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"C'est une non-assistance à personne en danger" : le dernier espoir de traitement d'une Française devenu inaccessible en raison du confinement

Condamnée par une tumeur au cerveau, Célia Curdy-Neves ne peut se rendre aux Etats-Unis pour y suivre un ultime traitement. La pandémie du Covid-19 a contraint les pays à fermer leurs frontières. Elle raconte sa colère à franceinfo.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Célia Curdy-Neves, confinée chez elle au Danemark, le 27 mars 2020.  (CELIA NEVES)

"Le Covid-19 m'empêche d'accéder au dernier traitement existant pour ralentir la progression de la tumeur au cerveau contre laquelle je me bats depuis 16 mois." Célia Curdy-Neves a 37 ans et ses jours sont comptés. Cette Française, installée au Danemark, a un cancer rare, le Diffuse Midline Glioma (DMG). S'il est incurable, un traitement expérimental existe aux Etats-Unis, où elle devait prochainement se rendre, et qui pourrait allonger son espérance de vie jusqu'à dix ans. Mais la pandémie du Covid-19 a contraint de nombreux pays, dont les Etats-Unis et le Danemark, à fermer leurs frontières.

Depuis, elle tente de trouver des solutions pour accéder à ce traitement. Son pronostic vital, situé entre 18 et 24 mois en novembre 2018, s'amenuise.

Impossible d'accéder à un dernier traitement 

"Quand j'ai entendu que les Etats-Unis fermaient leurs frontières, je me suis dit 'non c'est pas possible !' Ce n'est pas pour moi. Moi, je n'y vais pas pour faire du shopping !", s'exclame Célia Curdy-Neves. Cette avocate, native de l'Isère, vit au Danemark depuis 14 ans. Elle y a rencontré son mari, Sebastian Curdy, qui est aussi le père de sa petite fille Chloé, trois ans.

Depuis novembre 2018, elle lutte contre une tumeur qui envahit son cerveau. Après deux opérations et plusieurs traitements, la tumeur s'est mise à repousser en profondeur et n'est plus opérable. Il y a un mois, son oncologue évoque à nouveau avec elle la possibilité de suivre un traitement expérimental au NY Presbyterian Hospital, à New York. Célia Curdy-Neves avait tenté de s'y rendre en août 2019. Mais sa tumeur, active à l'époque, l'empêchait de suivre le protocole.

Là j'étais prête, ma valise aussi. Après six semaines sans aucun traitement, je pouvais tenter le tout pour le tout et commencer la cure le 6 avril aux Etats-Unis.

Célia Curdy-Neves

à franceinfo

L'hôpital américain ne veut plus l'accueillir

Mais le 11 mars, Donald Trump annonce l'interdiction d'entrée sur le territoire américain aux Européens, pour 30 jours. Trois jours plus tard, le Danemark ferme à son tour ses frontières. "Mon oncologue m'a tout de suite appelée pour me dire que ça allait être compliqué de me rendre à New York. Nous avons tenté de trouver une dérogation 'politique' pour pouvoir sortir du Danemark et entrer aux USA." Mais le 24 mars, le NY Presbyterian Hospital, où elle devait se rendre, leur a répondu qu'ils avaient "trop de pression de leur côté" pour les recevoir et qu'ils devaient gérer en priorité les malades du Covid-19.

Il y a plusieurs mois, après l'annulation de son premier voyage aux Etats-Unis, à l'été 2019, l'oncologue de Célia Curdy-Neves a demandé que le traitement soit envoyé en Europe. "Ce qui aurait été plus simple pour moi, mais le laboratoire a dit non", se désole la jeune avocate. Elle explique que le laboratoire pharmaceutique Oncoceutics, qui produit le traitement ONC21, avait prévu de se développer en Europe à la fin de l'année 2019. Contacté par franceinfo, le laboratoire américain n'avait pas répondu à nos demandes au moment de cette publication. 

Puis il a reporté son projet au premier trimestre 2020. "Mais en février, ils ont dit non, ils ont changé d'avis", déplore Célia Curdy-Neves. "Peu de malades souffrent de cette pathologie donc il y a peu d'argent à gagner", analyse-t-elle. La jeune femme et son médecin ont également tenté de récupérer le traitement par l'intermédiaire de praticiens sur place, mais là encore, "nous avons échoué".

Le gouvernement danois lui a bien proposé de mettre à sa disposition un employé du ministère de la Santé pour faire avancer son dossier, mais elle a refusé. "Même si j'arrivais à me rendre sur place, l'hôpital ne m'acceptera pas, ils ne me soigneront pas."

Une colère qui ne passe pas

"J'ai du mal à accepter ce refus de soin." Depuis plusieurs semaines, la colère anime la jeune mère : "Comment, déontologiquement, le laboratoire peut-il refuser l'accès à un traitement ? Pour moi, c'est une non-assistance à personne en danger !"

Comment je vais expliquer à ma fille de 3 ans qu'elle ne va bientôt plus avoir sa maman parce que des gens refusent de mettre des pilules dans une boîte en carton et de me les envoyer ? C'est aberrant alors qu'on peut commander tout et n'importe quoi et le recevoir chez soi en trois jours.

Célia Curdy-Neves

à franceinfo

Si l'hôpital de Copenhague est prêt à devenir un centre de traitement pour elle, Célia Curdy-Neves ne décolère pas. L'avocate envisage également la piste juridique avec des confrères new-yorkais mais, pour cela, il faut du temps et de l'énergie à consacrer. "Deux choses que je n'ai pas beaucoup", déplore-t-elle.

"Je crée des souvenirs pour ma fille"

Confinée à la maison, Célia Curdy-Neves savoure la moindre minute avec sa fille. "On se crée plein de souvenirs, c'est le côté positif du confinement tous ces moments ensemble qu'elle gardera pour plus tard."

Mais elle reconnaît que c'est une "pause bizarre" dans sa course contre-la-montre. "Pendant ce temps-là, je ne suis pas traitée. Je suis à la merci de ma tumeur qui grossit à son rythme et qui demain peut me paralyser et après-demain m'empêcher de respirer et me tuer."

Mon mari et moi savons que nous ne vieillirons pas ensemble. Alors je tente de mettre de côté le plus possible ce cancer pour vivre les petits bonheurs de la vie. J'ai déjà eu la chance de fêter mes 37 ans alors que les médecins me donnaient peu de temps.

Célia Curdy-Neves

à franceinfo

Quasiment tous les jours, Célia Curdy-Neves scrute le site de la Maison Blanche pour savoir quand les vols entre l'Europe et les Etats-Unis reprendront. "Une fois les frontières ouvertes, il faut que la crise sanitaire qui sévit là-bas soit sous contrôle pour que je puisse être acceptée à l'hôpital." Les Etats-Unis ont actuellement le plus grand nombre de cas de Covid-19 recensés dans le monde et New York est fortement frappée par la pandémie. 

Côté Danemark, les frontières sont censées rouvrir le 14 avril "mais tout le monde pense que cela va être prolongé", souligne Célia Curdy-Neves. Voulant rester positive, la jeune femme attend que la crise sanitaire du Covid-19 se calme, lui permettant ainsi de garder espoir.

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