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Le vrai du faux. Les centrales nucléaires restituent-elles l'eau qu'elles utilisent, comme l'assure Maud Bregeon ?

La députée Renaissance des Hauts-de-Seine a défendu le projet du gouvernement pour accélérer le développement du nucléaire en France, en affirmant que les réacteurs rendent l'eau qu'ils utilisent pour se refroidir. L'opposition trouve tout de même qu'ils en consomment trop.

Article rédigé par franceinfo - Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La centrale nucléaire de Civaux. (Photo d'illustration). (FANNY BOUVARD / FRANCE BLEU POITOU)

Le débat sur l'utilisation des ressources en eau par les centrales nucléaires est relancé, alors que les députés examinent depuis lundi 13 mars le projet de loi du gouvernement pour accélérer le développement du nucléaire en France, comme le souhaite Emmanuel Macron.

>> Accélération du nucléaire : à quoi doit servir le projet de loi examiné à l'Assemblée nationale ?

La majorité, favorable au texte, et l'opposition, estimant que les réacteurs consomment trop d'eau et qu'il n'y en a pas assez, ont commencé à se contester l'une et l'autre à grand renfort de chiffres dès la présentation du texte en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale au début du mois, mercredi 1er mars, puis les échanges se sont prolongés sur Twitter. Mais qui a raison ? On essaie d'y voir plus clair.

Les centrales rendent 98% de l'eau prélevée

Répondant aux critiques, la rapporteure du projet de loi, Maud Bregeon, aussi députée Renaissance des Hauts-de-Seine et ancienne ingénieure d'EDF spécialisée dans le nucléaire, a affirmé que "les réacteurs, effectivement, ont besoin d'eau pour être refroidis, c'est de l'eau qui est prélevée et c'est de l'eau qui est ensuite rendue et, ça, c'est très important". L'ingénieure s'est appuyée sur des chiffres : "Les réacteurs en cycle ouvert restituent 100% de l'eau qu'ils prélèvent, les réacteurs en cycles fermés en restituent certes seulement 60 %, mais en consomment moins", a-t-elle expliqué.

Et en effet, ces chiffres sont exacts. RTE les mentionne dans son rapport de prospective sur les "Futurs énergétiques 2050", publié en octobre 2021. Sur les 56 réacteurs que compte actuellement le parc nucléaire français, 26 sont en "circuit ouvert", cela signifie que "l'eau froide est pompée dans le fleuve ou dans la mer, vient refroidir le circuit secondaire à travers le condenseur, puis est rejetée dans le fleuve avec une température augmentée". Pour les 30 autres réacteurs, en "circuit fermé", "l'eau prélevée et réchauffée dans le condenseur circule ensuite dans l'aéroréfrigérant, où elle est refroidie avant d'être rejetée dans le fleuve. Ce processus entraîne une consommation nette d'eau de l'ordre de 40% du prélèvement". Autrement dit, 60% de l'eau prélevée pour ces réacteurs est reversée là d'où elle vient et les autres 40% s'évaporent, littéralement, à travers cette sorte de fumée blanche qui s'envole au-dessus des tours de refroidissement.

Néanmoins, ces réacteurs en circuit fermé prélèvent beaucoup moins d'eau que les autres, au point que ces évaporations représentent un très faible pourcentage de toute l'eau utilisée par les centrales. La Société française d'énergie nucléaire - une association fondée dans les années 1970 pour soutenir la filière - affirme que seulement 2% de l'eau utilisée par les centrales part en fumée. Le Conseil d'Etat propose les mêmes échelles de consommation d'eau dans son rapport public de 2010 intitulé "L'eau et son droit" : "L'eau consommée représente entre 1% et 3% des prélèvements" par les centrales nucléaires, assure-t-il.

Mais elles consommeraient entre 20% et 30% des ressources en eau

Sauf que, du point de vue des ressources naturelles en eau, ces évaporations représentent beaucoup. La secrétaire nationale d'Europe-Ecologie Les-Verts, Marine Tondelier, affirme que "près d’un tiers de l'eau consommée en France est dédiée aux centrales nucléaires" et que le nucléaire est "le 2ème poste de consommation après l'agriculture". Et le chiffre qu'elle utilise est aussi vrai. Ou plutôt, il l'était. 

Ce chiffre est donné dans le dernier Bilan environnemental de la France publié en mars 2022 par le ministère de la Transition écologique. On peut y lire que, entre 2008 et 2018, "l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau avec 45 % du total, devant le refroidissement des centrales électriques (31 %), l’eau potable (21 %) et les usages industriels (4 %)". Néanmoins, contacté par TF1 lundi 13 mars, le ministère a contesté son propre chiffre estimant que "les données en question étaient désormais datées et sans doute surévaluées" et précisant que son service de statistiques était en train de faire un nouveau comptage.

D'autres sources donnent plutôt un chiffre autour de 20%. En 2010, le Conseil d'Etat, notamment, estimait que la consommation d'eau par le nucléaire représentait "22 % du volume consommé" au total en France dans une année. Chiffre repris par le Centre d'information sur l'eau puis par la Société française d'énergie nucléaire. Avec cette estimation, le nucléaire n'est plus le deuxième poste de consommation de l'eau, mais le troisième, après l'agriculture et l'eau potable.

Impact "limité" de la sécheresse selon RTE

"A ce rythme, il n'y aura bientôt plus assez d'eau dans nos fleuves pour refroidir les centrales", s'alarme l'écologiste Marine Tondelier, faisant référence à l'épuisement des ressources en eau, à la sécheresse et au changement climatique. Au contraire, l'impact du réchauffement climatique sur le fonctionnement des centrales "est minime", répond la rapporteure du projet de loi Maud Bregeon. Laquelle a raison ?

La puissance de certains réacteurs a déjà dû être abaissée en raison des fortes chaleurs. En juin, EDF a ralenti l'un des réacteurs de la centrale de Saint-Alban (Isère) car le débit du Rhône était trop faible. Le plus souvent, les réacteurs sont ralentis en raison de la température des fleuves : l'eau y est chaude, les rejets des centrales la réchaufferaient encore davantage et cela poserait problème à la biodiversité - ce que dénonce le réseau Sortir du nucléaire. Néanmoins, l'été dernier, des centrales ont obtenu des dérogations pour pouvoir continuer à fonctionner alors que la température des fleuves était trop élevée, au détriment de la réglementation et de la préservation de la faune et de la flore des cours d'eau.

Résultat, "à l'échelle annuelle, l'énergie perdue correspondant à ces indisponibilités est globalement limitée", nuance RTE dans son rapport, "moins de 1% sauf en 2003, marqué par une canicule importante".

S'il est difficile de savoir ce qu'il se passera dans le futur, l'entreprise chargée du transport de l'électricité a essayé d'évaluer les conséquences du réchauffement climatique sur les centrales à horizon 2050. RTE affirme que "ces tendances auront un effet direct sur la source froide des réacteurs nucléaires, et potentiellement sur leur disponibilité. (…) Pour les sites en bord de fleuve, à réglementation inchangée et sans adaptation des installations existantes, les risques d'indisponibilité des tranches devraient augmenter". Les difficultés liées au changement climatique touchent seulement 4 sites sur 18, selon RTE. "Le risque d'indisponibilité pour les réacteurs sensibles au climat pourrait augmenter d'un facteur deux à trois."

En conséquence, RTE recommande d'installer les nouvelles centrales en bord de mer, là où elles ne sont pas concernées par les problèmes de sécheresse et d'assèchement des cours d'eau.

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