Maltraitance dans les Ehpad : fuites, pressions... Victor Castanet dévoile les coulisses de son enquête dans une version augmentée de son livre "Les Fossoyeurs"
Une nouvelle édition très attendue. Le livre-enquête de Victor Castanet Les Fossoyeurs paraît, mercredi 25 janvier, en format poche avec une soixantaine de pages supplémentaires par rapport à la première édition sortie il y a un an. Lors de sa première publication, ce livre avait été une déflagration avec la mise en cause du groupe d'Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Orpea à propos de ses manipulations financières frauduleuses et les maltraitances rapportées sur les résidents.
Des fuites avant la parution
Dans ces nouvelles pages ajoutées, Victor Castanet y raconte les coulisses de son livre avant sa parution. Par exemple, l'ancien ministre Jean-Louis Borloo qui, en interview, le félicite de son travail, mais se serait ensuite empressé d'appeler la patronne du groupe d'Ehpad Korian pour lui conseiller de ne pas répondre aux questions du journaliste. Cette dernière, Sophie Boissard, avait travaillé pour Jean-Louis Borloo lorsqu'il était ministre de l'Economie dans les années 2000. Victor Castanet s'étonne, aussi, du coup de fil du directeur de communication de Korian de l'époque le félicitant aussi de son travail... Or, le livre n'était pas encore paru, et restait même confidentiel. Le journaliste confie, dans cette version "augmentée" du livre, soupçonner une fuite dans la maison d'édition, voire de l'espionnage par une société d'intelligence économique.
Des sondages pour faire "contre-feu" au moment de la parution
À l'époque de la parution de son livre, Victor Castanet raconte qu'Orpea a embauché la société Image 7 pour gérer sa communication de crise et commandé un sondage la veille de la sortie du livre. Un sondage sur le "bien vieillir", qui met en cause l'État plutôt que les grands groupes d'Ehpad. Un sondage jugé "contre-feu", commenté alors par plusieurs médias dont franceinfo. Victor Castanet révèle aussi comment il soupçonne l'émission Touche pas à mon Poste ! sur C8 d'avoir organisé un sondage qui le décrédibilisait. Cyril Hanouna reconnaissant, par la suite, que les résultats de ce sondage avaient pu être manipulés, hackés par des sociétés informatiques malveillantes.
Des révélations étouffées après la parution
Après la publication, Victor Castanet accuse le gouvernement d'avoir voulu étouffer ses révélations. Il reproche aux députés de la majorité d'avoir bloqué la création d'une commission d'enquête. Certes, le gouvernement a lancé d'autres missions d'enquête, mais les conclusions ont été rendues très vite, dès février-mars 2022. Elles sont "bâclées", écrit le journaliste. Victor Castanet se dit victime du calendrier politique. Selon lui, il ne fallait pas que le sujet interfère avec la campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron qui débutait quelques semaines plus tard.
Le gouvernement se défend. Jean-Christophe Combe, le ministre de l'Autonomie, a pris les devants dès mardi. Devant une trentaine de journalistes, il est revenu par exemple sur cette promesse faite par le gouvernement lors de la sortie du livre en 2022, de contrôler les 7 500 Ehpad de France dans les deux ans : "Aujourd'hui, il y a 1 400 structures qui ont été contrôlées. Elles ont donné lieu à près de 1 800 recommandations ou injonctions, et 11 saisines du procureur de la République pour des faits qui étaient pénalement répréhensibles. Ce sont des cas de violences constatées dans les Ehpad, de maltraitances, de mises en danger des personnes parce qu'il y a un non-respect de certaines réglementations." Question de point de vue, la réponse du gouvernement a été "puissante" selon le ministre. Mais pour Victor Castanet, "les pouvoirs publics ne se sont pas emparés du sujet. Cela n'a pas été le cas malheureusement dans la crise Orpea, au risque d'enterrer les problèmes soulevés... Une autre sorte de fossoyeurs", conclut-il.
Menaces à l'encontre d'un recruteur
Dans cette soixantaine de pages supplémentaires, le journaliste dévoile également une histoire singulière survenue bien avant le scandale. En 2018, un "chasseur de tête" est embauché par Orpea pour trouver une nouvelle directrice du développement des ressources humaines au groupe. Mais, en interne, ça ne plait pas à tous. On fait ainsi rapidement comprendre à ce recruteur que la candidate ne doit pas être "trop jolie" parce que sinon, "un membre de la direction générale va lui sauter dessus", écrit Victor Castanet. Elle ne doit pas être non plus "trop compétente", car elle risquerait de faire de l'ombre en interne. Puis, ce chasseur de tête reçoit des menaces de mort, jusqu'à voir sa réputation salie sur Internet. Ses enfants tombent ainsi sur un article expliquant que les femmes doivent passer dans son lit pour être embauchées. Victor Castanet remonte le fil de ces articles sur internet et décrit des pratiques de "barbouzes" commanditées, selon lui, par des dirigeants d'Orpea.
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