Défense : quel budget pour les armées polonaise, suédoise et allemande ?
Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue de l'étranger. Aujourd'hui, direction la Pologne, la Suède et l'Allemagne, où les gouvernements augmentent le budget des armées et se préparent au pire.
La guerre en Ukraine a rebattu les cartes géopolitiques et sécuritaires de l'Europe. Plusieurs pays du continent ont décidé d'augmenter les budgets qu'ils allouent à la défense face à la menace que représente désormais la Russie. Quelles sont les ambitions de la Pologne, la Suède et l'Allemagne pour leurs armées ?
En Allemagne, un revirement conséquent et un investissement massif dans l'armée
Jusqu’à présent, le budget de la Défense n’était pas une préoccupation majeure en Allemagne, où le pacifisme est profondément ancré après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. En conséquence, l'armée allemande était notoirement sous-équipée, voire négligée. Ces 30 dernières années, les effectifs de la Bundeswehr ont fondu, passant de 500 000 à 200 000 personnes. C’est bien sûr l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a transformé l’Allemagne à vitesse grand V. "Si notre monde est différent, alors notre politique doit l’être aussi", a dit Annalena Baerbock, la ministre des Affaires étrangères.
Le chancelier socialiste Olaf Scholz a donc annoncé en début d'année un effort budgétaire inédit, en débloquant 100 milliards d'euros pour moderniser son armée. À titre de comparaison, en 2021, le pays n'a consacré que 47 milliards à sa défense. Cela en fait l’un des plus gros postes de dépense de l’Allemagne cette année, avec le numérique et la transition écologique. L'investissement représente plus de 2% du PIB allemand et va au-delà de ce que préconise l’OTAN à chacun de ses états-membres.
C'est donc une véritable volte-face stratégique que réalise le chancelier Scholz dans un pays qui, d'ordinaire, se fait fort de respecter une forme de rigueur budgétaire et est peu enclin à développer son armée. D'autant que, pour obtenir une majorité, le SPD d’Olaf Scholz a dû former une coalition avec le parti Vert, longtemps antimilitariste, et les Libéraux du FDP très pointilleux sur les dépenses publiques, ce qui fait de ce revirement un tour de force.
Affaiblie par l'aide à l'Ukraine, la Pologne ambitionne de devenir la première armée européenne
En Pologne, la guerre en Ukraine a largement changé la donne concernant la défense du pays. Aux frontières de la guerre, Varsovie a alloué des sommes records pour son budget militaire, notamment pour remplacer le matériel envoyé en Ukraine, que la Pologne a soutenue dès les premiers jours du conflit en livrant sur le front chars, obus et missiles. Mais toute cette aide a affaibli l’armée polonaise, et selon le gouvernement, la Pologne manquerait aujourd’hui d’équipements si jamais la Russie ou la Biélorussie tentaient d’attaquer le pays. Et c’est une menace qui persiste depuis le début du conflit.
En prévention, le gouvernement polonais a déployé un budget record. Près de 30 milliards d’euros, à peu près 3% du PIB, vont servir à moderniser l’armée et remplacer le matériel parti en Ukraine. C’est le double du budget de l’an dernier. L’objectif pour le ministre de la Défense, c’est de construire une "grande armée de dissuasion". Il multiplie donc les contrats d’armements internationaux, à l'image des hélicoptères américains ou des canons coréens achetés récemment.
Ce processus de modernisation pourrait faire de l'armée polonaisse la plus puissante en Europe d'ici à la fin de la décennie. Le pays espère aligner plus de chars et d’artillerie que les forces françaises, allemandes, britanniques, italiennes, belges et néerlandaises réunies. C’est considérable. Varsovie a aussi annoncé qu’elle allait doubler le nombre de soldats dans l’armée de terre pour passer de 115 000 à 300 000 combattants.
Cet effort militaire sans précédent n'est pas seulement un moyen de dissuasion face à la Russie. C'est pour le parti Droit et Justice, actuellement au pouvoir, une façon d’occuper le devant de la scène au sein de l’OTAN, et s'affranchir de la dépendance et de la solidarité envers l’Union européenne en matière de défense.
À l'image de l'Europe du Nord, la Suède muscle les moyens humains et financiers de sa Défense.
L'objectif affiché par la Suède, c'est de consacrer 2% de son PIB à la défense d’ici à 2028, soit une hausse de 85% de ses dépenses militaires par rapport au budget 2014-2020. Si cela peut sembler un revirement spectaculaire pour un pays qui, depuis la fin de la guerre froide, ne consacrait qu’à peine 1% de son PIB à la défense, c’est en réalité une énième hausse. Elle s’inscrit dans une dynamique, commencée il y a quelques années avec la réintroduction en 2017 d’un service militaire pour remettre sur pied une armée de réservistes.
L’annonce de cette augmentation, faite aux lendemains de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a fait largement consensus dans les partis politiques. Si on ignore encore précisément les montants décidés par le gouvernement de droite en Suède, le vote au Parlement ne devrait être qu'une formalité.
L'augmentation des budgets des armées est d'ailleurs un phénomène qui concerne les trois pays d'Europe du Nord, pour qui la proximité avec la Russie constitue un enjeu sécuritaire majeur. La Norvège a annoncé une hausse de 10% de son budget militaire d'ici à 2023, elle qui a une frontière terrestre et maritime avec la Russie et des infrastructures pétro-gazières à défendre. La Finlande, de son côté, bien que plus petit pays des trois, est le mieux préparé. Grâce au maintien du service militaire, Helsinki revendique la possibilité de lever une armée de 280 000 hommes, soit cinq fois plus que la Norvège, et compte augmenter de 40% le budget qu'elle alloue à la défense avant 2026.
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