Marche contre l'antisémitisme : avec la présence du RN et de Reconquête, un piège se referme-t-il sur la majorité ?
Le symbole est fort alors que plus d’un millier d’actes antisémites sont recensés depuis un mois et le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël, soit deux fois plus qu’au court de toute l’année dernière. Dans un tribune commune publiée le mardi 7 novembre sur le site du Figaro, Gérard Larcher, président LR du Sénat et Yaël Braun-Pivet, présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, appellent à une marche civique contre l'antisémitisme, dimanche 12 novembre, à partir de 15 heures entre le palais Bourbon, siège de l'Assemblée, et le palais du Luxembourg, siège du Sénat.
Sur le papier, c'est une "belle initiative" pour "rassembler la nation contre les porteurs de haine". Tout commence lundi 6 novembre : Yaël Braun-Pivet invite Gérard Larcher à déjeuner, et ils topent, ravis, raconte un témoin. La tribune commune entre les troisième et quatrième personnages de l'Etat, c'est une première.
Le risque de participer au "blanchiment du passé antisémite" du RN
Emmanuel Macron et Élisabeth Borne sont prévenus. Le sujet est abordé mardi matin lors du petit-déjeuner de la majorité. Tout le monde trouve l’idée très bonne, raconte l’entourage de la présidente de l’Assemblée, jusqu’aux syndicats et aux représentants des cultes. Eric Ciotti, le patron des Républicains, s’enthousiasme. Renaissance, le parti présidentiel, relaie l’appel.
Sauf que, subitement, la majorité est prise d’un doute. À peine la tribune publiée, Marine Le Pen et Jordan Bardella réagissent : ils iront. Tout comme Eric Zemmour et Marion Maréchal pour Reconquête. De fait, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher appellent bien dans leur texte à défiler "par-delà les différences et les divergences". Stephane Sejourné, le patron de Renaissance, comprend le piège : participer à ce que certains appellent le "blanchiment de passé antisémite" opéré par le Rassemblement national depuis un mois. Il appelle les organisateurs de la manifestation à ne pas se faire "les complices de la banalisation d’un parti fondé par des antisémites".
Larcher et Braun-Pivet devant en écharpe, les autres derrière en citoyens
Les organisateurs répondent qu’il n’est pas question de se faire voler cette manifestation : Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher marcheront devant en écharpe. Pour le reste, le défilé sera citoyen. Il n’y aura aucune prise de parole. Matignon ne confirme ni n’infirme la présence d’Élisabeth Borne. Celle d’Emmanuel Macron semble encore plus incertaine. D’ailleurs, le président, qui dînait avec les chefs de sa majorité mardi soir, a averti la présidente de l’Assemblée, raconte un participant. La présence de Marine Le Pen va être difficile à gérer. "Toutes les caméras seront sur elles", soupire une figure macroniste.
À gauche, Jean-Luc Mélenchon a déjà condamné l’initiative. Selon l'insoumis, "les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous". Manuel Bompard, toujours pour LFI, a d'ailleurs déclaré, sur franceinfo, qu'il "trouverait incongru de participer à une manifestation de cette nature en présence du RN".
Le Parti socialiste en revanche a décidé tard mardi soir tard de participer, parce qu'Olivier Faure, le premier secrétaire, avait lui même fait cette proposition, jugeant "que l'antisémitisme, d'où qu'il vienne, est le problème de la République toute entière". "Je ne défilerai pas aux côtés" du Rassemblement national, réagit de son côté le leader du PCF, Fabien Roussel. "Nous trouverons peut-être un autre endroit" avec les autres forces de gauche, poursuit-il. Conçue pour réunir la nation, la marche risque d’en montrer au contraire toutes les fractures.
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