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Le brief politique. Fillon/Juppé : le "projet puissant" face au "vote utile"

Dimanche soir, François Fillon est arrivé largement en tête du premier tour de la primaire à droite. Alain Juppé, deuxième qualifié, est distancé... mais joue la carte du "vote utile". 

Article rédigé par franceinfo, Anne-Laure Dagnet, Yaël Goosz
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
François Fillon et Alain Juppé, les deux qualifiés pour le second tour de la primaire à droite, qui se tiendra le 27 novembre 2016 (MARTIN BUREAU / AFP)

Il était perçu comme le "quatrième homme" de la primaire à droite. Dimanche 20 novembre, François Fillon a finalement détrôné le favori des sondages, Alain Juppé. L'ancien Premier ministre arrive en tête du premier tour avec plus de 44% des voix, contre seulement 28% au maire de Bordeaux. Nicolas Sarkozy est éliminé.

"Un projet puissant" : François Fillon pose les jalons du second tour...

"Du fond du cœur merci. Depuis des mois, je trace mon sillon calmement, sérieusement, avec un projet précis et puissant. Nous allons bâtir une alternance forte pour la France" : dans cette déclaration dimanche soir, François Fillon s'est résolument tourné vers le second tour de la primaire, qui se tiendra dès dimanche.

Ses soutiens ont adopté la même posture, en attaquant Alain Juppé, l'adversaire. Ainsi Jean-François Lamour a-t-il fustigé la "synthèse molle" et les "mesurettes". Des arguments déjà utilisés contre le maire de Bordeaux par... Nicolas Sarkozy.

... et va devoir rassembler

La primaire, c’est comme le tiercé : il y a toujours ceux qui misent sur le mauvais cheval. Ceux qui n’ont pas cru en François Fillon, après l’avoir encensé pendant des années, peuvent se mordre les doigts. Manque de flair pour Éric Ciotti, qui dirigeait sa campagne lors de l’élection pour la présidence de l’UMP en 2012. En 2014, le député des Alpes-Maritimes faisait encore l’éloge du fillonnisme... avant de rallier Nicolas Sarkozy.

Valérie Pécresse a dû mal dormir, elle aussi. Fillonniste historique... passée avec armes et bagages chez Alain Juppé. C'est un camouflet également pour Patrick Devedjian, Philippe Goujon, Christian Estrosi et Laurent Wauquiez. Ce manque de fidélité aura-t-il des conséquences ? Pour rassembler, François Fillon le sait : il doit pardonner.

Alain Juppé joue la carte du "vote utile"

"Le peuple de France a besoin de se rassembler pour tourner la page d'un quinquennat désastreux et pour faire barrage au Front national, qui nous entraînerait dans la pire des aventures" : arrivé en deuxième position, Alain Juppé joue quant à lui la carte du "vote utile".

Je veux des réformes modernes qui préparent l'avenir plutôt que de cultiver la nostalgie du passé

Alain Juppé

Dès dimanche soir, les soutiens d’Alain Juppé sont passés à l'offensive. François Fillon "n’incarne pas le progrès sur le plan sociétal", a déclaré le centriste Jean-Christophe Lagarde. D’autres dénoncent sa politique étrangère très russophile ou l’augmentation de la TVA qui pénalise les plus pauvres.

Le ralliement des perdants

Nicolas Sarkozy, éliminé dès le premier tour de cette primaire, a livré un beau discours de défaite, comme en 2012. Il a déclaré son penchant pour François Fillon, avant de préciser : "Les électeurs qui m'ont fait confiance sont libres de leur décision. Je leur demande cependant de ne jamais emprunter la voie des extrêmes. La France mérite tellement mieux que le choix du pire."

Les choix politiques de François Fillon me sont plus proches

Nicolas Sarkozy

Un Nicolas Sarkozy qui prend de la hauteur et s'éloigne de la vie politique... Mais attention ! Avec l'ancien président, tout est possible : il n'a pas fait d'adieux à proprement parler.

Dimanche soir, Bruno Le Maire a été le premier à donner sa préférence à François Fillon. Un ralliement qui ne fait pas l’unanimité dans son camp. Son porte-parole Franck Riester a annoncé qu’il soutiendrait Alain Juppé, plus proche de ses convictions. Les positionnements de François Fillon à l'égard de la Manif pour tous en font fuir certains.

Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, quatrième du premier tour, elle n’a pas tardé à annoncer son soutien à Alain Juppé. "Je n'ai jamais courru après les places et les postes", s'est-elle expliquée... même si, en cas de victoire du maire de Bordeaux, la députée de l'Essonne peut prétendre à un poste aux ministères de la Défense ou de l'Éducation.

Un second tour joué d'avance ?

Sur le papier, peu de suspens. Quinze points séparent Alain Juppé de François Fillon. Quand on additionne les soutiens, le deuxième tour semble déjà plié. Mais le maire de Bordeaux promet de créer la surprise dimanche prochain. Problème : il n'a plus l’épouvantail Sarkozy pour mobiliser les déçus du hollandisme. Les électeurs de gauche représentaient 15% des votants du premier tour de la primaire. Une proportion énorme motivée par le "Tous sauf Sarkozy". Maintenant que l'ex-président est éliminé, ça va devenir compliqué pour Alain Juppé.

Les primaires "coup de balai"

Le phénomène a été expérimenté chez les écologistes, avec l'élimination de Cécile Duflot dès le premier tour. La primaire semble devenir un outil pour sortir les sortants. À qui le tour ? François Hollande ? C'est ce semble croire David Cormand, le patron d'Europe Écologie les Verts.

La note du brief

C’est un 5/20 pour François Bayrou, le roi du silence. Il est l’homme invisible de ce premier tour. Lui non plus n’avait pas anticipé la remontée de François Fillon. Plan A, plan B... il n’avait pas imaginé le plan C. Voilà qui complique la donne... surtout qu'Emmanuel Macron marche désormais clairement sur ses plates-bandes.

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