Covid-19 : le gouvernement a-t-il levé les restrictions trop tôt ?
Le gouvernement a-t-il mis fin trop tôt aux mesures de freinage et notamment au port du masque à l'intérieur ? Les scientifiques critiquent cette décision alors que les chiffres de l'épidémie repartent à la hausse.
Les Français ont tombé le masque presque partout et remisé leur pass vaccinal, mais ils n'en ont pas fini pour autant avec l'épidémie de Covid-19. Alors que la cinquième vague avait amorcé une décrue, un retour à la hausse s'est amorcé depuis le début du mois de mars. Cette reprise épidémique en France relance les critiques sur la levée des mesures sanitaires par le gouvernement, jugée prématurée par de nombreux épidémiologistes et infectiologues.
Les nouveaux cas se multiplient
Depuis le début du mois de mars, le nombre moyen de nouveaux cas, calculé sur une semaine, est reparti à la hausse. La moyenne quotidienne s'est s'établie à 89 002 cas par jour, dimanche, contre 65 251 une semaine plus tôt. Ce rebond épidémique se constate aussi à l'école, après les vacances d'hiver : 3 184 classes étaient fermées vendredi, contre 2 693 classes une semaine plus tôt.
Conséquence de cette reprise de l'épidémie, le nombre d'admissions à l'hôpital ne diminue plus. Dimanche 20 mars, les hôpitaux français comptaient 1 068 nouveaux patients positifs au Covid-19 par jour en moyenne sur une semaine. Ce regain de l'épidémie est aussi observé depuis plusieurs semaines dans d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni.
Ce rebond s'explique entre autres par la prédominance du sous-variant d'Omicron BA.2. Celui-ci est environ 30% plus contagieux que son prédécesseur, le BA.1, comme le rappelait l'infectiologue Yazdan Yazdanpanah. Or, ce sous-variant représente désormais 57% des contaminations, selon le dernier point épidémiologique publié par Santé publique France le 17 mars.
Une autre explication est à chercher du côté des vaccins. L'effet protecteur du rappel s'érode après trois mois chez les seniors, comme l'a rappelé la Drees, le service statistique des ministères sociaux. Or plus de 10% des plus de 80 ans ne sont pas vaccinés, selon Santé publique France. Certaines régions sont également moins vaccinées que la moyenne, comme la Corse (où 67% de la population a un schéma vaccinal complet) ou la Guyane (30%).
Le gouvernement invite désormais les plus de 80 ans à effectuer une deuxième dose de rappel. A ce jour, 75% des personnes âgées de 80 ans et plus ont reçu un premier rappel vaccinal. La Haute Autorité de santé (HAS) est allée plus loin que le gouvernement, vendredi, estimant que la quatrième dose de vaccin devait être proposée aux personnes de plus de 65 ans les "plus à risque".
Les gestes barrières sont moins respectés
De nombreux experts pointent également le relâchement des gestes barrières. Lassés par deux ans de pandémie, certains Français n'ont pas attendu la fin du masque et la suspension du pass vaccinal le 14 mars pour baisser la garde face au virus. "Les Français font moins attention car le message que fait passer le gouvernement, avec la levée des restrictions, c'est que tout va très bien, alors que ce n'est pas vraiment le cas", a regretté l'épidémiologiste Catherine Hill dans L'Express.
"On a relâché trop tôt les mesures barrières, le port du masque et le pass vaccinal, estime aussi l'épidémiologiste Yves Buisson dans les colonnes de l'hebdomadaire. On aurait dû attendre le mois de mai car dans l'esprit des gens, cela signifie que l'épidémie est finie, alors que c'est loin d'être le cas."
La France n'est pas un cas isolé. "Les pays européens sont en train de constater les premiers effets de la désinvolture de leurs politiques vis-à-vis de la gestion de la pandémie", a dénoncé l'épidémiologiste Antoine Flahault sur Twitter. Face à la hausse des contaminations, l'Autriche a elle décidé de réimposer le port du masque en intérieur.
"Il faut être rapide avec ce virus. Il ne faut pas attendre qu'il ait pris de l'avance. On a gagné du terrain. De vague en vague, on gagne du terrain. Notre objectif aujourd'hui, ce n'est pas d’en perdre."
Anne-Claude Crémieux, infectiologuesur franceinfo
Le gouvernement défend sa décision
En levant la plupart des restrictions, le gouvernement a "pris la bonne décision", a assuré Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur franceinfo. "On savait qu'il y aurait un risque de rebond", a-t-il relativisé, refusant de voir "une corrélation" entre la levée des restrictions et l'augmentation du nombre de nouveaux cas. Le ministre de la Santé a cité l'exemple de l'Allemagne et de l'Italie, qui "connaissent un rebond épidémique alors qu'ils ont maintenu le pass sanitaire et parfois le pass vaccinal" et "qu'ils ont maintenu le port du masque dans les lieux fermés".
Olivier Véran a aussi expliqué que sa gestion de l'épidémie s'appuyait sur "les modèles de l'Institut Pasteur". Ces modélisations disent que "ça va monter jusqu’à la fin mars, on risque d’atteindre 120 000-150 000 contaminations par jour, et ensuite on s’attend à une décroissance", a-t-il défendu. Ces modélisations se basent cependant sur des projections potentiellement "trop optimistes", comme le précisait l'étude mise en ligne par l'Institut Pasteur.
Il n'y a "pas lieu" de remettre en place des mesures de freinage de l'épidémie, a-t-il encore dans Le Parisien. Le ministre a de nouveau dit s'attendre à "voir monter les contaminations jusqu'à fin mars, avant une décrue en avril". Olivier Véran en a profité pour récuser l'idée que la levée des restrictions ait été un geste en période de campagne présidentielle.
"Si nous avions conservé les mesures, certains auraient dénoncé une manœuvre électoraliste pour maintenir un niveau de peur soi-disant utile au président. Quand on les lève, les mêmes nous disent que c'est électoraliste."
Olivier Véran, ministre de la Santédans "Le Parisien"
Le futur calendrier de l'exécutif est clair : "Si on devait constater que parmi les 65-80 ans, le taux d'incidence devait monter, que le rebond ne durerait pas deux semaines mais trois ou quatre semaines, on se reposera la question." Olivier Véran a d'ailleurs précisé que le gouvernement et les autorités sanitaires "encouragent les personnes fragiles à continuer à porter le masque".
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