"On enrage un peu" : dans le Morbihan, des éleveurs écartelés entre le poids des normes et une concurrence féroce
Comment concilier une agriculture respectueuse de l’environnement et rentable qui pour ceux qui la produisent, ceux qui travaillent la terre ? C'est l'une des questions qui agite le monde agricole depuis plusieurs jours. À Trédion (Morbihan), dans un élevage de volailles plus grand que la moyenne bretonne, ce qui pèse, c’est le poids des normes et la concurrence. Dans six grands bâtiments, il y a des poulaillers avec fenêtres. L'éleveur Jérémy Choquet recense ses poulets. "Là, on en a 17 000 exactement. C'est du poulet lourd. C'est principalement pour la restauration, restaurants, fast-foods…"
Mais le secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de Bretagne ne compte plus les normes. Il y a d'abord celle sur le bien-être des animaux. Pour la luminosité, par exemple, une directive européenne exige de l'obscurité totale la nuit et la filière fixe les règles d'intensité la journée. "Ça, c'est le luxmètre, un capteur de luminosité, montre l'éleveur. On doit être capable de respecter 29 lux de lumière dans le bâtiment, c'est dans le cahier des charges. Donc s'il y a un gros nuage qui passe - ça arrive de temps en temps en Bretagne -, la lumière va démarrer toute seule, puis s'éteint globalement vers 23h pour que les animaux fassent leur nuit".
Inquiétude face à la concurrence
Et Jérémy Choquet, 29 ans, voit de nouvelles normes s'ajouter à chaque étape de la transition écologique de sa ferme. L'éleveur est très fier de sa chaudière biomasse. "Ce sont des poulets 'élevés au feu de bois', décrit-il. Ça nous permet d'économiser 114 tonnes de gaz par an. Donc c'est assez énorme. Et tous les fumiers sont envoyés en station de compostage, sur le site-même. On a aussi des panneaux photovoltaïques sur tous les toits de l'exploitation et ça baisse aussi forcément l'impact carbone du poulet consommé par les consommateurs."
Cet agriculteur breton a investi des centaines de milliers d'euros depuis 2018, quand il a rejoint son père sur l'exploitation familiale. Alors oui, il s'inquiète face à la concurrence ukrainienne. "Le kilo de filet de poulet en France est vendu 5,50 euros, et le poulet ukrainien arrive à un coût beaucoup plus faible que nous, à 3,50 euros."
"C'est pour ça qu'on enrage un peu quand il y a du poulet qui vient d'Ukraine en ce moment. Je ne suis pas persuadé qu'ils aient cette gestion de poulets 'élevés au feu de bois' par là-bas."
Jérémy Choquet, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de Bretagneà franceinfo
"C'est un peu rageant parce que nous, éleveurs français, avons investi sur notre bilan carbone, sur le bien-être animal, sur toutes ces normes qu'on a, mais qui sont hyperbénéfiques parce que je suis fier des poulets que je produis, estime Jérémy Choquet. Dans un contexte comme celui-ci, quand il y a deux euros d'écart au kilo, sur des filets de poulet, il faudrait qu'on se rende compte de la qualité qu'on produit et qu'on soit fiers de nos produits français."
Cet éleveur voudrait que l'origine des volailles soit bien affichée dans les restaurants pour expliquer les prix. Une obligation trop peu respectée, selon son interprofession.
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