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"Les spécialistes ont prescrit la pilule de 3e génération sans retenue"
Contacté par francetv info, Martin Winckler, médecin et écrivain, détaille ses propositions pour lutter contre l'utilisation des pilules de 3e génération, qui fait débat.
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Un retour aux pilules contraceptives de 2e génération : c'est le souhait de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine. Comme elle l'a rappelé mercredi 2 janvier, ce type de pilules présente deux fois moins de risques de thrombose veineuse (phlébites et embolies pulmonaires) que les pilules de 3e et 4e générations, un mot qui fait référence à l'évolution de leur composition. De son côté, pour limiter l'utilisation de ce contraceptif visé par une plainte, l'ANSM a entamé mercredi des consultations avec ses prescripteurs.
Francetv info a contacté le Dr Marc Zaffran, connu sous son pseudonyme Martin Winckler, qui vit aujourd'hui au Québec. Ecrivain et médecin de campagne de 1983 à 1993, puis en centre de planification jusqu’en 2008, il détaille ses propositions pour éviter l'utilisation de ces pilules, prises par 1,5 à 2 millions de femmes en France.
Francetv info : L'ANSM a annoncé mardi qu'elle envisageait de réserver à certains prescripteurs, notamment les spécialistes, la délivrance des pilules de 3e génération. Serait-ce un moyen efficace de limiter leur utilisation, selon vous ?
Martin Winckler : Non, non et non. La prescription des pilules n'est pas du ressort des spécialistes, mais de tous les médecins. Les spécialistes sont précisément ceux qui ont le mieux, et sans aucune retenue, diffusé les pilules de 3e et 4e générations, parce que les industriels les ont démarchés en premier. En France, on s'incline devant les spécialistes, comme s'ils étaient plus compétents, mais ce n'est souvent pas le cas : ils sont seulement plus titrés. La solution passe par l'information du public et de tous les professionnels de santé concernés.
Y a-t-il un dispositif qui puisse être mis en place pour identifier des facteurs de risque chez une patiente ? Actuellement, tous les gynécologues ne s'assurent pas des antécédents familiaux de maladies thrombo-emboliques, par exemple…
Le suivi passe d'abord par la prévention. Comme je le dis dans un article sur mon site internet, on pourrait éventuellement envisager d'imposer des restrictions ciblées pour ces pilules de 3e génération, sans avoir besoin de les retirer du marché. Par exemple, dans les cas où on veut la prescrire en premier choix à une femme, je pense qu'elle doit être majeure, faire un choix informé et effectuer un bilan de coagulation obligatoire et pris en charge.
En tant que médecin généraliste, pensez-vous que d'autres pistes puissent être envisagées et adaptées pour éviter l'utilisation de cette pilule ?
Oui. Il faut commencer par expliquer les raisons pour lesquelles les pilules de 3e génération ont été prescrites : pour traiter l'acné et résorber la prise de poids due au contraceptif. Or, ces arguments sont marketing. Ensuite, il faut sortir du "tout-pilule" et informer le plus grand nombre de femmes sur les autres méthodes contraceptives. Enfin, il faut que les spécialistes appliquent les recommandations scientifiques, et que les généralistes soient considérés comme les premiers intervenants, avec les sages-femmes, dans la demande de contraception des femmes.
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