Prague : le "nid d'espions" russes enfin nettoyé ?
Le 31 mai : c'était la date limite donnée par la République tchèque à 63 "diplomates" russes en poste à Prague pour faire leurs valises. Une expulsion massive, la plus importante jamais enregistrée pour ce petit pays de dix millions d'habitants.
Prague était jusqu'ici le véritable "hub", le centre des opérations des services russes en Europe. Rien que le nombre de "diplomates" russes en poste dans l'ambassade donne le tournis : plus d'une centaine, cinq fois plus que les diplomates en poste à l'ambassade d'Allemagne par exemple.
Nul ne doutait qu'une proportion importante de ces diplomates - les Tchèques parlent de 60% - n'étaient autres que des opérationnels des services russes : le SVR, les renseignement extérieurs ou le GRU, les services militaires. Le nombre de voitures avec plaques diplomatiques affiliées à l'ambassade russe de Prague - et circulant sans contrôle dans l'espace Schengen - se comptait lui aussi en centaines. C'est dire le nombre d'espions et autres agents qui résidaient ou transitaient par cette ambassade.
Et c'est évidemment une histoire d'espions qui a mis le feu aux poudres et entraîné ces expulsions : mi-avril, les services de sécurité tchèques révélaient, après enquête, que les responsables de l'énorme explosion d'un dépôt de munitions en 2014, qui avait coûté la vie à deux employés, était très vraisemblablement le fait d'une opération de sabotage du GRU ; qui plus est, les deux agents responsables de cette opération ne seraient autres que ceux là mêmes qui, quatre ans plus tard en 2018, tenteront d'empoisonner l'ex-agent double Sergei Skripal, à Salisbury en Angleterre. Les deux hommes, dont les véritables identités ont été depuis rendues publiques et qui sont désormais complètement grillés, seraient dorénavant employés directement par le Kremlin, selon l'un des enquêteurs les ayant identifiés.
Les activités clandestines de la Russie sérieusement entravées
Avec les deux tiers de son personnel en moins, on imagine que l'ambassade aura du mal à piloter les mêmes opérations qu'avant. Et il n'est pas évident de reconstruire ailleurs en Europe pareil réseau opérationnel sous couvert diplomatique. De ce point de vue toutefois, on serait peut-être bien avisé de scruter d'un peu plus près les activités des quelque 60 Russes bénéficiant du statut de diplomates et employés par la Banque d'Investissement russe, récemment implantée à Budapest en Hongrie ; un statut diplomatique a priori assez peu utile pour des banquiers mais très intéressant pour les espions puisque garantissant une impunité au cas où...
Les dizaines de "diplomates" de l'ambassade de Russie n'étaient d'ailleurs peut-être que la partie émergée de l'iceberg en République tchèque : on compte à Prague, autour de l'ambassade, plus d'une trentaine d'autres bâtiments officiellement détenus par la Russie ; le nombre de Russes dans le pays (45 000) a triplé en dix ans et un certains nombre d'entre eux ont maintenant la nationalité et un passeport tchèques. Il serait relativement simple de remonter un réseau d'espionnage russe à Prague même.
Des agents d'influence de Moscou au sommet de l'État tchèque
Il faut dire que jusqu'à la tête de l'État tchèque, les doutes subsistent. La russophilie du président tchèque Milos Zeman est bien connue. Ce qui l'est moins c'est le réseau extrêmement dense de relations qu'entretiennent les principaux conseillers de ce président avec les oligarques russe et notamment la multinationale russe Lukoil. Pas forcément des espions mais bien des "agents d'influence" de Moscou, placés au plus haut niveau d'un État européen, membre de l'Otan. Quasiment un rêve pour les "siloviki", les anciens espions de feu l'URSS et pour le premier d'entre eux : Vladimir Poutine.
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