: Témoignages Cafetiers ou restaurateurs, ils n'appliqueront pas le pass sanitaire : "Je ne veux pas dire plus tard à mes enfants que j'ai cautionné cette ségrégation"
Confirmé par le Conseil constitutionnel jeudi, le pass sanitaire est étendu dès le lundi 9 août, notamment dans les restaurants et les cafés. Mais certains professionnels s'y opposent, coûte que coûte.
A partir du 9 août, elle devrait en théorie contrôler ses clients. Mais, à l'instar de nombreux cafetiers et restaurateurs, Margot, propriétaire d'un bistrot à Ploéven (Finistère), se refuse à instaurer le pass sanitaire dans son établissement. "Pour le moment, on a décidé de dire qu'on est contre, et on cherche les moyens légaux pour ne pas l'appliquer", explique-t-elle à franceinfo. Et la décision du Conseil constitutionnel, rendue jeudi, n'a rien changé : "On ne sait pas ce qu'on va faire. Soit ouvrir mine de rien, soit fermer, peut-être uniquement de la vente à emporter pour la partie restaurant..."
"Après la décision du Conseil constitutionnel, la seule certitude que l'on a, c'est qu'on ne veut toujours pas céder au pass sanitaire."
Margot, propriétaire d'un bistrot dans le Finistèreà franceinfo
Au bistrot La Mère Margot, les clients sont principalement des locaux. "Je me vois mal refuser l'entrée à mes habitués. Je n'ai aucune envie de devenir le contrôleur de notre clientèle habituelle", affirme la gérante. D'autant que son établissement possède de nombreux espaces extérieurs : "On n'est pas les uns sur les autres, donc je ne comprends vraiment pas pourquoi on nous impose ça." Le petit commerce rural a ouvert il y a un an, en pleine épidémie. "On a déjà un poids énorme sur nos épaules avec toutes les autres mesures mises en place, qui sont respectées par notre clientèle", explique Margot, pour qui le pass sanitaire constitue un "coup de grâce".
La gérante voit au-delà de l'aspect commercial : "Je ne veux pas dire plus tard à mes enfants que j'ai cautionné cette ségrégation." La Mère Margot s'est ainsi joint à une quarantaine d'établissements bretons, remontés contre l'application du pass sanitaire.
"Je n'ai pas le temps de contrôler"
Et son exemple n'est pas un cas isolé. A Belvédère (Alpes-Maritimes), Florence tient le café des Tilleuls depuis de nombreuses années. Pour elle, "ce pass sanitaire est une aberration". L'établissement est modeste, au point que "Flo" comme l'appellent ses habitués, est seule en cuisine. En salle, une seule serveuse est aux commandes. "Même si j'étais d'accord, je n'ai pas le temps de contrôler le pass sanitaire, et ma serveuse non plus."
Florence a l'impression d'avoir déjà fait le nécessaire : en plus des mesures anti-Covid, elle a décidé de fermer sa salle et d'accueillir sa clientèle uniquement sur la terrasse. Pour elle, "il y a autant de danger avec des vaccinés qu'avec des non-vaccinés, parce que les premiers peuvent toujours transmettre le virus". Florence sait que ce refus d'application peut lui coûter son café : "C'est à mes risques et périls, j'en ai bien conscience. Je prends le risque d'être contrôlée et fermée, mais je pense sincèrement qu'on s'est assez sacrifiés."
"J'espère vraiment qu'on va être nombreux à refuser ce pass sanitaire."
Florence, gérante d'un café dans les Alpes-Maritimesà franceinfo
Un risque qu'Olivier est aussi prêt à prendre. "Si on ferme mon commerce, je m'en fiche, explique le propriétaire de La Scierie, un café de Montperreux (Doubs). Ça fait deux ans que je l'ai lancé. Si je dois fermer, j'aurai la satisfaction d'avoir défendu mes idées jusqu'au bout." A 54 ans, il a eu le Covid-19 deux fois et assure qu'il s'agissait d'"une grosse grippe". Pourquoi refuse-t-il d'appliquer le pass sanitaire ? "Je ne suis pas flic, je ne suis pas médecin : de quel droit j'autoriserais telle ou telle personne à rentrer dans mon établissement ? Ce n'est pas à moi de juger."
Comme Florence, il ne comprend pas que l'on distingue les clients en fonction de leur statut vaccinal. "Vacciné ou pas, ça n'empêche pas de transmettre le coronavirus [la transmission est toutefois fortement diminuée], assure le cafetier. C'est n'importe quoi !" Il estime avoir assez donné depuis mars 2020 : "C'est déjà compliqué depuis le début de la crise pour nous, là c'est la goutte d'eau !"
Opération "rideaux baissés"
En signe de protestation, des centaines de restaurateurs ont répondu à l'appel des Pendus, un collectif "réuni derrière une seule et même cause : le ras-le-bol général des commerçants, restaurateurs, artisans et indépendants". Ses responsables, dont Christophe, qui tient un restaurant depuis sept ans près de Vienne (Isère), invitent à baisser le rideau pour contester l'extension du pass sanitaire. "Nous recommandons la stratégie 'ni flic ni voyou' en fermant les établissements, c'est une sorte de droit de retrait", en tout cas une manière de ne pas être dans l'illégalité, tout en exprimant son opposition. "Nous ne souhaitons pas appeler à la désobéissance, car nous savons que les contrôles seront nombreux", détaille le restaurateur à franceinfo.
‼️⚠️ APPEL A LA RESISTANCE ⚠️‼️
— Le Collectif Les Pendus - Commerces, Restaurants.. (@CHIRATChristop1) July 28, 2021
Dès jeudi 5⃣ août, NOUS REFUSONS le #PassSanitaire ‼️
➡️ON LAISSE LES RIDEAUX BAISSES
Ni flics Ni voyous, on veut travailler dignement SANS être obligés de faire le tri !! #unisdebout #JEDISNON #ALLONSENFANTS #NonAuPassDeLaHonte
‼️ RT ‼️⤵️ pic.twitter.com/E1J1gb75WK
D'un point de vue commercial, "on sait que la mise en œuvre du pass sanitaire a fait chuter la fréquentation des cinémas et parcs de loisirs de 70%", déplore Christophe. Il a bien conscience que son établissement sera fermé pour une durée indéfinie, mais pour lui, "il coûterait plus cher d'ouvrir que de rester fermé". En proposant cette solution, Christophe et son collectif préservent ceux qui suivraient l'appel de sanctions volontairement dissuasives. En effet, les professionnels ne contrôlant pas le pass s'exposent à une mise en demeure et une éventuelle fermeture temporaire de leur établissement, voire, si un manquement est constaté à plus de trois reprises dans un délai de 45 jours, à un an de prison et 9 000 euros d'amende.
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