Coupe du monde de rugby : pourquoi l'absence d'Antoine Dupont pourrait peser lourd dans la quête du titre
En annonçant dans un communiqué, samedi 23 septembre, qu'Antoine Dupont "a été opéré le 22 septembre aux alentours de 23 heures au CHU Purpan de Toulouse" et que "d’ici quelques jours, il va (...) pouvoir revenir au sein de l’équipe de France dans un processus de reprise sportive progressive et sous contrôle médical", la Fédération française de rugby a redonné un peu d'espoir au XV de France et à ses supporters. En leader, le capitaine a fixé son cap : revenir dans le groupe, alors que, dans sa chronique au Daily Mail, l'entraîneur de la défense Shaun Edwards estime lui qu'"il serait très surpris s'il n'était pas disponible pour les quarts ou les demi-finales."
La blessure du numéro 9 des Bleus, au coeur du carton XXL contre la Namibie (96-0) jeudi, avait relégué la victoire au second plan. Sa sortie avait provoqué une vague d'inquiétude. L'annonce de sa fracture "maxillo-zygomatique", vendredi, avait plombé une ambiance globalement au beau fixe, et des espoirs sportifs légitimes. Si la durée de son absence est encore inconnue, la perspective d'un forfait pour le prochain match décisif pour la qualification contre l'Italie (le 6 octobre), puis pour les rencontres couperets du XV de France à commencer par le quart de finale, est réelle. Une absence qui pourrait peser très lourd dans la quête du titre planétaire.
Parce qu'il est le chef d'orchestre incontesté des Bleus
Le sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, peut compter sur de nombreux joueurs de talent, de l'artificier Thomas Ramos à l'insatiable finisseur Damian Penaud. Mais cette symphonie offensive ne prend réellement corps que sous les ordres d'Antoine Dupont. Le joueur de 26 ans est un virtuose, meilleur joueur de l'année 2021 selon la Fédération internationale de rugby, ou encore meilleur joueur de trois des quatre dernières éditions du Tournoi des six nations.
Le numéro 9 français est à la fois le cerveau et l'étincelle créative d'une équipe française très joueuse. Il peut être le meneur de jeu capable de créer pour les autres, notamment au pied à l'image de son service pour le premier essai de Damian Penaud jeudi contre la Namibie. Mais aussi le dynamiteur de défense, toujours prêt à chercher les intervalles et constituer un danger par ses courses. Il sait adapter son jeu aux circonstances des matchs. Lors de la victoire contre les All Blacks, c'est lui qui avait réalisé le plus de passes (41) côté français, avant d'être celui qui avait le plus avancé ballon en mains (71 mètres) lors de sa première période contre la Namibie. Depuis la grave blessure de son alter ego de la charnière, Romain Ntamack, avant la compétition, davantage de responsabilités encore pèsent sur les épaules d'Antoine Dupont.
Parce que les Bleus ont une allure différente avec et sans lui
Irremplaçable par son talent rare, Antoine Dupont l'est tout autant par son style de jeu. Dans la hiérarchie des demis de mêlée, son remplaçant numéro un actuel, Maxime Lucu, est un joueur plus sécurisant qu'un accélérateur de particules. Autre numéro 9 du groupe des 33 de ce Mondial, Baptiste Couilloud se rapproche davantage du profil d'Antoine Dupont par la vivacité de ses appuis et ses accélérations. Mais le Lyonnais manque d'expérience au très haut niveau que ce soit en club (six matchs de Champions Cup) qu'avec l'équipe de France pour laquelle il n'a débuté qu'à cinq reprises.
Avec Antoine Dupont et de nombreux autres cadres au repos, le XV de France a balbutié son rugby comme rarement lors de son deuxième match contre l'Uruguay, proposant une bouillie de jeu collectif. Avec le Toulousain à la baguette, les Tricolores offrent un autre visage et un autre bilan : plus de 70% de victoires en 51 sélections. A l'approche des rencontres les plus relevées, Baptiste Couilloud ne compte que trois victoires en huit capes contre des équipes du "Tier 1" du rugby mondial (Australie, Angleterre, Ecosse, pays de Galles notamment). Maxime Lucu n'a, lui, débuté en Bleus que contre le Japon, les Fidji et l'Uruguay, mais a un chiffre en sa faveur : le XV de France n'a jamais perdu lors de ses 17 sélections.
Parce qu'il est le capitaine respecté d'un groupe en mission
"Il y a des joueurs qui inspirent à l'intérieur du groupe, mais aussi à l'extérieur du groupe. Antoine fait partie de ces figures." L'hommage signé du sélectionneur Fabien Galthié, le 20 novembre 2020, suffit pour comprendre tout le poids d'Antoine Dupont au sein de ce XV de France. Ce n'est d'ailleurs pas anodin si le Toulousain avait conservé le rôle de capitaine des Bleus, malgré le retour parmi les titulaires de l'ancien titulaire du brassard, Charles Ollivon. "Il ne parle pas énormément mais il parle à bon escient, il arrive à motiver ses troupes, il a toujours le mot juste avec l'aplomb qui va bien pour faire passer les émotions", évoquait le troisième ligne François Cros jeudi soir à Marseille.
Après la victoire écrasante contre la Namibie et les certitudes retrouvées dans le jeu, les Tricolores faisaient pourtant grise mine. "On sait ce qu'il dégage dans le groupe, avançait Cyril Baille. C'est beaucoup de stress, il a pris quand même un gros coup. Ce n'était pas la fête dans le vestiaire." Car en sus de son leader technique, le XV de France a peut-être perdu un de ses moteurs dans la quête d'un premier titre de champion du monde. Et une raison de trembler pour les autres prétendants. Sans celui que le Guardian qualifie de "visage de France 2023", la France "peut dire au revoir à ses espoirs de Coupe du monde" estime même le média spécialisé néo-zélandais Stuff.
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