Projet de loi immigration : ce que la composition de la commission mixte paritaire révèle des positions de chaque camp

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, à Paris, le 16 novembre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
La présence de plusieurs représentants d'une droite dite "dure" pourrait faire pencher la balance en faveur de la version adoptée au Sénat, en novembre.

Ils doivent décider de l'avenir du projet de loi sur l'immigration, rejeté à l'Assemblée nationale, lundi. Après le choix d'Emmanuel Macron d'envoyer le texte en commission mixte paritaire (CMP), sept députés et sept sénateurs, accompagnés de suppléants, vont se réunir à partir du lundi 18 décembre, pour tenter d'aboutir à un compromis sur l'épineuse réforme présentée par le gouvernement.  

La composition de la CMP reflète les équilibres politiques en place à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ainsi, figureront autour de la table des négociations quatre députés du camp présidentiel, une des Républicains, un député du Rassemblement national et une de La France insoumise. Du côté du Sénat, trois LR, deux socialistes, un centriste et un macroniste seront présents.

La droite entend défendre le texte du Sénat

Le principal enseignement de cette liste de 14 parlementaires, dévoilée mercredi 13 décembre, est que les tenants d'une ligne ferme ne manquent pas. Les Républicains ont choisi la députée Annie Genevard et les sénateurs Bruno Retailleau, Muriel Jourda et François-Noël Buffet. Tous les quatre défendent la version votée au Sénat, bien plus dure que la copie ensuite adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, début décembre. Elle comprend notamment la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) et le rétablissement d'un délit de séjour irrégulier.

En vue de la CMP, ces quatre parlementaires affichent leurs ambitions. "Nous ne renoncerons pas à l'architecture du projet de loi" adopté au palais du Luxembourg, a martelé sur Public Sénat, jeudi, Muriel Jourda. La rapporteuse du projet de loi estime que l'article 4 bis sur les métiers en tension est "intangible". Introduit par le Sénat, il est bien plus restrictif en matière de régularisation de travailleurs que l'article 3 du texte initial. Muriel Jourda avait défendu cet amendement avec Philippe Bonnecarrère. Or le sénateur de l'Union centriste, au sein de la majorité sénatoriale, est également présent dans cette CMP. 

A leurs côtés, ces parlementaires vont trouver Yoann Gillet, député du Rassemblement national. Ce dernier souhaite aller plus loin encore, notamment en abandonnant l'article 4 bis des sénateurs sur les métiers en tension. Pourrait-il cependant soutenir certaines mesures en CMP ? "Si le texte va dans le bon sens et durcit les règles, pourquoi pas, a-t-il répondu, mardi, sur franceinfo. Pour nous, il y a plusieurs lignes rouges : on ne veut pas des nouvelles filières d'immigration, comme la régularisation des personnes qui ne respectent pas la loi de la République, en l'occurrence les travailleurs clandestins."

Le parlementaire du RN avait regretté l'absence dans le texte voté à la commission des lois de l'Assemblée nationale le droit de séjour irrégulier et la transformation de l'aide médicale d'Etat en aide médicale d'urgence. Or ces deux éléments sont présents dans le texte du Sénat, qui va servir de base aux travaux de la CMP. 

L'aile gauche du camp présidentiel représentée

Dans le camp présidentiel, les cinq parlementaires (quatre à l'Assemblée et un au Sénat) ne sont pas exactement sur la même ligne. D'un côté, il y a ceux qui défendent l'équilibre initial du texte, entre fermeté et régularisation par le travail. C'est le cas des députés Sacha Houlié (Renaissance) et Elodie Jacquier-Laforge (MoDem), par exemple. Les deux parlementaires ont défendu la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. "Se dire que c'est leur texte ou rien, ce serait dangereux pour la commission mixte paritaire", a prévenu Sacha Houlié, jeudi, sur France 2, à l'adresse des Républicains.

De l'autre côté, Olivier Bitz représente le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la déclinaison sénatoriale de Renaissance. Une grande partie de ce groupe (18 voix pour, deux abstentions et deux contre) a voté en faveur du texte durci. Autre membre de la CMP, la députée Marie Guévenoux, ancienne proche d'Alain Juppé, a, elle, défendu à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux l'idée d'un "projet de fermeté, d'efficacité et de justice". "Toutes les sensibilités [de la majorité] sont représentées dans la CMP avec Sacha Houlié, de l'aile gauche et Marie Guévenoux, de l'aile droite", résume un député Renaissance. Sans oublier Florent Boudié, en position de rapporteur général, "plus malléable que Sacha Houlié" et prêt au compromis, selon un autre parlementaire du parti présidentiel.

"Pour l'Assemblée nationale, c'est équilibré, ça représente toute la macronie."

Un député Renaissance

à franceinfo

A gauche, les sénatrices socialistes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin, et la députée La France insoumise Andrée Taurinya, sont opposées au texte, mais à des degrés divers. Ainsi, si Marie-Pierre de La Gontrie avait signé la tribune de Libération, soutenant le volet régularisations du texte initial, Andrée Taurinya a pointé sur France Bleu le fait qu'"on [allait] distribuer des titres de séjour d'une seule année avec des listes différentes d'un département à l'autre. Mais un étranger venu à Saint-Étienne parce qu'il y a besoin de personnel en restauration pourrait devoir partir au bout d'un an si son métier n'est plus considéré en tension". Quoi qu'il en soit, en raison de l'arithmétique propre à la CMP, leurs trois voix, mêmes accordées, pourront difficilement peser sur les débats.

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