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Prothèses PIP : comment la fraude s'est organisée

Alors que le procureur a requis quatre ans de prison ferme contre Jean-Claude Mas, les auditions des prévenus et témoins du procès, ont dessiné, en creux, l'élaboration de la fraude.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le fondateur de la société de fabrication de prothèses mammaires PIP, Jean-Claude Mas, dans son usine à La Seyne-sur-Mer (Var). Photo non datée. (MAXPPP)

Le "gel maison" de la société Poly Implant Prothèse (PIP) a été utilisé dans la fabrication d'implants mammaires, pendant près de dix ans. Défectueuses, ces prothèses sont aujourd'hui au cœur d'un scandale mondial. Comment la fraude a-t-elle pu durer si longtemps ? 

Francetv info revient sur cette organisation, alors que le procureur a requis quatre ans de prison ferme, une amende de 100 000 euros et une interdiction définitive d'exercer dans le secteur médical ou sanitaire, ainsi que de gérer une entreprise, à l'encontre de Jean-Claude Mas, le fondateur de PIP, mardi 14 mai, quatre semaines après le début du procès à Marseille (Bouches-du-Rhône). Des peines de 6 mois à 2 ans de prison ferme ont été requises contre trois cadres de PIP.

Le silence des salariés

Tous connaissaient l'existence du gel PIP, non conforme. Tous avaient entendu parler des fissures ou des fuites prématurées des prothèses. Personne n'a dénoncé. Ce "système a toujours existé, on était dans une routine, chacun faisait ce qu'il avait à faire, ce n'est pas normal, mais c'est ainsi que les choses se faisaient de tout temps", raconte, à la barre, Hannelore Font, directrice qualité depuis 2004. "100% des salariés, hors les commerciaux France, étaient au courant", affirme Loïc Gossart, directeur de la production de PIP à partir de 2006. Pourquoi, alors, ne pas avoir eu "un sursaut citoyen ?", l'interroge le procureur. "On essaie de partir, de chercher un emploi à côté... Je n'ai pas démissionné car ça reste difficile", lui répond-il.

A Malika, ingénieure en recherche et développement citée comme témoin, c'est la présidente qui demande : "Vous aviez donc connaissance de la fraude ?" "Oui", répond Malika, selon Le Monde.fr. "Avez-vous eu l'idée de la dénoncer ?", poursuit la présidente. "Non. Je n'avais pas de raison de me douter de la dangerosité de ce gel. Je regrette de ne pas m'être posé plus de questions. Au lieu d'avoir la force de s'insurger, on se rassure comme on peut."

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Les promesses et les pressions de Jean-Claude Mas

Si les salariés n'ont pas réussi à changer le système instauré au sein de PIP, et à utiliser un gel homologué, c'est parce que le fondateur de la société parvenait à imposer sa volonté, selon certains prévenus. "Nous n'avions aucun pouvoir car il fallait faire ce que [Jean-Claude Mas] voulait. Il passait par d'autres si on ne faisait pas ce qu'il voulait", explique Loïc Gossart. "Quand Mas m'a demandé de travailler sur le gel PIP, j'ai refusé. Il a confié cette mission à mon ingénieur", indique, pour sa part, Thierry Brinon, directeur produits de 2006 à 2010.

Témoin, Alban Gossé, un des rares à avoir démissionné face à la fraude, est venu raconter la difficulté à quitter l'entreprise. Directeur en recherche et développement de PIP, avant d'être licencié, "à sa demande", en janvier 2006, il avait déjà tenté d'en partir. Mais deux ans plus tôt, quand il évoque cette possibilité, Jean-Claude Mas lui rétorque : "Vous risquez de [vous retrouver à] vendre des pizzas dans un camion." "Je n'avais pas beaucoup d'armes pour manifester mon désaccord", résume-t-il.

Au cours du procès, les prévenus ont déclaré, à plusieurs reprises, que l'idée d'utiliser un gel conforme avait été évoquée, et même promise, lors d'une réunion en 2008. "Il est très difficile de penser qu'on aurait pu mettre du gel Nusil [homologué] à la place du gel PIP", a toutefois reconnu Jean-Claude Mas, sous-entendant qu'il ne l'aurait jamais voulu. Pour son ex-bras droit, Claude Couty, qui a admis avoir "permis la vente de lots non homologués", Jean-Claude Mas "pense avoir la science infuse". "Je suis décrit comme un tyran, un dictateur", se défend le fondateur de PIP, sur un ton ironique.

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La mascarade des contrôles qualité 

Des fûts d'huiles de silicone dissimulés, une fausse comptabilité sur clé USB, des prothèses conformes produites seulement en cas de contrôle... Des années durant, PIP a trompé la vigilance de TÜV. Le leader mondial du contrôle qualité certifiait les implants de la société depuis 1997. Il attribuait aussi le marquage CE des prothèses PIP, gage de succès commercial. Le responsable informatique de PIP, cité comme témoin, a raconté qu'il avait installé deux bases de données. Celles-ci permettaient de présenter un faux document aux visites annuelles de TÜV. "Je supprimais les fournisseurs [de gel] indésirables", explique Hervé Dessoliers.

Autre témoin, Vincent Poirier, technicien qualité, raconte qu'aux audits de TÜV, "tous les fûts de remplissage non certifié disparaissaient""C'était entré dans les mœurs pour tout le monde" dans l'entreprise, dit-il. "Les salariés connaissaient les instructions qu'ils avaient à suivre", précise Hannelore Font. "Tout le monde était au courant depuis des années du manège qui se mettait en place" avant chaque audit, renchérit Loïc Gossart.

En garde à vue, Jean-Claude Mas avait, lui aussi, qualifié ces manœuvres de "routine". En revanche, invité à s'exprimer devant le tribunal sur les visites de TÜV, il nie avoir donné l'ordre de dissimuler la vérité sur le contenu des implants. "Je ne vois pas pourquoi j'aurais donné des ordres si c'était la routine. Je ne suis pas cohérent avec moi-même quand je dis ça, je pense que j'étais très déstabilisé", rétorque-t-il. "Je n'ai jamais participé à ces dissimulations. J'ai déjà reconnu la tromperie. C'est tout", assène le fondateur de PIP. Comme les autres prévenus, il encourt cinq ans de prison.

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