Affaire Leonarda : le torchon brûle entre le gouvernement et les médias
Dans les rangs socialistes, on accuse BFMTV d'avoir fait monter la polémique. "Quand certains politiques parlent de 'B-FN' c’est scandaleux et insultant", répond la chaîne d'information.
Alors que le gouvernement se remet à peine de l'affaire Leonarda, au sommet de l'Etat, on cherche les responsables du fiasco médiatique de l'exécutif. Au sein de la majorité, le coupable est tout trouvé : il s'agit de BFMTV. La société des journalistes de la chaîne d'information a répondu à ces accusations, vendredi 25 octobre. Elle accuse "les politiques [de se défausser] de leurs propres défaillances en mettant la responsabilité d’une situation sur nous."
Retour sur une semaine de clash politico-médiatique.
Samedi 19 octobre : rebondissements en série
Samedi 19 octobre, le sort de la collégienne rom, arrêtée pendant une sortie scolaire et expulsée vers le Kosovo, fait la une. Après un silence de deux jours sur l'affaire, le président de la République, François Hollande, tient une conférence de presse. Il y annonce que la jeune fille est invitée à revenir en France si elle le souhaite, à condition que sa famille reste au Kosovo.
L'allocution est retransmise en direct sur les chaînes d'information en continu qui, dans la foulée, cherchent à obtenir la réaction de Leonarda à cette proposition inattendue. Sur place, à Mitrovica, une agence de presse se charge d'interviewer l'adolescente et sa famille. L'invitation de François Hollande ? "Je n'ai pas envie de quitter ma famille", répond la jeune fille.
Ce même jour, une figure du PS vient émettre des réserves quant à la proposition du président. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, "souhaite que tous les enfants de la famille de Leonarda puissent finir leurs études en France accompagnés de leur mère". "Je vais en discuter avec le président et le gouvernement", a fait savoir Harlem Désir, saluant au passage la "décision d'humanité" du chef de l'Etat, qui "donne la possiblité à Leonarda de revenir en France pour y poursuivre son parcours d'intégration et de scolarisation".
Mardi 22 octobre : place aux recadrages anti-médias
Alors que les éditorialistes critiquent vivement la mauvaise gestion de la crise dans la presse, au sein du gouvernement, la consigne est claire : asséner les éléments de langage. Et tous de défendre la gestion du dossier, entre "humanité" et "fermeté". Dans la journée de mardi 22 octobre, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s'est ménagé du temps pour se rendre à la réunion hebdomadaire du groupe PS à l'Assemblée nationale. Le locataire de Matignon a recadré les députés et a sommé les troupes de "faire bloc autour du président et de sa politique", après les critiques de responsables socialistes dont Harlem Désir.
Hors caméra, le Premier ministre accuse la presse d'avoir orchestré ce ratage médiatique. Selon Europe 1, il déplore notamment que la parole d'une adolescente ait été mise sur le même plan que celle du chef de l'Etat. "L'Elysée n’avait pas anticipé la réponse en direct de la collégienne à la proposition du président, explique la journaliste politique Caroline Roux. Le sujet est pris très au sérieux. Un proche du président lui a même fait passer une note sur l’emballement médiatique dans ce dossier." Pour l'exécutif, il n'y a pas de doute sur le coupable : "Dans les rangs socialistes on ne parle plus de BFM mais de BFN, poursuit la journaliste, qui pointe un classique de l'argumentaire politique. Le procédé est grossier, le réflexe attendu, et c’est surtout le signe de la grande fébrilité d’un gouvernement (...)."
Vendredi 25 octobre : BFMTV se défend
Dans un communiqué envoyé vendredi, la chaîne d'information a répondu à ces accusations. "Pour ce qui est de l’affaire Leonarda, les politiques se défaussent de leurs propres défaillances en mettant la responsabilité d’une situation sur nous", écrit la société des journalistes de la chaîne. Elle se défend d'avoir "hystérisé la situation" et met en cause "le président de la République qui a prévenu à 12h55 qu’il allait faire une allocution à 13h20", samedi 19 octobre.
"Je pense en effet que la séquence était trop longue et que l’on a gardé ce live trop longtemps à l’antenne, concède la SDJ de la chaîne. Mais encore une fois, tout s’est passé en quelques minutes, on était dans une situation de l’ordre du Breaking News, il fallait donc y aller", poursuit cette chaîne d'information en continu axée sur le direct.
Un concept qui ne va pas sans ses aléas : "À cet instant où BFMTV et i-Télé nous donnaient à voir et à entendre la famille Dibrani, avec toute la puissance du direct, la télévision qui, cinq minutes plus tôt, avait retransmis l’intervention présidentielle en bon petit soldat digne de l’ORTF, est devenue un monstre échappant à tout contrôle", avait dénoncé le chroniqueur politique Thierry de Cabarrus sur le site du Nouvel Obs. "Ces cris, ces insultes balancées dans leur salon sans le moindre commentaire, sans la plus petite intervention journalistique, sans retour dans les studios de télé, ont levé le voile sur une réalité que beaucoup ne soupçonnaient pas", a-t-il argumenté.
"Quand on est leader, on est forcément en première ligne des critiques et ça il faut l’intégrer et assumer les choix que nous faisons", a de son côté répondu la chaîne aux critiques venant du gouvernement.
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