Médicaments : face aux pénuries, la France à la reconquête de son indépendance pharmaceutique
En 10 ans, la France est passée de la première à la cinquième place des producteurs de médicaments en Europe, selon le Leem, le syndicat des entreprises du médicament en France. L'industrie pharmaceutique – qui compte plus de 100 000 salariés sur 271 sites – a beaucoup délocalisé sa production dans les années 2000. Cela concernait avant tout la fabrication de médicaments anciens, dont les formules sont tombées dans le domaine public. Tous les laboratoires ont pu les produire et ces produits pharmaceutiques sont devenus peu rentables.
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Dans un rapport publié le 23 juin 2021, les parlementaires de la mission d'information sur les médicaments concluent que "la France est en situation de forte dépendance vis-à-vis de pays étrangers". 70% des principes actifs utilisés pour les médicaments sont produits à l'étranger, principalement en Chine. La France ne produit seulement 6% de ses principes actifs pour les médicaments vitaux, appelés "médicaments d'intérêt thérapeutique majeur" par le Haut-commissariat au Plan. Il peut s'agir d'un traitement pour un problème de thyroïde ou d'anticoagulants. Ce taux baisse à 5% pour les biomédicaments, comme les thérapies génique ou cellulaires.
Le constat est le même à l'échelle européenne
80% des sites de production de ces principes actifs sont situés hors d'Europe, essentiellement en Chine et en Inde. Pourtant, dans les années 90, l'Europe produisait à l'inverse 80% des principes actifs qu'elle utilisait. Les pays européens sont en revanche moins dépendants sur les étapes finales de la production du médicament, pour la fabrication d'enrobage de comprimé ou le conditionnement.
La pandémie de Covid-19 a révélé cette dépendance. "Plus de 3 000 médicaments sont en situation de pénurie", alertait sur franceinfo le 12 mai dernier, Sonia de La Provôté, présidente de la commission sénatoriale d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique.
Relocaliser la production de médicaments, un pari ambitieux ?
Face à ce constat, la France veut relocaliser sa production pharmaceutique, notamment via le plan France Relance. L'Etat soutient 19 entreprises dont Diverchim CDMO et son projet "médicaments d'urgence". Basé à Roissy-en France dans le Val-d'Oise, le laboratoire "fabricant de principes actifs en petites quantités pour l’industrie pharmaceutique a décidé de relever le défi [...] et de reprendre leurs fabrications en France" de curare, un anesthésiant qui a été en pénurie ces dernières années. Autre exemple, une usine de fabrication de paracétamol, anti-douleur le plus vendu au monde, doit rouvrir en 2024 ou 2025 à Roussillon en Isère. Elle avait fermé en 2008. Sa réouverture était initialement prévue en 2023.
Emmanuel Macron se rend mardi 13 juin à Champagne-en-Ardèche. Lors de ce déplacement consacré à la "souveraineté industrielle", le chef de l'État visitera le laboratoire pharmaceutique Aguettant, spécialisé notamment dans les produits d'anesthésie-réanimation. Des médicaments qui avaient manqué pendant la crise du Covid-19. L'entreprise va augmenter ses capacités de production.
Une liste de médicaments prioritaires, susceptibles pour certains d'être relocalisés en France, devait être initialement publiée fin mai. Néanmoins, le Leem veut s'assurer que ses relocalisations seront rentables. Le syndicat des industries pharmaceutiques a réclamé au mois de mai la revalorisation du prix de certains médicaments en France, à cause de la hausse des coûts industriels.
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