UMP : retour sur un psychodrame en trois actes
Il a fallu près de trente heures à l'UMP pour désigner son président. Entre accusations de fraude et revendications prématurées, retour sur un scénario tragi-comique sur fond de crise interne.
SUCCESSION A L'UMP – Jean-François Copé a été déclaré vainqueur de l'élection à la présidence de l'UMP, dans la nuit du lundi 19 novembre, à l'issue d'un véritable psychodrame, avec seulement 98 voix de plus que son rival François Fillon. Retour sur un scénario grand-guignolesque en trois actes.
1Les deux camps s'accusent de fraudes
Les copéistes accusent. A Nice (Alpes-Maritimes), fédération stratégique et fief des fillonistes, Michèle Tabarot, colistière de Jean-François Copé et députée-maire du Cannet, est la première, dimanche, à faire état d'irrégularités. Elle évoque des procurations "vierges" ou "dont les signatures ne correspondent pas". Appelés pour vérification, des huissiers constatent en effet des "signatures douteuses" et un écart important entre les listes d'émargement et le nombre de bulletins. D'après Nice-matin, 1 117 votes auraient été comptabilisés dans la fédération, pour seulement 989 signatures.
Jean-François Copé demande ainsi que les résultats de quatre bureaux de vote (deux à Nice, un à Cannes et un dans le 16e arrondissement de Paris) ne soient pas comptabilisés, évoquant un "bourrage d'urnes". Dans l'arrondissement parisien, favorable à François Fillon et dirigé par le copéiste Claude Goasguen, "une différence de 40 enveloppes" entre le nombre de votants et la liste d'émargement aurait été constatée, indique Metro.
Les fillonistes répliquent. A Nice, le maire de la ville, Christian Estrosi, accuse à son tour le duo Copé-Tabarot d'avoir organisé "l'obstruction systématique" du scrutin. A Paris, le député Bernard Debré évoque l'annulation inexpliquée de 800 bulletins à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) – les responsables de l'UMP locale annonceront plus tard "seulement 8" annulations. Le porte-parole de François Fillon, Jérôme Chartier, annonce que des irrégularités ont aussi été constatées dans les Bouches-du-Rhône et à Toulouse. "Il y a eu des remises de procurations particulièrement surprenantes" et plus de votants que d'inscrits sur les listes d'émargement, affirme-t-il.
Les proches de l'ancien Premier ministre annoncent qu'ils saisissent la commission électorale pour des irrégularités imputées aux copéistes dans les Bouches-du-Rhône, la Seine-et-Marne, la Haute-Garonne, le Gers et le Gard.
2Les deux camps revendiquent la victoire
Près de 24 heures après la clôture du scrutin, les résultats provisoires sont très serrés et il faut procéder à de nombreux recomptages. Lundi matin, le président de la commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe), Patrice Gélard, annonce qu'il faut encore vérifier les urnes d'une cinquantaine de fédérations. Mais d'après lui, la Cocoe n'est pas adaptée, car ses statuts sont "faits pour un candidat et pas deux".
Le résultat définitif se faisant attendre, les deux candidats revendiquent chacun la victoire. Jean-François Copé le premier, qui déclare dimanche soir : "Les militants de l'UMP m'ont accordé la majorité de leurs suffrages." Ses proches affirment alors que le secrétaire général de l'UMP totalise un millier de voix de plus que son concurrent. Il insiste lundi matin, sur BFMTV : "J'attends sereinement que la commission de validation le confirme."
Dimanche soir, peu après les déclarations de Copé, François Fillon revendique 224 voix d'avance. "Nous avons remonté tous les résultats. (…) [Ils] me donnent une courte victoire", déclare l'ancien Premier ministre.
3Le signe d'un parti au bord de l'implosion
Près de trente heures après la fin du scrutin, Jean-François Copé est déclaré vainqueur avec 50,03% des voix, soit 98 de plus que François Fillon. Après proclamation des résultats, ce dernier concède sa défaite mais constate une "fracture manifeste" au sein de l'UMP, "à la fois politique et morale".
La crise interne que traverse l'UMP a été exacerbée par ce tout nouvel exercice de démocratie. Si certains ténors du parti ont appelé au calme avant validation des résultats, d'autres ont préféré jeter de l'huile sur le feu et camper sur leurs positions. Et l'issue du scrutin, très serrée, ne fait qu'illustrer l'éclatement de l'UMP depuis le départ de Nicolas Sarkozy, entre "droite décomplexée" et droite modérée. Bernard Debré va jusqu'à parler, mardi matin sur BFMTV, d'un parti "malade".
En face, on raille la bataille d'egos. Le PS évoque une "confusion" et une "division" au sein du principal parti d'opposition. "La droite est sous nos yeux coupée en deux", déclare Harlem Désir, son premier secrétaire. Le FN évoque quant à lui un "crash". Les militants UMP redoutent, eux, que cette élection ne laisse des traces indélébiles et provoque une vraie scission.
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