Présidentielle 2022 : cinq ans après, "Marine Le Pen et Emmanuel Macron gardent un mauvais souvenir du débat", selon Nathalie Saint-Cricq
Avant le débat d'entre-deux-tours de l'élection présidentielle, l'éditorialiste politique de France Télévisions, qui a animé le premier duel de 2017, répondait aux questions de franceinfo.
Emmanuel Macron et Marine Le Pen se retrouvent à 21h, ce mercredi 20 avril, pour le duel de l'entre-deux-tours de la présidentielle. Cinq ans après, "Oui, c'est un bon souvenir... C'était mieux que de regarder le débat chez moi, même si on s'est trouvé assez peu présents, mais c'était les règles du jeu !", sourit Nathalie Saint-Cricq.
En 2017, ce premier débat, déjà avec les deux candidats, avait été présenté par l'éditorialiste politique sur franceinfo et Christophe Jakubyszyn : un moment de "forte tension", confie-t-elle. "Ce n'est pas un numéro pour journalistes, c'est un numéro pour candidats. Autant être discret et expliquer aux gens que, si on ne dit rien, c'est parce qu'on ne doit rien dire. Ce n'est pas très intéressant journalistiquement, mais c'est très impressionnant. On a l'impression de vivre un temps fort, d'être là."
Elle en dévoile les coulisses : "Ils ne se sont pas vus. Ils se sont installés deux minutes avant l'antenne et se sont regardés un peu comme deux animaux, se sont jaugés, jugés."
"Il y avait quelque chose de goguenard dans l'œil des deux. Ça a été assez violent, même très violent."
Nathalie Saint-Cricqà franceinfo
Elle poursuit : "Et puis, on eu ce moment, je pense, où elle a décidé probablement d'arrêter de se battre, la fameuse période où on la voit avec 'Ils sont partout dans les campagnes...". Là, on s'est dit qu'il y avait un truc qui commençait à disjoncter sérieusement. C'est une épreuve : deux heures et demi de tension comme ça, sans pouvoir se relâcher."
Le choix des journalistes "n'est pas normal"
En 2022, plusieurs choix et des négociations diverses ont eu lieu en coulisses, notamment entre les équipes des candidats. Nathalie Saint-Cricq est également revenue sur la polémique autour du choix des journalistes par les candidats. "Je ne trouve pas ça normal du tout. Je trouve ça totalement dépassé. Surtout que, vu la nature des questions qui sont posées aux candidats et la neutralité obligatoire des journalistes, ça ne change pas grand chose. Tout est calibré à la seconde près et on n'a pas le droit de poser des questions engagées ni de faire de la politique. C'est tellement neutre. Franchement, une polémique comme ça, on s'en serait bien dispensés !", dénonce-t-elle.
Après des discussions et des tirages au sort, c'est le thème du pouvoir d'achat qui sera abordé en premier lieu de ces 2h30 de face-à-face. Et ce sera Marine le Pen, placée à droite de l'écran, qui prendra la parole en premier et en dernier, ont indiqué TF1 et France 2. Quant à la température, elle sera réglée sur 19 degrés. "C'est du temps perdu, selon Nathalie Saint-Cricq. Je ne comprends pas non plus pourquoi les journalistes sont à quatre mètres, comme si on risquait de mordre, comme une distance de sécurité. C'est peut être une façon de montrer que c'est le débat des candidats, que les journalistes ne sont que des chronomètres, du passe-plat."
Un modèle "trop rigide", "ringard"
Face à Célyne Baÿt-Darcourt, la journaliste politique revient également sur les fameux plans d'écoute - l'un des candidat sera filmé quand l'autre lui parle, sans expression -, au coeur de nombreuses critiques en 2017. "Je pense que tout le monde se focalise sur Marine Le Pen, farfouillant dans ses dossiers. Mais en regardant le débat, je me suis simplement rendu compte que les téléspectateurs voyaient ce que nous, on voyait sur le plateau, c'est-à-dire la réalité. Peut-être même avec une tension supplémentaire, puisque comme l'écran a été coupé en deux, vous aviez en permanence Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et vous regardiez les les expressions des visages. Et je trouve ça dommage de priver les téléspectateurs de ce genre de choses et d'accepter quelque chose d'aussi rigide que plan moyen - plan court - plan d'écoute s'ils ne sont pas expressifs. Je trouve que ça ressemble plus à de la campagne officielle ou de la télé soviétique. Alors, c'est un bien grand mot, mais je pense à quelque chose qui est ringard et qui date."
"On a dit 'on veut privilégier le fond sur la forme', mais on peut avoir le fond et la forme !"
Nathalie Saint-Cricqà franceinfo
"Et puis ils sont assez grands pour se tenir ! On n'imagine pas une seconde que Emmanuel Macron va se mettre à faire des grimaces quand Marine Le Pen parle, et réciproquement. Donc, essayer de nous restituer l'ambiance sur le plateau, je trouve que ça aurait été un peu plus intéressant, mais peut-être qu'on va y venir...", glisse-t-elle.
Avec l'expérience de ce débat de 2017, Nathalie Saint-Cricq estime que les deux candidats ont désormais, tous les deux, l'objectif clair de ne pas reproduire les erreurs d'alors. L'exercice, passage obligé de la présidentielle depuis 1974, ne bouleverse habituellement pas les dynamiques d'intentions de vote mesurées par les sondeurs. Mais ils permettent de laisser une trace.
Laisser une trace dans l'histoire
D'ailleurs, les deux candidats étaient visiblement sortis mécontents du débat vues par environ 16,5 millions de téléspectateurs. "Marine Le Pen n'était absolument pas contente de sa prestation, trouvant avoir été incompétente. Emmanuel Macron garde aussi un mauvais souvenir du débat, parce que, finalement, il n'est ressorti de ce débat que la fameuse phrase de Marine Le Pen, et qu'il n'a pas imprimé les mémoires avec une petite phrase comme Mitterrand, à la Giscard ou encore le 'Moi, président' de Hollande. Il n'y a pas de phrase à lui qui reste dans l'histoire. Et là, il espère qu'il y en aura une qui restera pour l'INA, pour les historiens." analyse-t-elle.
Alors à quoi s'attendre ce mercredi soir, qui sonne comme un match retour ? "Je pense que ça va se passer de façon calme, de façon digne, de façon sobre. Du moins, c'est ce qu'on nous annonce. Ennuyeuse aussi, ça peut aussi être décrypté comme ça. Marine Le Pen veut se présidentialiser, donc être très technique, compétente, efficace. Emmanuel Macron, lui, ne veut pas être arrogant, professoral, désagréable. Ils veulent tous que ça baisse en tensions, que ce ne soit pas violent. Mais je ne pense pas que ce sera une discussion de salon."
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