n'a pas attendu non plus hier pour penser que ce n'était pas une bonne idée". En clair : le message avait été passé au ministre de l'Education, mais rien n'a réussi à le dissuader. "Il serait parti en Bretagne, le protocole aurait été le même, mais pas le résultat en termes de symbole", déplore un conseiller de l'exécutif. "Et certains symboles peuvent être puissants" soupire-t-il.
"Il est cramé"
Au sommet de l'Etat, on attend maintenant de voir combien de temps va durer la zone de turbulence : "On s'en serait bien passé, les oppositions qui demandaient déjà sa démission ont un argument de plus" ; "On a dejà vu des braises s'éteindre en deux jours mais là, c'est sûr, on en a au moins pour la journée". La mobilisation de jeudi risque d'être "galvanisée", redoute-t-on.
Annoncer le protocole scolaire depuis Ibiza n'est "pas malin symboliquement", reconnaît un conseiller gouvernemental, alors qu’un autre a la dent nettement plus dure : pour lui, pas de doute, Jean-Michel Blanquer est "cramé".
A noter qu’Emmanuel Macron se tient prudemment à distance de l’incendie : "Aucun commentaire" de l’Elysée alors que mercredi dernier, en Conseil des ministres, le chef de l’Etat avait remercié Jean-Michel Blanquer pour sa mobilisation, tout comme celle de Jean Castex.
Jean Michel Blanquer sera mardi après-midi sur le banc à l'Assemblée nationale, en première ligne pour répondre aux attaques qui ne manqueront pas d'être lancées lors des questions au gouvernement. Si la semaine dernière Jean Castex avait largement joué les pare-feu, cela semble moins le cas aujourd'hui.
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