: Vrai ou faux Emploi, réindustrialisation, investissements... On a vérifié trois affirmations d'Emmanuel Macron pendant son allocution
Une allocution pour tenter de tourner la page des retraites, mais aussi pour esquisser les prochains "chantiers prioritaires" de l'exécutif. Dans sa prise de parole, lundi 17 avril, Emmanuel Macron a dévoilé les prochains axes de réforme, en proposant notamment de bâtir un "nouveau pacte de la vie au travail". Le chef de l'Etat en a profité pour vanter son bilan économique, en matière d'emploi et de réindustrialisation. Franceinfo a vérifié trois de ces affirmations.
1 "Nous avons créé, en six ans, 1,7 million d'emplois" : vrai
Emmanuel Macron, qui a fait du retour au plein-emploi l'un des objectifs de son deuxième quinquennat, a d'abord mis en avant la situation sur le front des embauches. "Nous avons créé, en six ans, 1,7 million d'emplois pour notre pays", a assuré le chef de l'Etat. Entre la fin du premier trimestre de 2017 et le dernier trimestre de 2022 – date des dernières données de l'Insee disponibles –, environ 1,87 million d'emplois salariés ont été créés. Un chiffre auquel il faut ajouter quelque 460 000 emplois non salariés créés entre 2017 et fin 2021, selon le dernier décompte de l'Insee. Les ordres de grandeur évoqués par le chef de l'Etat sont donc corrects.
Mais comment interpréter ces données ? En considérant d'abord le contexte économique dont Emmanuel Macron a hérité à son arrivée à l'Elysée. "La dynamique du marché du travail était déjà plutôt favorable" avant 2017, rappelait l'année dernière à franceinfo Vladimir Passeron, chef du département de l'emploi et des revenus d'activité à l'Insee.
En 2020, à cause de la crise sanitaire, la dynamique s'est inversée et le nombre d'emplois "a baissé de 175 000 entre fin 2019 et fin 2020", relève l'institut. Le "quoi qu'il en coûte" a cependant limité l'impact de la pandémie sur le marché du travail, et l'emploi s'est "très fortement redressé" en 2021, avec 965 000 créations nettes. "Beaucoup d'emplois ont été créés dans le tertiaire, sur des postes très qualifiés, mais aussi dans la restauration ou la construction", expliquait en février à franceinfo Bruno Coquet, économiste et chercheur associé à l'OFCE.
Par ailleurs, l'Etat a vivement incité le recours à l'apprentissage en versant une prime pour toute embauche d'apprenti. Plus de 800 000 contrats d'apprentissage ont ainsi été signés en 2022. Dans l'ensemble, l'emploi aidé représentait près de 2,3 millions de postes fin 2021, en hausse de près de 7% sur un an, détaille l'Insee. Enfin, la situation sur le marché du travail français est loin d'être une exception : "L'emploi se porte bien partout en Europe", remet en perspective Bruno Coquet.
2 "Deux cents" usines ont ouvert "depuis deux ans" : plutôt vrai
"Plus largement, c'est par la réindustrialisation que nous retrouverons notre force et que nous créerons des emplois mieux payés", a embrayé le chef de l'Etat dans son discours. "En France, dans des vallées et des cantons, des usines ouvrent à nouveau : 200 depuis deux ans", a-t-il assuré. Une affirmation juste, mais qui manque de contexte. Contacté sur la source de ce chiffre, le cabinet du ministre de l'Industrie, Roland Lescure, renvoie à un rapport sur "L'emploi et l'investissement en 2022 en France". Dans cette étude, le cabinet spécialisé dans l'investissement et l'emploi Trendeo explique que, ces deux dernières années, le nombre d'ouvertures de sites industriels a été supérieur aux fermetures enregistrées. Il recense ainsi un solde positif de 123 créations nettes d'usines en 2021, et 80 en 2022, rapporte Le Monde (article payant). Soit 203 au total.
Le ministère de l'Industrie évoque auprès de franceinfo des ouvertures d'usines dans des "secteurs stratégiques" comme "la santé", "les batteries", "les composants électroniques" ou "les énergies renouvelables". L'usine de cartes électroniques du groupe français Lacroix, inaugurée en septembre dans le Maine-et-Loire, emploie par exemple 460 personnes, rapporte Ouest-France. La société Naturopera, spécialisée dans les produits d'hygiène, a, de son côté, ouvert en octobre un site dans le Pas-de-Calais et recruté environ 40 personnes, afin de produire 200 millions de "couches écologiques" par an, selon France 3 Hauts-de-France.
En outre, "49 relocalisations" ont été enregistrées en 2022, souligne un récent compte-rendu du Conseil des ministres, reprenant les données de Trendeo. Le ministère de l'Economie mentionne sur son site des relocalisations dans les filières des équipements pour vélos, des jouets, de l'horlogerie, de la fabrication textile ou de chaussures. Une partie de ces relocalisations ont été soutenues par le plan France Relance lancé en 2020, puis le projet d'investissements France 2030 annoncé l'année suivante.
Du côté de l'emploi industriel, la tendance globale est au déclin depuis plusieurs décennies, comme le montrent les chiffres de l'Insee. Avec 3,2 millions de postes fin 2022, l'industrie ne représentait que 12% de l'emploi salarié total. Un léger rebond est cependant observable depuis 2021 avec près de 80 000 créations d'emplois dans le secteur sur les deux dernières années. Mais cette dynamique reste fragile. Les derniers mois ont été marqués par plusieurs annonces de fermetures. Dans le secteur de la santé, le laboratoire Novartis va cesser sa production de thérapie cellulaire sur son site de l'Essonne, qui emploie quelque 200 personnes. Dans l'alimentaire, Fleury Michon fermera en mai une usine d'Ille-et-Vilaine, menaçant une centaine de salariés, détaille France 3 Bretagne.
3 "Notre pays est devenu le plus attractif en Europe pour les investissements" : c'est plus compliqué
Emmanuel Macron s'est enfin félicité de "l'attractivité" de la France, devenu "le pays le plus attractif en Europe pour les investissements". En février, l'exécutif avait déjà relayé le "Bilan de l'investissement international créateur d’emplois", établi chaque année par l'agence publique Business France. Selon l'étude, en 2022, la France a accueilli 1 725 projets d'investissements étrangers, soit 7% de plus que l'année précédente, qui constituait déjà un record. La majorité d'entre eux provient des Etats-Unis, d'Allemagne et du Royaume-Uni. A titre d'exemple, le chimiste américain Chemours a officialisé début janvier un investissement de 200 millions de dollars (185 millions d'euros) en France pour construire une usine de membranes d'électrolyseurs nécessaires à la production d'hydrogène.
En termes de projets enregistrés, la France se classe effectivement devant ses partenaires européens. Selon le dernier baromètre du cabinet EY, vers lequel Business France renvoie, le pays a enregistré 1 222 projets d'investissements étrangers en 2021. "Pour la troisième année consécutive, la France domine le classement européen", devant le Royaume-Uni (993 projets) et l'Allemagne (841 projets). Les données comparatives pour 2022 ne seront disponibles qu'à la mi-mai, au moment du sommet Choose France, qui réunira les grands patrons étrangers.
Le montant des investissements n'est en revanche pas dévoilé par Business France. Or, si l'on se penche sur le dernier "Rapport sur l'investissement dans le monde" (PDF en anglais) de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, le constat est différent. En 2021, la France a attiré 14 milliards de dollars d'investissements directs étrangers (IDE). Bien moins, par exemple, que l'Allemagne (31 milliards), le Royaume-Uni (27 milliards) ou la Belgique (25 milliards). Enfin, "les projets accueillis par la France sont moins générateurs d'emplois", concède le baromètre du cabinet EY. En moyenne, une implantation en France débouche sur 38 emplois, contre 45 en Allemagne ou 68 au Royaume-Uni.
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