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Cabinets de conseil : une proposition de loi très politique du Sénat

Alors que les regards sont tournés vers l’Assemblée nationale depuis lundi, le Sénat vient de semer un nouvel obstacle sur le chemin de l’exécutif.

Article rédigé par franceinfo - Neïla Latrous
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, au Sénat le 24 mai 2018 (ALEXIS SCIARD  / MAXPPP)

En mars dernier, en pleine campagne présidentielle, le Sénat faisait des révélations explosives sur le recours aux cabinets de conseil, dont le fameux McKinsey, sur leur influence au cœur de l’Etat, qui se traduisait par un chiffre : près d’un milliard d’euros dépensés en 2021 pour des missions de conseil.

Ce rapport vient de donner naissance à une proposition de loi, déposée hier au Sénat. Un texte rédigé par deux élus de bord très différents – la communiste Eliane Assassi et Arnaud Bazin des Républicains. Ils sont appuyés par 14 autres sénateurs. La proposition de loi, composée de 19 articles, ambitionne de mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil, et pour qu’il y ait plus de transparence lorsque l’Etat fait appel à eux. Par exemple en publiant chaque année et en données ouvertes la liste des prestations commandées.

>> Réduire le recours aux cabinets de conseil, un casse-tête

Les sénateurs veulent aussi obliger ces cabinets à signaler auprès de Haute Autorité pour la transparence de la vie publique d’éventuels conflits d’intérêts :ça veut dire transmettre la liste de leurs clients autres que l’Etat. Proposition plus cocasse : obliger les consultants à n'utiliser que la langue française, et à laisser de côté les anglicismes.

Procédure accélérée

Dans un courrier adressé à la Première ministre Elisabeth Borne, tous lui demandent de faire adopter cette proposition de loi en urgence, dès cet été, en engageant “la procédure accélérée” pour réduire la durée des débats. Et c'est diablement malin. Ce faisant, le Sénat prend l’exécutif à son propre jeu, au moment où dans une Assemblée composite et sans majorité, Elisabeth Borne appelle chaque famille politique à jouer le jeu de l’intérêt national.

Les sénateurs disent chiche : voilà un texte qui peut être voté au Palais du Luxembourg par la droite et la gauche unie. Et un texte qui à l’Assemblée nationale peut aussi trouver une majorité, entre les députés de la Nupes, ceux des Républicains et ceux du Rassemblement national.

Marge de manœuvre étroite

“Le fait d’envoyer la lettre à Madame Borne, pour demander la procédure accélérée, c’est de la politique, assume un sénateur. Elle va être en difficulté pour dire non, ce serait une maladresse de sa part.” Or, l’exécutif espérait s’en sortir jusqu’ici avec une circulaire qui prévoit de réduire de 15% les dépenses de conseil de l’Etat. 

La marge de manœuvre d'Elisabeth Borne n’est pas énorme. Si l’exécutif ne programme pas le texte cet été, les sénateurs peuvent le lui imposer à l’automne. Ils ont la possibilité d’inscrire des textes à l‘agenda parlementaire. Dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, Gérard Larcher, président du Sénat, prévient aujourd’hui : “Nous allons être amenés, dit-il, à faire des propositions”. “Nous verrons le sort que leur réservera le gouvernement.” 

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