Pédocriminalité dans l'Église : "Si on reste dans un monde masculin, les abus continueront", estime la théologienne Anne Soupa
"Sans les femmes, les évêques n'arriveront pas à reconstruire une Eglise vivante", a estimé sur franceinfo l'ancienne candidate à l'archevêché de Lyon.
"Il y a une difficulté profonde de la part des évêques à voir qu'ils ont besoin des femmes", estime lundi 8 novembre sur franceinfo la théologienne Anne Soupa. L'ancienne candidate à l'archevêché de Lyon regrette qu'il ne soit pas question des femmes dans la réponse donnée par la conférence des évêques de France à la commission Sauvé sur les abus sexuels. "C'est l'entre soi qui est préjudiciable, estime-t-elle. Si on reste dans un monde masculin, les abus continueront."
franceinfo : La réponse donnée par la conférence des évêques de France vous paraît-elle à la hauteur ?
Anne Soupa : C'est en demi-teinte. Les évêques ont semblé effectivement atterrir et prendre des décisions importantes que je salue, mais je suis obligée de soulever des questions qui me paraissent encore en suspens. En ce qui concerne les victimes, il y a la question des adultes vulnérables, en particulier des femmes et des religieuses, qui n'est pas du tout abordée. Il y a beaucoup d'abus sexuels et d'emprises qui n'ont pas encore été mis au jour. Je constate par ailleurs qu'on reste sur un système très clérical. Plus de la moitié des groupes de travail sont tournés sur les questions liées aux prêtres et les laïcs ne sont pas beaucoup associés à la réflexion sur leur intégration dans des responsabilités importantes. Et surtout, il n'est pas question des femmes.
Pour quelle raison selon vous ?
Je pense qu'il y a une difficulté profonde de la part des évêques à voir qu'ils ont besoin des femmes, et que sans les femmes, ils n'arriveront pas à reconstruire une Église vivante. Vous savez, le problème majeur de l'Église de France, c'est le manque de sang neuf. Les femmes, c'est la moitié de l'humanité. Il est temps de les intégrer activement dans les processus décisionnels. L'absence des femmes a été pointée comme une cause d'abus.
"C'est l'entre-soi qui est préjudiciable parce qu'il favorise le secret et le règlement interne des problèmes sans faire appel à des tiers. Si on reste dans un monde masculin, les abus continueront."
Anne Soupa, théologienneà franceinfo
Les évêques qui ont eu des paroles fortes ces dernières semaines peuvent-ils être entendus ?
Je pense qu'il faut aussi l'appui du Pape. C'est Rome qui tient la clé de toutes les grandes décisions de réforme, en particulier de la fin de la culture cléricale et de l'association de laïcs aux décisions générales et importantes de l'Église universelle. C'est un problème mondial. J'aimerais que le Vatican se rende compte qu'on ne peut pas laisser une institution comme l'Église cultiver une culture de mort et laisser des abus se perpétrer en son sein. Il y a de nombreux pays qui n'ont pas encore ouvert leurs archives pour faire le compte des victimes potentielles. Il vaudrait mieux que le Vatican anticipe des découvertes dommageables et que le Vatican se plonge ouvertement dans ces questions-là.
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