Reportage
Attaque du Hamas : "Plans, téléphones, caméras, drapeaux…", les traces laissées par les assaillants soigneusement collectées en Israël

La recherche et la collecte de preuves de l'attaque du Hamas en Israël sont en cours pour documenter d’éventuelles actions en justice. Les assaillants ont laissé de nombreuses traces, à la fois matérielles et numériques.
Article rédigé par Farida Nouar, Laurent Macchietti
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Une maison du kibboutz de Be'eri porte les stigmates de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, impacts de balles et tags. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Sur les lieux des tueries du 7 octobre dernier, les commandos du Hamas ont laissé dans leur sillage beaucoup d’éléments. C’est le cas au Kibboutz de Be’eri, l’un des premiers à avoir été attaqué, situé à quatre kilomètres de la bande de Gaza. L'attaque a fait une centaine de morts. Aujourd’hui Be’eri est défiguré et certains maisons sont détruites, calcinées, criblées par des impacts de balles.

Yossi Landau travaille pour Zaka, un organisme caritatif israélien. Lui et son équipe ont récupéré les corps des habitants et des assaillants mais pas seulement. "On a trouvé de tout. Des plans, des téléphones, des caméras, des caméras corporelles, des drapeaux de l’État Islamique, de tout ! Sur les corps, au sol… On a tout donné à la police, à l’armée, aux forces de défense israéliennes, à tous ceux qui doivent s’en occuper", explique-t-il.

Des vidéos de caméras corporelles portées par les assaillants

L’une des vidéos de l'attaque du Hamas a été publiée par Tsahal. Les images extraites d’une caméra corporelle, portée par un assaillant, montre ce dernier et un autre homme marcher dans ce qui s’apparente à un kibboutz, armes à la main, tirer dans le pneu d’une ambulance, sur une victime dans sa cuisine et pénétrer dans une maison à la recherche de ses habitants. Toutes ces "preuves" sont rassemblées aujourd’hui par l’État d’Israël pour constituer des dossiers sur l’ampleur des horreurs, sur leur nature, pour potentiellement les porter devant les juridictions compétentes.

Car comment nommer ce qui s’est passé le 7 octobre d’un point de vue international ? Est-ce un crime de guerre ? Un crime contre l’humanité ? Un génocide ? Pour Yaacov Garson, avocat, spécialisé en droit international à Jérusalem, il n’y a pas de doute sur la question. "La seule façon de qualifier ces crimes, c’est de les qualifier de crimes contre l’humanité et pas de crimes de guerre, insiste l'avocat. Le crime de guerre, c’est dans le droit international un dérapage. Ça veut dire que ça commence par une guerre entre deux armées régulières de deux États souverains, donc des militaires qui font la guerre à des militaires. Ensuite, il y a des crimes qui sont commis dans ce contexte-là."

"Les crimes contre l’humanité ont la grande particularité d’être caractérisés par le fait que les civils sont visés à dessein et en amont."

Yaacov Garson, avocat spécialisé en droit international

à franceinfo

"C’est-à-dire que même les militaires qui ont été attaqués et qui ont été tués sur la route, c’était juste pour aller attaquer les civils", avance Yaacov Garson. Israël pourrait donc saisir la Cour pénale internationale d’un point de vue étatique.

Des actions en justice déjà lancées en France

À titre individuel des actions sont déjà en cours. Quatre familles franco-israéliennes ont déposé plainte auprès du Parquet national antiterroriste, qui a déjà ouvert une enquête préliminaire à la suite de l’attaque du 7 octobre. Trois familles l’ont fait pour "crimes contre l’humanité" contre le Hamas, une autre concerne un Franco-Israélien qui faisait son service militaire et qui est mort sous le drapeau. Ici, c’est la qualification terroriste qui est retenue. Toutes ces familles saisissent donc la justice française pour pouvoir avoir des informations qu’elles n’auront pas forcément ou correctement de la part des autorités israéliennes. "Ça permettrait, si la justice française décide d’enquêter pour des crimes contre l’humanité, d’avoir un travail sur place de recueil des preuves, d’examen de la chronologie minutieuse de chacune des attaques coordonnées qui ont eu lieu contre les populations civiles, explique Maître Nathanael Majster leur avocat. Ce qui est un travail lourd, fastidieux, difficile mais que la justice française peut aider dans le cadre du crime contre l’humanité".

L’organisation Elnet vient de lancer une campagne à l’échelle européenne pour traduire "les terroristes du Hamas en justice". Elle espère recueillir de nombreuses plaintes qui ne viseront pas uniquement l’entité palestinienne, explique la Dr Sarah Fainberg, membre du Conseil d’administration d'Elnet, mais aussi les "citoyens palestiniens qui sont entrés sur le territoire d’Israël, de simples citoyens palestiniens, de simples civils qui ont participé à ce massacre."

"Vont également être jugées les personnes qui ont financé le Hamas pendant des années. Il faudra mettre, derrière ces accusations, le Qatar, l’Iran et tout l’argent qui a été transféré, via la cryptomonnaie, notamment de Russie."

Dr Sarah Fainberg, membre du Conseil d’administration d'Elnet

à franceinfo

Et qu’en est-il de la bande de Gaza, sous la furie des bombardements intensifs de l’armée israélienne ? Est-ce un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ? L’ONU ou encore Amnesty internationale s’efforcent, eux aussi, de documenter le conflit du côté de l’enclave, inaccessible pour le moment.

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