Affaire des assistants parlementaires du MoDem : pourquoi le jugement de François Bayrou est très attendu
Il sera présent pour le prononcé de la décision. François Bayrou, trois fois candidat à la présidentielle, maire de Pau et haut-commissaire au plan, sera fixé sur son sort lundi 5 février, à 10 heures. Ce proche du président de la République, âgé de 72 ans, a comparu du 16 octobre au 21 novembre 2023, en qualité de président de l'UDF, puis du MoDem, pour complicité par instigation de détournements de fonds publics entre 2005 et 2017. Dix autres personnes étaient jugées à ses côtés, cadres et élus centristes. Franceinfo vous explique pourquoi cette décision de justice sera scrutée, avec des répercussions juridiques et politiques importantes.
Parce que la peine encourue est lourde
Au total, dans cette affaire, onze personnes physiques, dont l'ancien trésorier du MoDem, cinq anciens eurodéputés, trois cadres du parti et un assistant parlementaire de l'époque, étaient renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris. Elles sont soupçonnées d'avoir participé, de près ou de loin, à un système "frauduleux", qui consistait à rémunérer des assistants parlementaires d'eurodéputés avec les fonds du Parlement européen, prévus à cet effet, alors qu'en réalité, ils travaillaient au profit du parti centriste. "L'UDF puis le MoDem a pu profiter d'une force de travail qu'il ne rémunérait pas", estiment les juges d'instruction dans leur ordonnance de renvoi, consultée par franceinfo. Les deux structures étaient poursuivies en tant que personnes morales.
Pour les magistrates, François Bayrou "apparaît comme le décideur et le responsable", qui a, "en premier lieu", "mis en œuvre" ce "mécanisme frauduleux", dans lequel il a joué "un rôle central". Ainsi, le président du MoDem est soupçonné d'être "complice des détournements" en "mettant en place les rouages nécessaires". Ce qu'il a toujours contesté. Au cours de l'audience, François Bayrou a dénoncé une "intoxication" judiciaire et réfuté longuement l'existence d'un quelconque "système" au bénéfice de son parti. "C'est une tragédie humaine ! Ce que vous insinuez, c'est une affabulation", avait même fini par asséner à la barre, selon France 3, le président du MoDem, avant que son interrogatoire ne prenne fin.
Pas assez convaincant pour le ministère public. Dans un réquisitoire à deux voix, de près de sept heures, les procureures ont estimé que François Bayrou était coupable de faits portant "atteinte aux valeurs de probité et d'exemplarité qu'il promeut". Ainsi, elles ont requis à son encontre 30 mois d'emprisonnement avec sursis, 70 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité avec sursis. Le président du MoDem encourt une peine qui peut aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement, un million d'euros d'amende et dix ans d'inéligibilité.
Contre les autres prévenus, l'accusation a réclamé des peines allant de 8 à 20 mois de prison avec sursis et des amendes entre 10 000 et 30 000 euros, assorties de peines d'inéligibilité, là aussi avec sursis. Tandis que l'ensemble des avocats de la défense ont, eux, plaidé la relaxe de leurs clients. Ils ont mis en cause des documents "sujets à interprétation", sans "aucune preuve". Ni l'enquête, ni le procès n'ont mis en lumière un enrichissement personnel. C'est le Parlement européen, unique partie civile, qui évalue son préjudice à 293 000 euros.
Parce qu'il joue son avenir politique
La décision de la justice, quelle qu'elle soit, comporte de lourds enjeux politiques pour François Bayrou. L'affaire colle à la carrière du président du MoDem. De retour au gouvernement pour la première fois depuis vingt ans, au printemps 2017, il avait démissionné de son poste de ministre de la Justice après la révélation de l'affaire, juste après l'ouverture de l'enquête, un mois après sa nomination.
Aujourd'hui, François Bayrou plaide, en coulisses, pour être mieux représenté au sein du gouvernement de Gabriel Attal, dont la deuxième vague de nominations se fait attendre. Selon les informations de franceinfo, le patron du MoDem souhaite quatre ministres, en plus de Marc Fesneau, déjà en poste à l'Agriculture. L'argument est le suivant : avec 51 députés, le MoDem représente 20% de la majorité à l'Assemblée. Si la nomination des ministres délégués et secrétaires d'Etat intervient la semaine du 5 février, l'exécutif aura donc pris connaissance de la décision de justice pour compléter son équipe.
Parce que la décision pourrait faire jurisprudence
Le MoDem n'est pas l'unique parti français visé par des accusations similaires. La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) sont aussi soupçonnés d'avoir employé des assistants parlementaires européens afin d'effectuer du militantisme politique, et non pour des missions liées au Parlement européen. Une information judiciaire est toujours en cours concernant La France insoumise mais personne n'a été mis en examen depuis son ouverture fin 2018, selon l'AFP.
Du côté du Rassemblement national, on craint même que ce jugement fasse jurisprudence et nuise à Marine Le Pen. Car la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour des soupçons de détournements à hauteur de 6,8 millions d'euros, entre 2009 et 2017. Elle sera jugée aux côtés de 26 autres personnes, dont son père et de nombreux cadres du parti d'extrême droite.
Certains redoutent ainsi une peine "exemplaire" pour François Bayrou qui justifierait la même sévérité envers Marine Le Pen. "Les juges ont un calendrier politique, on l'a vu avec l'affaire Fillon... En plus, ils sont presque tous membres du syndicat USM qui a appelé à voter contre nous", analyse un cadre du RN. "C'est vrai, on a surveillé le procès Bayrou, de loin, grâce à nos avocats. Mais franchement, ça ne nous empêche pas de dormir", tempère un proche de Marine Le Pen. "Ce qui est sûr, c'est que cette histoire va feuilletonner", s'agace son entourage auprès de franceinfo. Qui voit dans cette échéance judiciaire un potentiel obstacle à une prochaine candidature pour 2027.
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