Mobilisation des internes : "Des revendications légitimes, l'avenir de l'hôpital public est menacé", estime l'urgentiste Louis Soulas
Les internes en médecine sont épuisés, d'autant plus en cette période Covid. Ils ont manifesté à Paris ce samedi 19 juin et se sont mis en grève pour réclamer des moyens supplémentaires pour l'hôpital public.
La mobilisation des internes, qui ont manifesté à Paris ce samedi 19 juin et ont fait une grève de 45 heures, porte des "revendications légitimes", a affirmé sur franceinfo Louis Soulas, chef de service Samu-Smur-Urgence au CHU de Rennes et vice-président de Samu Urgences de France (SUdF). Les internes dénoncent leur épuisement professionnel et réclament des moyens, ainsi que la limitation de leur temps de travail. Louis Soulas estime qu'il faut "casser ce cercle infernal" et plaide pour "revalorisation globale" de l'ensemble des soignants. Sans quoi, "c'est l'avenir de l'hôpital public qui est menacé", alerte l'ugentiste.
franceinfo : La fatigue des internes, est-ce que vous la voyez dans votre service ?
Louis Soulas : Tout à fait. Ce qu'expriment les internes, c'est une fatigue générale de l'ensemble des professions médicales et soignantes qui travaillent dans les hôpitaux. Et pour les internes, c'est particulièrement inquiétant, parce que le problème du temps de travail qui est mis en avant aujourd'hui, il existait avant le Covid. Cela s'est accentué avec le Covid, parce qu'on a extrêmement sollicité l'ensemble des professions, dont les internes. Aujourd'hui, leurs revendications sont bien légitimes.
Comment se traduit la surcharge de travail des internes ?
Je m'occupe d'un service d'urgence. Au Samu et aux urgences, on est habitué à travailler continuellement. Le problème du temps de travail est certainement différent d'autres services qui sont encore en demi-journées. Et je pense qu'il n'y a pas la même charge de travail dans tous les services d'un hôpital. Au niveau du service des urgences, on est très vigilant quant au temps de travail et au temps de récupération après des périodes de garde, ce qui n'est pas le cas partout actuellement. Pour les internes, on applique les mêmes règles, c'est à dire pas plus de 48 heures de temps de travail dans les services. Mais on a quand même dépassé les limites avec le Covid. On sait aussi que dans les services, comme les services de chirurgie, ils sont beaucoup plus sollicités que nous encore. Je crois que, malheureusement, on a pris l'habitude dans les hôpitaux de s'appuyer sur cette ressource pour colmater un petit peu le manque de moyens médicaux, que l'on connaît de façon chronique.
Est-ce que le risque est que cela se répercute sur les patients, avec des erreurs médicales ?
Bien sûr. On oublie trop souvent que les internes sont en formation, qu'ils ne devraient pas être en première ligne sur la prise de décision. Ce qui n'est pas le cas. En même temps, c'est nécessaire qu'ils soient directement responsables de la prise en charge des patients, sous contrôle d'un senior. Mais c'est vrai qu'on connaît le risque d'un temps de travail trop important. C'est le risque d'erreur et surtout, c'est la qualité de vie au travail. Il est quand même dommage qu'un interne en formation quitte l'hôpital après un burnout ou parce qu'il considère que c'est trop dur. Aujourd'hui, il faudrait absolument casser ce cycle infernal.
Dans le cadre du Ségur de la santé, les internes ont obtenu une revalorisation de salaire et un suivi avec des visites médicales. Comment faire maintenant pour aller plus loin ?
Je crois que c'est une revalorisation globale du travail des médecins, des internes, des soignants, qui est nécessaire. Le Ségur a été un espoir pour nous tous. On a vu qu'après le Covid, on n'a pas complètement atteint les objectifs que nous espérions. Et je pense qu'on a un problème de manque de revalorisation du travail des soignants. Ce qui est très inquiétant, c'est qu'actuellement on se rend compte qu'il y a beaucoup de médecins qui vont quitter l'hôpital pour aller vers d'autres modes d'exercice. Et c'est l'avenir de l'hôpital public qui est toujours menacé aujourd'hui. Ce qu'expriment les internes dans l'hôpital public, c'est un risque très important de perdre des praticiens. Aujourd'hui, l'attractivité hospitalière pour les jeunes médecins n'existe pas.
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