Surprenante croissance en Chine : l'industrie repart et inquiète les marchés étrangers, notamment l'Allemagne

Avec une croissance annoncée mardi à 5,3% pour son premier trimestre, la Chine dépasse les prévisions. Que cache cette performance, et comment est-ce vu depuis l'Allemagne, pour qui la Chine est le premier partenaire commercial ? Réponses de nos correspondants.
Article rédigé par Florence de Changy, Nathalie Versieux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Chiffres des actions le premier jour de bourse de l'Année du Dragon, dans le quartier financier à Shanghai, le 19 février 2024. Photo d'illustration (WANG GANG / MAXPPP)

Le Bureau national des statistiques chinois a annoncé, mardi 16 avril, une croissance de 5,3% pour son premier trimestre, un chiffre supérieur aux estimations. Si ce résultat reste en ligne avec l’ambition officielle d’atteindre 5% pour l’année 2024, les répercussions possibles sont observées attentivement par le reste du monde, dont une partie, à commencer par l’Europe et les États-Unis, s’inquiète de devoir absorber à prix cassés la surcapacité chinoise.

L'Allemagne, très liée économiquement à la Chine, est partagée entre la crainte d'une concurrence déloyale et la dépendance au marché immense que représentent les Chinois pour l'industrie allemande.

Un boom de production suivant la période noire du Covid

Alors qu'une trentaine d’économistes consultés en mars 2024 par Nikkei Asia, s’attendaient plutôt à 4,5%, une croissance de 5,3% au premier trimestre est, à première vue, une bonne nouvelle pour la Chine. Mais il y a de quoi relativiser ce chiffre, en raison des difficultés qui ont plombé l'année 2023, notamment pour janvier et février. La Chine sortait à peine de la période noire pour l’économie en raison du Covid, et cela accentue donc les bons résultats d'aujourd'hui.

Cette performance est également à relativiser car elle vient avant tout de la production industrielle, boostée par les investissements publics, et non de la consommation intérieure, qui elle reste anémique, autour de 3%. Les Chinois restent prudents, pour ne pas dire pessimistes et n’ont vraiment pas repris le goût du shopping. Donc c’est bien de produire, mais encore faut-il vendre. Et le marché chinois, aussi immense soit-il, ne suffit plus à absorber l’énorme production chinoise.

La consommation intérieure ne suit pas et les exportations sont bradées

La conséquence est donc la suivante : les produits chinois cherchent à se vendre dans le reste du monde, quitte à casser les prix. Alicia Garcia Herrero, économiste en chef pour l’Asie-Pacifique de la banque Natixis, explique que "les exportations n’ont pas augmenté en valeur, mais seulement en volume", c’est-à-dire que les prix des exportations chinoises s’effondrent. "C’est un point très faible pour la Chine, observe-t-elle, mais d’un autre côté, c’est la compétitivité de la Chine qui augmente, grâce aux prix des exportations qui continuent de baisser."

Il est donc urgent pour la Chine de relancer sa consommation intérieure. Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures fiscales pour stimuler la demande intérieure. Les entreprises sont encouragées à moderniser leurs équipements industriels et, d’autre part, les ménages sont incités à consommer davantage, en achetant notamment de nouvelles voitures et de l’électroménager.

Problème pour l'Allemagne et son industrie en difficulté

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Allemagne avec un volume d’échanges de 253 milliards d’euros en 2023. Et si Olaf Scholz vient d'achever une visite d’État de trois jours en Chine, dont deux journées consacrées essentiellement à l’économie, le Chancelier semble avoir oublié la "stratégie de réduction du risque", censée réduire les risques de dépendance envers la Chine.

Alors que l’Union européenne dénonce des entraves chinoises à la libre concurrence, la délégation allemande a surtout fait preuve de retenue durant la visite. L'Allemagne ne soutient pas les tendances protectionnistes en Europe. En ce qui concerne les automobiles par exemple, la Commission européenne envisage d’instaurer des droits de douane sur les importations de batteries fabriquées en Chine, parce qu'elles se vendent en moyenne 20% moins chères, en raison de subventions publiques, selon la Commission. L'automobile allemande justement était bien représentée dans la délégation d’industriels accompagnant Olaf Scholz et elle ne veut pas de restrictions aux exportations chinoises, car les constructeurs automobiles allemands s'appuient aujourd'hui sur le marché chinois, qui est devenu beaucoup plus important pour eux que le marché européen.

Tout au long de son voyage, Olaf Scholz a donc semblé mettre en sourdine la stratégie "de réduction du risque", définie avec les Verts en juillet 2023. Cette stratégie appelle les entreprises allemandes à réduire leur dépendance envers le marché chinois. L'État s'engage pour sa part à soutenir la production de biens stratégiques peu rentables sur le continent européen, tels que certains médicaments. Et l'État bloque aussi à l'occasion les prises de contrôle d'entreprises clé par des investisseurs chinois.

On n'a pas entendu grand-chose de tout cela lors de la visite d'Olaf Scholz en Chine.

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