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Cessez-le-feu en Ukraine pour Noël orthodoxe : qui est le patriarche Kirill, qui a demandé et obtenu un cessez-le-feu de la part de Vladimir Poutine ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le patriarche Kirill lors d'un service de Pâques orthodoxe à Moscou, le 23 avril 2022. (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

On ne l’appellera Kirill 1er que lorsqu’il y en aura un deuxième. C’est la règle. Pour l’heure, donc, c’est bien le patriarche Kirill qui a demandé jeudi 5 janvier, que les armes se taisent en Ukraine entre vendredi midi et samedi soir, minuit, à l’occasion du Noël orthodoxe. Depuis la Turquie, le président Erdogan avait lancé le même appel à Vladimir Poutine. Le communiqué du Kremlin demande donc aux forces russes et ukrainiennes de respecter cette trêve pour que les orthodoxes, qui sont majoritaires en Ukraine comme en Russie, puissent "assister aux offices de la veille et du jour de Noël". Attention toutefois, l’influence du patriarche dans l’opinion russe est assez faible : même si "70% de la population se dit orthodoxe, un tiers d’entre eux dit ne pas croire en Dieu. Et 9% des Russes seulement disent aller à la messe une fois par mois.

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Néanmoins, c’est quand même cet homme, Kirill, obtient le tout premier cessez-le-feu unilatéral depuis le déclenchement de la guerre en février. Depuis 14 ans, Kirill est le 16ème patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Mais contrairement à son grand-père, lui aussi prêtre et envoyé au Goulag sous Staline pour avoir défendu la foi chrétienne, Kirill est un proche du pouvoir, donc de Vladimir Poutine. Il est un pur produit de la nomenklatura religieuse soviétique.

Né sous le nom de Vladimir Goundaïev

Kirill ou Vladimir Goundaïev a 76 ans, il est né en 1946, il a 76 ans. Il a grandi à Leningrad devenue Saint Pétersbourg. Il entre au séminaire à 19 ans, devient moine à 23 ans. C'est la seule façon de devenir évêque. Étudiant brillant d’après l’un de ses professeurs de théologie, cité il y a quelques années par nos confrères de l’Express : il fait son cycle en deux ans au lieu de quatre. Évêque à l’âge de 30 ans : autant de signes qui laissent penser de façon quasi-certaine qu’il est un agent du KGB. Il a même un nom d’espion : "Mikhaïlov".

Un train de vie fastueux

Très vite, il représente le patriarcat de Moscou à Genève, où siège le Conseil œcuménique des églises. On est là, avant la chute de l’empire soviétique. Il découvre le ski, les voitures de luxe, il s’offre un chalet en Suisse et un magnifique appartement dans les beaux quartiers de Moscou.

Et c’est cet homme, opulent, influent, et excellent tribun qui en 2009 prend la tête du patriarcat de Moscou, succédant au discret Alexis II. Avec toutes sortes d'excès. Par exemple, en 2009, le patriarche Kirill rend visite à des mineurs du Donbass. Ce jour-là, il porte à son poignet une montre de la marque Breguet d'une valeur de plus de 20 000 euros, ce qui fera scandale. Face à la polémique, les autorités orthodoxes décident de flouter le bijou de luxe sur les photos. Mais c'est mal flouté. Ses messes sont retransmises sur écrans géants à l’extérieur de la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, au milieu des dorures et des touristes avec audioguides. Une fois terminées, il s’engouffre dans sa limousine, un garde du corps lui baisant la mitre.

Un échange de bons procédés avec Vladimir Poutine

C'est ainsi que s'est nouée la proximité entre le président russe et le patriarche de l'Église orthodoxe. Les deux hommes ont scellé une sorte de pacte, resté secret pendant plusieurs années. Après 70 ans de persécutions, 120 000 prêtres tués sous Staline, Kirill aurait obtenu la construction de 200 églises autour de Moscou et le transfert des biens ecclésiastiques nationalisés au temps de l'URSS. En échange : des petites phrases de soutien au régime. "Votre présidence est un miracle", a déclaré notamment déclaré Kirill. Sur son site internet, il tresse régulièrement les lauriers des dignitaires du régime pour leur anniversaire.

Lorsqu’il est élu, ce deal reste secret pendant trois ans. Puis, en février 2012, en pleine messe, cinq membres d’un groupe punk, les "Pussy Riot", montent sur l’autel et se mettent à chanter : "Vierge Marie, chasse Poutine ! Et toi, chien de patriarche, tu crois en Poutine, alors que tu ferais mieux de croire en Dieu." L’affaire a un retentissement mondial." Reconnues coupables de "vandalisme motivé par la haine religieuse" et "hooliganisme", trois "Pussy Riot" sont condamnées à deux ans de camp. L'affaire déclenche une vague de protestation mondiale, notamment plusieurs chefs d’État, quelques vedettes occidentales. Vladimir Poutine est obligé de prendre la défense de Kirill, ce qui révèle la profonde collusion du patriarche avec le pouvoir.

Avant de demander le cessez-le-feu, Kirill a pourtant très clairement soutenu cette guerre depuis le début en février. En marsn il parlait d’un "combat métaphysique" contre les "forces du mal". Depuis, il n'a de cesse de bénir les troupes russes. En octobre, il a souhaité à Vladimir Poutine – qui fêtait ses 70 ans – des forces physiques et morales pour beaucoup d'années. Aujourd'hui, on le dit nettement moins en odeur de sainteté, avec de nombreux concurrents au sein de l'Église orthodoxe. Mais, ça ne l'empêche pas d'être entendu par le Kremlin, ni même d’être menacé de sanctions par la Commission européenne.  

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