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Conflit au Donbass : les tensions diplomatiques vues de Russie, d'Ukraine et d'Allemagne

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction Moscou, Kiev et Berlin, pour évoquer le conflit dans la région ukrainienne du Donbass.

Article rédigé par Nathalie Versieux - Claude Bruillot Stéphane Siohan
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky et la chancelière fédérale d’Allemagne Angela Merkel regardent le président de la Russie Vladimir Poutine, lors du Sommet de Paris, à l'Élysée, en décembre 2019. (CHARLES PLATIAU / POOL)

En prétextant des activités menaçantes de la part de l'armée ukrainienne contre le Donbass russophone et séparatiste, la Russie a massé depuis plus de trois semaines d’importants contingents militaires à proximité de ses frontières avec l'Ukraine, à l’ouest. Il est question de plus de 100 000 hommes au total. À Kiev on s'inquiète, tandis qu'à Berlin, on tente de jouer les médiateurs.

En Russie, des manœuvres en guise d'avertissement

En rendant tous ces mouvements de troupes parfaitement visibles, auxquels il faut ajouter l’annonce des blocages d’accès de ports ukrainiens dans la mer Noire pour une durée de six mois, le Kremlin n’a jamais caché ses intentions de démontrer qu’il peut, quand il le décide, déstabiliser Kiev.

Pour justifier cette stratégie, Vladimir Poutine s’appuie sur les menaces d’une offensive ukrainienne dans le Donbass russophone et séparatiste. Le président russe a toujours dit qu’il viendrait en aide à ces populations, auxquelles il a fait distribuer plus de 600 000 passeports russes. Sauf que pour garantir cette promesse, il faut, officiellement, que ces habitants de l'est de l'Ukraine, soutenus par le Kremlin, soient attaqués les premiers. Un positionnement que Vladimir Poutine doit confirmer mercredi 21 avril, lors de son discours annuel devant le Parlement russe, qui sera consacré aux relations internationales.

Le Kremlin, depuis la recrudescence des accrochages sur la ligne de front, a toujours désigné Kiev comme le responsable de ces dégradations. La mort, par exemple, d’une fillette de cinq ans près de Donetsk récemment, a été abondamment présentée sur les chaînes fédérales russes comme le résultat d’une agression de l’armée ukrainienne. Une information démentie par les observateurs indépendants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Plus globalement, l’entourage de Vladimir Poutine accuse Kiev de vouloir saboter les accords de Minsk 2, qui prévoient notamment un cessez-le-feu général, des retraits progressifs de troupes, puis à terme la tenue d’élections libres. Mais, sur un autre plan, le Kremlin sait qu’une normalisation de la situation dans le Donbass donnerait à l’Ukraine davantage d’espoirs d’intégrer un jour prochain l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), ce que Vladimir Poutine n’acceptera jamais.

En Ukraine, l'inquiétude monte

De l'autre côté de la frontière, dans l'est de l'Ukraine, l'inquiétude monte face à une escalade des tensions constatées par les militaires et les civils. Les observateurs ont remarqué depuis début janvier une augmentation des activités militaires du côté des Républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk. Des entités en réalité totalement contrôlées par la Russie. À Kiev, on déclare privilégier la voie de la négociation et la diplomatie, mais sur le terrain, les soldats ukrainiens sont autorisés à riposter, si jamais leur vie est mise en danger, et donc c’est ainsi que l’engrenage de la guerre se remet en marche.

"L'escalade va continuer, confirme le général Viktor Ganushchak. L'objectif des Russes est de provoquer un maximum de pertes dans nos rangs en utilisant des équipes de tireurs d'élite, qui sont directement issus des forces spéciales russes. Leur stratégie, c'est que nous ripostions par les armes et puis de retourner la situation à leur avantage dans les médias", décrypte le commandant adjoint des forces armées ukrainiennes.

L'espace médiatique est bien l'autre champ de bataille de ce conflit larvé. Depuis plusieurs semaines, le Kremlin essaie de faire passer l’Ukraine pour la partie qui a engagé les hostilités, en diffusant notamment des informations non vérifiées. Tout cela crée une tension croissante, du stress, d’autant que les médias russes diffusent des messages très agressifs, qui appellent à punir l’Ukraine, voire à s’emparer de certains morceaux de son territoire. Alors que tous les Ukrainiens parlent très bien russe et savent décrypter ce langage. À Kiev, on prend ces annonces très au sérieux.

En Allemagne, on plaide pour des négociations

Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a appelé à un retour au processus de Minsk, soutenu par les pays dits du "format Normandie", l'Ukraine, la Russie, la France et l'Allemagne : une formation diplomatique adoptée pendant la guerre du Donbass en juin 2014. Berlin veut éviter à tout prix qu'un incident à la frontière russo-ukrainienne ne déclenche une escalade du conflit quasiment aux portes de l'Allemagne.

Vu d'Allemagne, la Russie est un voisin, même si près de 2 000 kilomètres séparent les deux capitales. Le sentiment de culpabilité lié aux atrocités commises par les Nazis au sein du bloc soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale, les liens tissés entre une partie des Allemands de l'Est et Moscou durant le régime communiste, tout cela explique la relation particulière entre les deux pays. Davantage que les intérêts économiques, même s'il est vrai que l'Allemagne a besoin du gaz russe.

Ne pas casser le lien avec la Russie est donc une constante de la diplomatie allemande, allant jusqu'à une amitié ouverte du temps de Gerhard Schröder. Aujourd'hui encore, Angela Merkel est l'une des rares à qui Poutine accepte de parler en direct au sein du camp occidental.

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