Pourquoi Lucie Castets a peu de chances d'être nommée à Matignon après les consultations à l'Elysée

Emmanuel Macron pourrait s'exprimer lundi soir, après avoir reçu toutes les forces politiques. Les différents échanges de vendredi ont toutefois confirmé que la nomination de ministres LFI au sein du gouvernement restait un point de blocage majeur.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Lucie Castets, candidate à Matignon pour le Nouveau Front populaire, lors des Journées d'été du Parti communiste français, à Montpellier (Hérault), le 23 août 2024. (PASCAL GUYOT / AFP)

L'équation semble insoluble. Alors que les consultations politiques entamées vendredi 23 août à l'Elysée sont censées déboucher sur la nomination d'un Premier ministre, la perspective de voir Lucie Castets nommée à Matignon s'éloigne un peu plus à l'issue des premiers échanges entre Emmanuel Macron et les représentants des différents blocs. Pour rappel, l'énarque de 37 ans, directrice des finances de la ville de Paris, a été choisie par le Nouveau Front populaire (NFP), arrivé en tête des élections législatives organisées après la dissolution provoquée par le président de la République (182 sièges). Mais le chef de l'Etat paraît décidé à ne pas donner les clés du gouvernement au NFP et à sa candidate.

Les leaders de la coalition de gauche, premiers à être reçus au palais vendredi matin, affichaient un optimisme prudent à la sortie d'un échange d'environ une heure et demie avec Emmanuel Macron, mené principalement par Lucie Castets. Cette dernière a ainsi relevé, dans L'Humanité, une évolution dans la posture du président, qui avait balayé sa nomination d'un revers de main fin juillet, renvoyant la décision à l'après-Jeux olympiques. "Il semble prendre acte du fait que les Français attendent un changement dans la politique menée depuis sept ans. Il a accepté la clarification qu'il a lui-même appelée de ses vœux avec la dissolution", a observé l'aspirante Première ministre. Emmanuel Macron a de son côté confié à son camp avoir eu un dialogue "courtois et respectueux" avec la délégation du NFP.

La crainte de remaniements successifs jusqu'à une nouvelle dissolution

Lucie Castets a toutefois perçu une résistance du chef de l'Etat à la coutume qui consiste à "désigner un ou une Première ministre issue de la force arrivée en tête" aux élections. "Le président s'est plutôt présenté non pas comme un arbitre des institutions, comme le prévoit la Constitution de notre beau pays, mais comme un sélectionneur" et il "semble vouloir composer lui-même son gouvernement", a-t-elle lancé vendredi soir à Montpellier (Hérault) lors de la rentrée politique du Parti communiste français.

Le déjeuner d'Emmanuel Macron avec les responsables du camp présidentiel, vendredi midi, semble avoir eu raison de l'option Castets. Selon les propos de participants rapportés par l'AFP, le président s'est dit à la recherche d'"une solution institutionnellement stable" face à une "configuration inédite" de l'Assemblée nationale. Objectif : "éviter une nouvelle dissolution" dans un an, a détaillé le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal dans un message aux députés de son groupe, consulté par l'AFP et franceinfo.

Or, la nomination de Lucie Castets et, en cascade, celle de ministres issus de La France insoumise (LFI) expose, selon le camp présidentiel, à un risque de remaniements successifs et donc d'instabilité.

Le "point de blocage" de ministres issus de La France insoumise

Emmanuel Macron a ainsi reposé la question qui fâche lors de ce déjeuner : dans l'hypothèse d'un gouvernement du NFP, la présence de ministres issus de LFI est-elle envisageable pour les responsables de son camp ? La réponse ne s'est pas fait attendre : niet. "L'ensemble des groupes du bloc central" ont affirmé qu'ils seraient pour l'adoption d'une motion de censure dans ce cas de figure, a expliqué Gabriel Attal à ses troupes. "Comment cautionner, sans s'y opposer, un ministre de l'Intérieur qui qualifie nos policiers de barbares ? Un ministre de l'Agriculture qui définit nos agriculteurs comme des pollueurs ? Un ministre de l'Economie qui traite nos chefs d'entreprise comme des bandits ? Et ainsi de suite", a-t-il poursuivi

"Pour l'immense majorité des parlementaires qui se sont exprimés, un gouvernement avec le programme du NFP, c'est-à-dire de LFI, et des ministres de LFI, c'est impossible", a renchéri auprès de l'AFP le président du MoDem, François Bayrou. "Nous sommes prêts", a de son côté tweeté le député Renaissance d'Eure-et-Loir et ministre délégué au Logement démissionnaire, Guillaume Kasbarian, affichant une image de motion de censure, en réponse à un message posté par Lucie Castets. 

Sur la même ligne, les députés Les Républicains voteraient "immédiatement une motion de censure" contre un gouvernement comprenant des ministres LFI, a assuré Laurent Wauquiez. Tout comme le Rassemblement national, qui l'a déjà fait savoir. Pour le groupe centriste Liot, dont les voix sont convoitées, LFI est aussi "un point de blocage", a fait savoir son coprésident Stéphane Lenormand, sans toutefois se prononcer sur une censure.

Un gouvernement sans LFI inenvisageable pour Lucie Castets

Il semble malgré tout difficilement envisageable, pour Lucie Castets, de nommer un gouvernement sans y inclure des insoumis. La haute fonctionnaire l'a d'ailleurs écarté dans son interview auprès de L'Humanité.

"Toutes les forces du NFP seront représentées dans ce gouvernement. (...) Les ministres seront nommés en fonction de leurs compétences et de la nature leur engagement."

Lucie Castets

dans "L'Humanité"

La perspective de voir la candidature de Lucie Castets définitivement écartée à l'issue de ces consultations fait bondir la gauche. "Une telle décision serait une violation du résultat des élections législatives", a averti le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, promettant lui aussi motion de censure et procédure de destitution. Dans un texte publié le 17 août dans La Tribune Dimanche, le mouvement a d'ores et déjà menacé d'engager cette procédure contre le président pour son refus "de prendre acte" du résultat des législatives. "Ça s'appelle un autocrate : qui dirige tout seul", a lancé Jean-Luc Mélenchon vendredi soir en ouverture des universités d'été de LFI.

Samedi, le leader des Insoumis a tancé le camp présidentiel. "Le gouvernement de Lucie Castets, s'il ne [comporte] aucun ministre insoumis, est-ce que vous vous engagez à ne pas voter la censure et à lui permettre d'appliquer le programme pour lequel nous sommes arrivés en tête des élections législatives ? a-t-il interrogé. Si vous nous répondez non, on dira que les ministres insoumis, en fait, c'est un prétexte, c'est du programme dont vous ne voulez pas".

Toujours est-il qu'un déblocage de la situation en faveur de Lucie Castets semble peu probable. Emmanuel Macron doit encore s'entretenir lundi avec Marine Le Pen et Eric Ciotti, ainsi qu'avec les présidents du Sénat, Gérard Larcher, et de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Autant de personnalités opposées, également, à un compromis avec LFI.

Le chef de l'Etat pourrait s'exprimer lundi soir, ont confié à France Télévisions plusieurs participants aux consultations. Mais selon un participant du NFP auprès de l'AFP, le président se donne jusqu'à mercredi soir, avant les Jeux paralympiques, pour trancher. 

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