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Vrai ou faux Laurent Wauquiez peut-il retirer la région Auvergne-Rhône-Alpes du dispositif "zéro artificialisation nette" ?

Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Laurent Wauquiez, président LR du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes s'exprime lors du congrès des maires ruraux de France, à l'Alpe d'Huez (Isère), samedi 30 septembre 2023. (STEPHANE PILLAUD / LE DAUPHINE LIBERE / MAXPPP)
Le président LR du conseil régional a annoncé la sortie de son territoire d'un processus visant à arrêter la bétonisation des sols d'ici 2050. Sauf que les collectivités territoriales ne peuvent pas se soustraire à cette loi.

Une annonce fracassante... qui ne sera pas suivie d'effet ? Le président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a annoncé samedi 30 septembre la sortie de son territoire du "zéro artificialisation nette" (ZAN), un dispositif légal qui vise à stopper la bétonisation des sols en 2050. "Je refuse qu'on mette sous cloche les décisions des élus de construire dans la ruralité. Les décisions prises par la technocratie, je dis stop. Notre région se retire donc du processus et on demande à la ministre de revoir sa copie", a lâché Laurent Wauquiez devant les membres de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), réunis en congrès à l'Alpe d'Huez (Isère). Une déclaration accueillie par des applaudissements. Mais Laurent Wauquiez peut-il vraiment dispenser sa région de la mise en œuvre de cette mesure ? 

Ses propos ont en tout cas fait bondir le gouvernement. "Laurent Wauquiez ne peut s'exonérer de la loi, elle s'applique à tous. Il ne peut pas faire le choix de la facilité en refusant de prendre sa part dans la transition écologique de notre pays et en jouant les territoires les uns contre les autres", a réagi sur X (ex- Twitter) Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. "S'il ne respecte pas la loi, j'espère qu'effectivement, il y aura des sanctions", a de son côté déclaré Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, dimanche sur BFMTV.

Une planification de l'aménagement du territoire

"Cette déclaration n'a aucun sens juridiquement. Il doit se soumettre à la loi de la République", confirme Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l'environnement. "Le président d'un conseil régional n'a pas la compétence pour intervenir, modifier, ni amender la loi" portant sur l'application du dispositif ZAN, rappelle David Dokhan, avocat en droit public au cabinet DM-avocats. L'article 72 de la Constitution dispose en effet que les collectivités territoriales s'administrent librement, mais "dans les conditions prévues par la loi".

Cet objectif de "zéro artificialisation nette" en 2050 a été inscrit dans la loi Climat et résilience, adoptée en août 2021. Il impose d'abord aux collectivités locales de réduire de 50%, d'ici 2031, le rythme d'artificialisation des sols et la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Puis d'arriver à un équilibre entre surfaces artificialisées et renaturées d'ici 2050. En réponse aux protestations des élus locaux, le ZAN a toutefois fait l'objet d'une nouvelle loi, promulguée fin juillet, visant à assouplir le dispositif et faciliter son application.

Mais comment cet objectif national, inscrit dans la loi, est-il transposé à l'échelle territoriale ? Les régions doivent se fixer un objectif de réduction de la bétonisation des terres à travers leur document de planification : le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Ce document définit l'aménagement du territoire dans divers domaines : environnement, habitat, urbanisme, transports, énergie...

"Un coup d'épée politique dans l'eau"

Il y a d'abord une consultation de diverses autorités locales et étatiques, ainsi que du public. Une fois adopté par délibération par le conseil régional et approuvé par le préfet de région par arrêté, ce document a une valeur prescriptive à l'égard des autres documents de planification des autres collectivités locales, comme les plans locaux d'urbanisme. C'est sur cette procédure que Laurent Wauquiez entend jouer.

Contactée par franceinfo, la région Auvergne-Rhône-Alpes confirme qu'elle a l'intention de "suspendre les travaux du Sraddet". Dans un courrier adressé lundi 2 octobre à la Première ministre, Elisabeth Borne, et que franceinfo a pu consulter, Laurent Wauquiez explique avoir suivi toutes les démarches pour appliquer le dispositif ZAN. Mais il déplore que la loi de fin juillet soit venue "modifier les règles du jeu". "Je souhaite donc suspendre la procédure de modification du Sraddet et ne plus engager la région dans cette démarche jusqu'à ce que ses conditions de réussite soient établies", déclare-t-il.

"Il n'est pas question de ne pas respecter la loi. Ce dont il est question, c'est d'entendre la voix des élus et des acteurs des territoires."

La région Auvergne-Rhône-Alpes

à franceinfo

Laurent Wauquiez "essaie de parier sur une modification de la loi", analyse l'avocat David Dokhan. Le président de région souhaite "se donner le temps de provoquer un débat politique national afin de faire pression sur le Parlement", avec l'espoir de modifier la loi de juillet, abonde Jean-Baptiste Duclercq, avocat et maître de conférences en droit public à l'université Paris-Saclay. Saut que "c'est un coup d'épée politique dans l'eau, estime-t-il. La modification souhaitée de la loi n'a quasiment aucune chance d'aboutir."

Un risque d'annulation devant la justice

Car, comme toutes les autres régions, Auvergne-Rhône-Alpes a jusqu'au 22 novembre 2024 pour finaliser son schéma régional d'aménagement. Au-delà de ce délai légal fixé par la loi de fin juillet, le préfet de région peut décider de ne pas approuver le schéma en l'état, au titre du contrôle de sa légalité. Si la préfecture approuve un schéma non conforme à la loi, le tribunal administratif peut être saisi et l'annuler.

Un autre président de région LR, Xavier Bertrand, en a déjà fait les frais, début février. Farouchement opposé aux éoliennes, le patron des Hauts-de-France a fait voter un schéma régional privilégiant le développement d'autres énergies renouvelables, en dépit de la loi sur le sujet, qui favorise le développement du solaire et de l'éolien au niveau national. Saisi par l'association France Energie éolienne (FEE), qui regroupe les professionnels du secteur, le tribunal administratif de Lille a annulé en partie le Sraddet des Hauts-de-France, au motif qu'il "ne comporte pas de justification de l'absence d'objectif de développement de l'éolien terrestre". La région a fait appel.

Que se passe-t-il si le schéma régional n'est pas adopté dans les temps ? "Si le Sraddet n'est pas modifié ou révisé dans les délais, la loi s'imposera directement aux documents locaux d'urbanisme", grâce à une "sécurité posée" dans la loi Climat et résilience, explique Jean-François Giacuzzo, professeur de droit public à l'université Toulouse Capitole.

La traduction d'un "malaise profond"

Avec sa critique des évolutions législatives du dispositif ZAN, Laurent Wauquiez se fait "à sa manière, le porte-parole du malaise profond ressenti à l'égard de la complexité du droit de l'urbanisme, et de la difficulté des territoires à traduire localement ce qui est décidé au niveau central", analyse Jean-François Giacuzzo. "Pour la bonne cause, les collectivités territoriales et leurs élus doivent être efficaces et aller vite, alors que la législation est très technique et instable. Ainsi, un plan local d'urbanisme (PLU), dont l'élaboration coûte plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d'euros, est à peine adopté qu'il n'est déjà plus à jour", illustre-t-il.

En plus d'être changeante, la législation peut manquer de clarté. C'est notamment le cas des décrets d'application, qui guident les collectivités dans l'application de la loi. Par une décision survenue mercredi 4 octobre, le Conseil d'Etat a censuré une disposition du deuxième décret ZAN au motif qu'"il ne comportait pas les précisions nécessaires" sur l'identification des zones artificialisées. Il a en revanche validé, le même jour, un décret d'application du 29 avril 2022 fixant les objectifs de réduction d'artificialisation sur le plan régional.

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