La Cour européenne des droits de l'homme valide la pénalisation des clients qui ont recours à la prostitution en France
Un Etat peut pénaliser l'achat de relations sexuelles, a tranché jeudi 25 juillet la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), validant la loi française de 2016 sur la prostitution. "La décision de la CEDH valide la position abolitionniste de la France. Le corps des femmes n'est pas à vendre. Le désir ne s'achète pas", s'est félicitée la ministre démissionnaire chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé.
De son côté, Sarah-Marie Mafessoli, référente "travail du sexe" chez Médecins du monde France, a fait part de son amertume. "Nous sommes déçus, car la Cour reconnait que la pénalisation des clients a un impact négatif sur leurs travailleurs du sexe (…) mais refuse de condamner la France", a-t-elle réagi auprès de l'AFP. "Cette décision va à l’encontre des recommandations des grandes agences onusiennes", s'indignent une dizaine d'associations dans un communiqué.
La loi de 2016 loin de faire l'unanimité
La CEDH était saisie par 261 hommes et femmes prostitués de différentes nationalités exerçant une activité de prostitution licite en France, qui dénonçaient l'impact de la loi du 13 avril 2016 sur leurs conditions de vie et de travail. Celle-ci a abrogé le délit de racolage et l'a remplacé par la pénalisation des clients, désormais passibles d'une amende de 1 500 euros (3 750 euros en cas de récidive), même si ceux-ci sont rarement poursuivis dans les faits.
Cette loi a été saluée comme une avancée majeure par les associations abolitionnistes. Mais de leur côté, les requérants, soutenus par une vingtaine d'associations, soulignent qu'elle a poussé les personnes prostituées à la clandestinité, les exposant davantage aux agressions, ainsi qu'aux risques de contamination aux infections sexuellement transmissibles. Ils considèrent aussi que la loi radicalement atteinte au droit au respect de leur vie privée et à celle de leurs clients.
La loi ménage "un juste équilibre entre les intérêts en jeu", juge la CEDH
Dans son arrêt, la CEDH souligne qu'elle est "pleinement consciente des difficultés et risques – indéniables – auxquels les personnes prostituées sont exposées dans l'exercice de leur activité", dont les risques pour leur santé et leur sécurité. Elle affirme toutefois que ces "phénomènes étaient déjà présents et observés avant l'adoption de la loi" de 2016, "les mêmes effets négatifs ayant par le passé été attribués à l'introduction du délit de racolage dans le droit français".
Estimant que "les autorités françaises ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu" et n'ont "pas outrepassé [leur] marge d'appréciation", la CEDH a jugé qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 8 de la Convention des droits de l'homme, qui garantit le droit à l'autonomie personnelle et à la liberté sexuelle. Elle invite cependant les autorités nationales à "garder sous un examen constant" leur approche en la matière "de manière à pouvoir la nuancer" en fonction de l'évolution sociale.
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