Le cas Meilhon repose la question de la rétention de sûreté
Cette mesure, créée sous le quinquennat de Sarkozy, permet le maintien en détention de condamnés jugés dangereux à l'issue de leur peine. Une disposition très critiquée.
L'horreur du crime de Tony Meilhon, qui a tué puis démembré en 2011 la jeune Laëtitia Perrais, a poussé la cour d'assises de Loire-Atlantique à prononcer un jugement particulièrement fort. Le meurtrier a été condamné, mercredi 5 juin, à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une période de 22 ans de sûreté, et assortie d'une possible rétention de sûreté. Cette mesure permet son maintien en détention, y compris à l'issue de sa période de sûreté, en cas d'expertise psychiatrique défavorable.
Cette disposition, qui n'existe que depuis 2008, est loin de faire l'unanimité. L'avocate de Jessica Perrais, sœur de la victime de Tony Meilhon, a elle-même exprimé sa réticence sur ce point à l'issue du jugement. Interrogée par Catherine Fournier, l'envoyée spéciale de francetv info, Me Cécile De Oliveira a souligné que "la décision d'enfermement devrait toujours être prise par une juridiction pénale", qualifiant la rétention de sûreté de "mesure anticonstitutionnelle contraire aux libertés".
De quoi s'agit-il et pourquoi cette disposition est-elle critiquée ?
La rétention de sûreté, qu'est-ce que c'est ?
La rétention de sûreté est une mesure adoptée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle permet de maintenir un condamné en détention à l'issue de sa peine s'il est toujours jugé dangereux. Cette disposition doit être prévue dès le jugement, comme c'est le cas pour Tony Meilhon.
Précisément, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, détaillée sur Légifrance, prévoit qu'"à titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, (...) à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent une particulière dangerosité (...) parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté".
Ce maintien en détention est décidé par une commission pluridisciplinaire après expertise médicale. Le cas échéant, le condamné est placé à l'issue de sa peine dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, prévu à cet effet, "dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure". La mesure de rétention est prononcée pour un an et peut être renouvelée.
Pourquoi fait-elle débat ?
Cette possibilité de maintien en détention, théoriquement illimité, sans décision de justice, et alors même que le condamné a purgé sa peine, a été dénoncée par de nombreuses voix comme violant les droits fondamentaux des individus. La Ligue des droits de l'homme y avait notamment vu "une rupture avec les principes fondamentaux de la justice républicaine".
En pratique, les placements effectifs en rétention de sûreté ont été très rares : seulement deux depuis l'entrée en vigueur de la loi, selon un décompte du ministère de la Justice datant de décembre 2012.
Qu'en pense le gouvernement ?
Le jugement rendu dans le cas Meilhon pourrait bien être le dernier de ce type : Christiane Taubira a en effet confirmé en mars 2013, dans un entretien à Libération, son intention d'abroger cette mesure. Une suppression déjà annoncée dans le programme socialiste pour la présidentielle de 2012.
Elle était aussi recommandée par le rapport sur la récidive. Remis à la garde des Sceaux le 20 février, le document devrait inspirer le gouvernement pour sa prochaine réforme pénale, prévue pour le dernier trimestre 2013 et qui devrait mettre l'accent sur la prévention.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.