Remaniement : Nicole Belloubet à l'Education nationale, une ancienne rectrice à la rescousse de l'école publique
Engluée dans les polémiques, elle se savait sur la sellette. Amélie Oudéa-Castéra, propulsée à la tête du "super-ministère" de l'Education nationale, de la Jeunesse, des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques le 11 janvier, perd le portefeuille de l'école, a annoncé l'Elysée, jeudi 8 février. Elle ne conserve que celui des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques. Alors que les rumeurs autour de François Bayrou ont circulé ces derniers jours, Nicole Belloubet, ex-ministre de la Justice (2017-2020), a finalement été désignée nouvelle patronne de l'Education nationale. Un profil, en dépit des apparences, pas si surprenant.
Professeure des universités, docteure en droit public et ancienne membre du Conseil constitutionnel, elle a aussi été rectrice des académies de Limoges et Toulouse, entre 1997 et 2005. Opposée aux suppressions de postes, à l'époque, dans cette dernière académie, Nicole Belloubet choisit de claquer la porte. Une problématique d'effectifs toujours d'actualité en 2024 : selon les arbitrages consultés par franceinfo, il y aura, premier et second degrés confondus, plusieurs dizaines de postes en moins dans l'enseignement public à la rentrée prochaine.
Désormais installée rue de Grenelle, Nicole Belloubet devra prouver aux personnels de l'Education nationale, qui viennent d'enchaîner deux grèves, qu'elle souhaite toujours défendre cette école publique.
Critiques de l'enseignement privé
Preuve que son implication ne date pas d'hier, Nicole Belloubet a rendu un rapport, en 2002, dans lequel elle formulait 30 propositions pour le lycée. Plus récemment, en 2016, l'ancienne rectrice a publié un article dans la revue universitaire Après-demain, intitulé "Supprimer le ministère de l'Education nationale ?". Une "provocation", écrit celle qui tape sur l'école privée dès les premières lignes.
"Les inégalités que le système éducatif français ne sait pas corriger sont de plus en plus criantes et les contempteurs de la situation actuelle sont obligés de se saisir de prétextes ou de fuir le service public pour rejoindre l'entre-soi des classes homogènes dans l'enseignement privé", peut-on lire. Une prise de position aux antipodes de celle d'Amélie Oudéa-Castéra, épinglée pour avoir scolarisé ses enfants dans l'institution privée conservatrice Stanislas et avoir justifié ce choix par les absences de professeurs, une version démentie par Libération.
Dans ce texte où elle donne sa vision du système éducatif, Nicole Belloubet plaide également pour une meilleure rémunération des enseignants : "Pour être créatifs, les enseignants doivent être considérés comme des cadres dans leur statut. Cela suppose qu'ils soient impliqués, responsables et soutenus. Des cadres considérés doivent être mieux rémunérés." Une revendication de longue date des profs, encore entendue mardi en manifestation.
Autre mécontentement de leur part, auquel devra répondre Nicole Belloubet : les groupes de niveau, en 6e et 5e, qui doivent voir le jour à la rentrée 2024. Aucun texte réglementaire n'a, pour l'heure, été publié, mais les chefs d'établissement s'inquiètent d'ores et déjà du manque de moyens pour les mettre en place.
Sur la même ligne que Macron et Attal ?
Alors que Gabriel Attal défend bec et ongles le retour de l'uniforme et de l'autorité dans les salles de classe, Nicole Belloubet ne semblait, en 2016, pas tout à fait d'accord. "Loin des fariboles sur la restauration de l'autorité ou le port de la blouse, ceux qui sont réellement confrontés aux tâches éducatives cernent aujourd'hui l'essentiel : il faut sortir du cadre rigide du cours magistral, laisser du temps et de l'autonomie aux jeunes", affirmait-elle.
A présent ministre de l'Education nationale, quelle sera sa position face à ces priorités du gouvernement ? Sera-t-elle, par ailleurs, autonome vis-à-vis du Premier ministre, mais aussi du président de la République, qui a fait de l'école l'un de ses domaines réservés ?
Pour Emmanuel Macron, l'arrivée de Nicole Belloubet contrebalance politiquement ce nouveau gouvernement marqué à droite, avec, entre autres, Rachida Dati et Catherine Vautrin ou encore l'arrivée de Franck Riester au Commerce extérieur. La nouvelle ministre de l'Education nationale a adhéré au Parti socialiste (PS) en 1983 et occupé le poste d'adjointe au maire de Toulouse (2008-2010), puis de vice-présidente de la Région Occitanie (2010-2013). Avec un dossier de prédilection : l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche.
En tant que garde des Sceaux, dans le gouvernement d'Edouard Philippe (2017-2020), lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, elle a par ailleurs été accusée de tenir des propos sur des affaires judiciaires en cours, comme sur l'affaire Mila. Elle s'est aussi attirée les foudres du monde judiciaire avec sa réforme de la justice. Les profs, eux, espèrent désormais de la stabilité, après deux changements de ministre en sept mois, et des mesures fortes pour l'école publique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.