Conférence des évêques de France : "Depuis la publication du rapport Sauvé, on a surtout entendu beaucoup de silence", souligne une journaliste
Pour Christine Pedotti, directrice de la rédaction de "Témoignage Chrétien", il y a une "une très forte attente" chez les catholiques après la publication du rapport Sauvé sur les violences sexuelles dans l'Eglise.
L'assemblée plénière de la Conférence des évêques de France se réunit à partir du mardi 2 novembre à Lourdes. "ll y a une très forte attente" car "on a surtout entendu beaucoup de silence" depuis la publication du rapport Sauvé sur l’ampleur des violences sexuelles dans l'Église, a souligné mardi sur franceinfo Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien. La journaliste souligne une "véritable inquiétude" chez les catholiques, "sur le fait que les évêques ne se rendent pas compte de la déflagration qui vient de se produire".
franceinfo : Est-elle cruciale cette assemblée des évêques de France ?
Christine Pedotti : Oui, parce qu'on est quatre semaines après la remise du rapport Sauvé, donc il y a une énorme attente. On voit bien que dans le monde catholique, il y a une grande agitation. Il y a beaucoup de propositions. Les laïcs, c'est-à-dire ceux qui ne sont ni prêtre ni évêque, pensent qu'en fait ils ont une responsabilité. Ce sont des questions très profondes qui agitent en ce moment les catholiques, et en particulier les pratiquants.
La présence des victimes est importante ?
C'est assez compliqué parce qu'il y a aussi une grande défiance qui se manifeste du côté des victimes. Il y a un grand collectif de victimes qui s’appelle "De la parole aux actes !" et il est en situation de défiance à l'égard des évêques. Il les challenge en disant : "Vous avez le rapport Sauvé dans les mains, qu'est-ce que vous faites ? Ou est-ce ce que vous en êtes ? Et en matière de réparation, qu'est ce que vous allez faire ?" Les évêques sont vraiment au pied du mur.
En matière d’indemnisation, l'évêque de Strasbourg, dit qu’il est exclu de faire un appel aux dons. C’est la position des catholiques ?
Il a raison. J’ai aussi commandé un sondage dont j'ai les premiers chiffres sur cette question. Il y a 4% des sondés qui répondent que ce sont les fidèles catholiques qui devraient payer. Autant dire que ce n'est pas une voie sur laquelle l'Église peut s'engager. Elle ne trouvera pas de réponse de ce côté là. Donc, ça va être extrêmement difficile parce qu'il va falloir que les évêques qui sont aujourd'hui les responsables de l'Église catholique fassent une proposition qui soit crédible et du point de vue des victimes, qu’elle soit coûteuse. Il va falloir montrer qu'en fait, ils acceptent qu'il y ait un coût du côté de l'Église.
Que vous indique encore ce sondage ?
C'est vrai que sur les grandes réformes qui sont attendues dans l'Église, ce qui arrive en tête, c'est la demande d'un Concile. Cela veut dire qu'il y a vraiment une très forte demande des catholiques pour qu'en fait, il y ait une grande mise à jour de l'Église. Et puis, évidemment, arrive tout de suite quelque chose qui renverse la centralité de la figure des prêtres, puisqu’ils demandent des prêtres mariés, la présence des femmes. Le partage du pouvoir entre les clercs et les laïcs dans des pourcentages qui sont énormes, de neuf sur dix.
Vous qui aviez appelé à une démission collective des évêques en exercice, pensez-vous et qu'il y ait une prise de conscience générale des évêques de France ?
Ça, je ne sais pas parce que depuis la publication du rapport Sauvé, finalement, on a surtout entendu beaucoup de silence. Tous les gens que j'ai contactés, y compris les victimes disent que les évêques se sont d'abord beaucoup tus, en disant "nous avons l’Assemblée plénière et c'est à ce moment-là qu'on se prononcera de façon collective". C’est pour cela qu'il y a une très, très forte attente. Les gens me disent : "Mais bon sang de bonsoir ! Il n’y en aura même pas un qui va avoir le courage de dire oui, on est vraiment responsables." Il y a une véritable inquiétude, me semble-t-il, sur le fait que les évêques ne se rendent pas compte de la déflagration qui vient de se produire, y compris à l'égard de leurs prêtres.
La commission Sauvé a reçu plus de 200 nouveaux témoignages après la publication du rapport. La parole continue de se libérer ?
Oui, bien sûr parce que finalement, l'évidence du fait que les victimes ne sont pas des exceptions et qu'il y a eu quelque chose de massif a éliminé des éléments de honte qui faisaient taire les gens. Donc, tout d'un coup, les gens parlent. J’en ai été le témoin. J'ai pris beaucoup la parole depuis quatre semaines et beaucoup de gens dans des couloirs, y compris des studios de la radio et de la télévision, m'ont dit : "Vous savez, moi, mon père, mon frère, mon oncle ont été victimes." Donc tout d'un coup, il y a quelque chose qui se dit qui, jusqu'alors, était tue pour des raisons de honte.
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